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par le Dr Raymond Vergès

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Washington veut que l’O.N.U. légitime la recolonisation de l’Irak

Irak

Nouvelle tentative de mise au pas du Conseil de sécurité

vendredi 16 mai 2003


L’ONU discute une nouvelle fois du projet de résolution sur l’Irak, alors que la France a une nouvelle fois émis des objections sur une légitimation de l’occupation du pays et de la mainmise sur le pétrole du peuple irakien. Parallèlement à cette nouvelle tentative de coup de force à l’ONU, Washington souhaite que la Belgique sacrifie la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire, un fondement de toute démocratie : le gouvernement américain exige que la plainte pour crime de guerre contre le chef de l’armée d’occupation en Irak soit retirée sous peine de représailles.


À New York, le Conseil de sécurité devait discuter hier du projet contesté de résolution américano-britannique prévoyant la levée de toutes les sanctions contre l’Irak. Washington souhaite que cette résolution soit adoptée le 3 juin au plus tard mais cette date ne pourra peut-être pas être respectée, Paris, Berlin et Moscou ayant soulevé un certain nombre de questions techniques et juridiques, notamment quant au rôle dévolu à l’ONU.
Le projet déposé vendredi dernier par Washington prévoit la levée de toutes les sanctions pesant sur l’Irak depuis 1990, sauf dans le domaine militaire, en prônant la mise en place d’un Fonds d’assistance à l’Irak, alimenté notamment par les revenus pétroliers irakiens et placé sous l’autorité des « puissances occupantes ». Ce fonds servirait à satisfaire les besoins humanitaires, la reconstruction et la réparation des infrastructures, la poursuite du désarmement et la couverture des coûts de l’administration civile locale. En clair, cela signifie que le peuple irakien devrait payer les dépenses dues à la destruction de ses infrastructures par les bombardiers américains et britannique. Il serait également obligé de financer la présence dans son pays d’une armée d’occupation.
Les États-Unis ont rejeté les accusations selon lesquelles ils entendaient faire main basse sur le pétrole irakien sous couvert de levée des sanctions de l’ONU contre ce pays. Une question soulevée par le Danois Poul Nielson, qui a déclaré que « les États-Unis ont la mainmise sur le pétrole irakien » et allaient devenir membre de l’OPEP, l’organisation des pays exportateurs de pétrole.
De plus, le projet américain n’accorde qu’un rôle subalterne aux Nations unies. Le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, plaide quant à lui pour une administration irakienne légitimée par l’ONU, « même si elle est dans un premier temps provisoire. Or, ajoute-t-il, qui peut conférer la légitimité internationale, sinon les Nations Unies ? »
Pour Dominique de Villepin, « il faut un calendrier précis, de la transparence et aucun arbitraire dans le choix des hommes ». « Au terme d’une phase initiale de sécurisation, les Nations Unies devront progressivement assumer la responsabilité de la transition politique sous l’égide du représentant du secrétaire général, comme ce fut le cas en Afghanistan, au Kosovo ou encore en Bosnie », soutient-il. Le projet de résolution « constitue une base de départ » et « il reste beaucoup de chemin à faire », a-t-il souligné.
De son côté, la Chine a indiqué qu’elle « étudiait » le texte, tandis que le secrétaire d’État américain Colin Powell a tenté mercredi à Moscou de lever les réserves de la Russie. Interrogé pour savoir si l’Allemagne acceptait purement et simplement que les États-Unis et la Grande-Bretagne soient les maîtres d’œuvre en Irak, le ministre allemand de l’Intérieur Otto Schily a répondu : « Nous sommes prêts pour des solutions pragmatiques et nous n’en avons pas d’autres sous la main pour le moment ».

• Le commandant en chef américain de la guerre en Irak accusé de crimes de guerre

La plainte contre le général Franks pourrait coûter 50.000 emplois à la Belgique

Les États-Unis sortent l’artillerie lourde pour mettre le gouvernement belge sous pression. Désormais, Washington menace à haute voix : si la plainte pour crimes de guerre contre le général Franks donne suite à une enquête judiciaire, les États-Unis pourraient très bien retirer leurs billes de la Belgique.
Mardi 13 mai, Richard Meyers, chef d’état-major de l’armée américaine, assistait à une assemblée de l’Otan à Bruxelles et profitait de l’occasion pour lâcher : « La plainte contre le général Tommy Franks pourrait avoir un impact énorme sur les relations entre la Belgique et les États-Unis. La situation est très, très grave ». Le général a ajouté qu’au besoin, Washington transférerait le siège de l’OTAN dans un autre pays.
Le 7 mai, le vice-président de la Chambre de commerce américaine et l’ambassadeur américain à Bruxelles sont allés trouver le président de la Chambre belge, Herman De Croo. À la suite de cet entretien, ce dernier a déclaré : « Une enquête judiciaire contre le général Franks serait extrêmement préjudiciable pour notre pays ». Et d’ajouter que ses interlocuteurs avaient menacé de faire leur possible pour retirer les investissements américains de Belgique, « ce qui, en deux ou trois ans, pourrait coûter 50.000 emplois à la Belgique ».
La plainte déposée contre le général Franks est maintenant dans les mains du procureur fédéral. Celui-ci doit décider si un juge d’instruction doit être désigné. C’est ce qu’espèrent les plaignants.
Il peut aussi décider que l’affaire soit renvoyée dans un autre pays : les États-Unis par exemple. C’est ce qu’espèrent les gouvernements américains et belges. Le ministre belge des Affaires étrangères, Louis Michel, a déclaré mercredi matin que « la plainte contre le général Franks est une tentative d’utiliser la loi d’une mauvaise manière. S’il y a des raisons pour ouvrir une enquête, elle doit se dérouler aux États-Unis ». Une telle décision serait-elle en accord avec la lettre et l’esprit de la loi contre le génocide à laquelle les plaignants se réfèrent ? Difficilement, car cette loi dit que le renvoi n’est possible que si un traitement judiciaire indépendant est assuré dans le pays concerné. Les dirigeants américains ont montré qu’il n’en était rien. L’avocat Jan Fermon, qui a déposé la plainte, constate d’ailleurs que « quand on voit la pression que les USA mettent sur le magistrat belge qui doit traiter cette plainte...qu’est-ce que ça doit être aux États-Unis même ? ».
Le procureur fédéral peut aussi décider de renvoyer l’affaire en Irak, où les crimes de guerre ont été commis. Mais une enquête indépendante est-elle imaginable dans un pays occupé par l’armée américaine avec la présence d’une administration néocoloniale aux ordres de Washington ?

Le gouvernement belge poussé à intervenir dans une procédure judiciaire
Le ministère belge des Affaires étrangères ne souhaitait pas hier, « à ce stade », faire d’autres commentaires à propos de la demande américaine au gouvernement belge de faire retirer la plainte déposée contre le général américain Tommy Franks dans le cadre de la loi belge de compétence universelle.

« Les réponses faites hier (mercredi) par le ministre ont largement couvert la chose, nous ne faisons pas d’autres commentaires à ce stade », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Patrick Herman, interrogé par l’agence Belga.

Mercredi, le ministre belge des Affaires étrangères, Louis Michel avait décrit la plainte déposée par des Irakiens contre le commandant en chef des armées d’invasion en Irak comme « une action qui va à l’encontre de la loi belge de compétence universelle ».

« Cette plainte est un abus de la loi de compétence universelle et elle peut avoir un effet néfaste », avait ajouté le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Mercredi, 17 Irakiens et quatre Jordaniens ont déposé plainte au parquet fédéral de Bruxelles contre le général américain Tommy Franks, commandant en chef des troupes américano-britanniques depuis le début de la guerre en Irak, pour infraction au droit international humanitaire. Les plaignants ont été blessés ou ont perdu des proches à la suite de l’utilisation de bombes à fragmentation en Irak, des attaques contre la population civile ou contre l’infrastructure médicale irakienne.

Le chef de la diplomatie belge s’était demandé mercredi pourquoi une telle plainte ne pourrait pas être déposée aux États-Unis, estimant qu’ils sont un pays démocratique. Louis Michel avait également rappelé le principe de la séparation des pouvoirs qui prévaut en Belgique et qu’il appartenait donc d’abord au parquet fédéral de prendre une décision, « même s’il existe aujourd’hui des possibilités pour que le gouvernement fédéral intervienne », a précisé son porte-parole.

La plainte contre le général Franks a été déposée en vertu de la loi de compétence universelle de 1993 qui permet aux tribunaux belges de juger les auteurs présumés de crimes de droit international humanitaire, quels que soient l’endroit où ils ont été commis, la nationalité des auteurs ou de leurs victimes.


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