Blocage au niveau diplomatique et livraisons possibles d’armes antiaériennes russes à l’Iran

Yémen : une situation de plus en plus complexe

18 avril 2015

La situation au Yémen ne cesse d’empirer de semaines en semaines. Récemment, le médiateur de l’ONU au Yémen, Jamal Benomar, a donné sa démission. La coalition menée par l’Arabie saoudite continue de bombarder des positions des rebelles chiites houthis et la Russie s’est dite prête à livrer des armes à l’Iran, qui pourrait de son côté armer les Houthis.

De nombreux Yéménites ont pris la fuite à cause des bombardements de l’armée saoudienne. Ils sont devenus des réfugiés. (Photo : Almigdad Mojalli/IRIN)

Depuis le 26 mars, début de l’intervention saoudienne au Yémen, la coalition sunnite emmenée par Ryad a procédé à plus de 1. 200 raids aériens. L’armée saoudienne a assuré que ces bombardements ont rempli une grande partie de leurs objectifs militaires. Pourtant, sur le terrain, les rebelles houthis et leurs alliés iraniens résistent et maintiennent une pression militaire sur tous les fronts.

Face à l’ampleur de la situation, les Nations Unies ont fini par affirmer plus de trois semaines après le début du conflit que l’intervention saoudienne dans le conflit yéménite est « destructrice et meurtrière ». Selon l’ONU, les combats et les bombardements auraient provoqué la mort de à 767 morts, principalement des civils, et blessés 2.906 personnes. Le chiffre est pour le moment provisoire, car 7,5 millions de personnes sont touchées par l’intensification du conflit.

L’ONU et les ONG au Yémen ont demandé une contribution urgente de 253 millions d’euros, car « il n’y a plus d’importations au Yémen, nous parlons de nourriture, de carburants et de médicaments » a expliqué un responsable de la Croix rouge lors d’une conférence à Genève.

La tension reste à son comble

Le médiateur de l’ONU au Yémen, Jamal Benomar, a donné sa démission mercredi 15 avril. Diplomate marocain, en poste depuis 2012, Jamar Benomar avait mené une médiation entre les protagonistes de la crise yéménite, après la chute du président yéménite Ali Abdallah Saleh sous la pression de la rue.

Non seulement la médiation n’a rien donné, mais la situation s’est transformée en un conflit armé entre le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié en Arabie saoudite, et les miliciens chiites houthistes, soutenus par l’Iran, qui contrôlent la majeure partie du pays.

D’après l’Agence France Presse, Jamar Benomar a été très critiqué par les partisans du président Abd Rabbo Mansour Hadi et ses alliés du Conseil de coopération du Golfe, particulièrement l’Arabie saoudite.

Cette démission met en exergue l’impasse dans laquelle s’est embourbée les pays de la région. En effet, une fin de conflit n’est plus possible sur le plan diplomatique. D’autant plus que Ryad et Le Caire ont annoncé leur intention d’organiser de grandes manœuvres militaires sur le sol saoudien, sans donner plus de détails sur ces opérations futures.

L’Iran gagne du terrain

De son côté, l’Iran a reçu un soutien de poids. En raison des « progrès substantiels réalisés lors des négociations de Lausanne sur le programme nucléaire iranien », le Kremlin a décidé de relancer la vente de ses systèmes de défense antiaériens à Téhéran. Le président russe Vladimir Poutine a signé, le 13 avril, un décret sur la levée de l’interdiction de la vente des systèmes de missiles antiaériens russes S-300 à l’Iran.
Pour le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, « l’embargo mis en place en septembre 2010 n’a plus de raison d’être », a rapporté le quotidien russe, Kommersant, cité par Courrier International. Ce dernier a aussi indiqué que « le système S-300 est une arme exclusivement de défense qui ne peut constituer de menace pour aucun Etat, y compris Israël. En revanche, la situation extrêmement préoccupante qui prévaut actuellement au Moyen-Orient, notamment au Yémen, justifie pour l’Iran de se doter de systèmes de défense modernes ».

D’après un expert russe interrogé par le quotidien russe, cette décision est un moyen de « reconnaissance du fait que la place de l’Iran dans la région est appelée à évoluer radicalement dans un futur proche ». Une position qui pourrait profiter aux organisations chiites dans la région et notamment les Houthis. Ces derniers pourraient recevoir une aide militaire de Téhéran, alors que la coalition ne parvient pas à les faire reculer.

D’ailleurs, le ministre iranien de la Défense, Hossein Dehghan, en visite à Moscou, a appelé l’Inde, la Russie et la Chine à coopérer pour contrecarrer les projets de l’Otan, qui devrait déployer son bouclier antimissile (ABM) en Europe, mais également développer une coopération sécuritaire.

Washington récolte ce qu’il a semé

De son côté, l’Irak a dénoncé l’offensive aérienne lancée par l’Arabie saoudite au Yémen, preuve de son soutien à l’Iran. Ainsi, le premier ministre irakien, Haïdar Al-Abadi, en visite aux États-Unis, a également laissé entendre que l’administration américaine était également inquiète de l’intervention saoudienne.

Cette déclaration a rapidement été démenti par Alistair Baskey, porte-parole du Conseil national de sécurité, qui a assuré soutenir « fermement les opérations en cours conduites par le Conseil de coopération du Golfe ». Ce dernier a d’ailleurs rappelé qu’ils accéléraient les livraisons d’armes destinées à la coalition et mit en avant la coopération en matière de renseignement.

D’ailleurs, les États-Unis ont haussé le ton contre l’Iran : « Nous savons que l’Iran arme les rebelles chiites houthis qui ont pris la capitale Sanaa et de vastes régions du Yémen avant de déferler vers le sud », a indiqué le secrétaire d’Etat, John Kerry. Ce dernier a prévenu l’Iran, qui « doit savoir que les États-Unis ne resteront pas les bras croisés alors que la région est déstabilisée et que des gens lancent une guerre ouverte à travers les frontières internationales des autres pays (…) ».

Cette déclaration répond aux propos tenus par le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, qui a violemment dénoncé les frappes menées par la coalition de l’Arabie saoudite contre les rebelles au Yémen et demandé l’arrêt de ces actes criminels.
Les États-Unis peinent à être crédibles dans ce contexte. En effet, soutien de l’Arabie saoudite et de ses alliés du Golfe, Washington veut également conserver l’actuel président Abd Rabbo Mansour Hadi, en exil en Arabie saoudite, depuis l’attaque des Houthis. En effet, ce dernier est un atout majeur pour les Américains, qui ont renforcé leurs aides pour lutter contre Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). Toutefois, le pays ne peut pas se heurter frontalement à l’Iran, avec qui il est en discussion sur le nucléaire et parce que les Américains ont besoin des Iraniens pour contrer l’Etat islamique et Al Qaida.

SaiLin

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