Les phénomènes météorologiques extrêmes aggravent l’insécurité alimentaire, les déplacements de population et les conflits.

L’Afrique pâtit du changement climatique de manière disproportionnée

6 septembre 2023

D’après un nouveau rapport de l’OMM, cette situation alimente aussi les déplacements et les migrations et aggrave la menace de conflits provoqués par la raréfaction des ressources.

L’Afrique n’est responsable que d’une fraction des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais elle pâtit de manière disproportionnée du changement climatique. D’après un nouveau rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), cette situation nuit à la sécurité alimentaire, aux écosystèmes et à l’économie, elle alimente les déplacements et les migrations et elle aggrave la menace de conflits provoqués par la raréfaction des ressources.

Le rapport sur l’État du climat en Afrique 2022 montre que le rythme de la hausse des températures en Afrique s’est accéléré au cours des dernières décennies et que les risques liés au temps et au climat sont de plus en plus graves. En revanche, le financement de l’adaptation au changement climatique ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan de ce dont a besoin le continent.

En 2022, les aléas météorologiques, climatiques et hydrologiques ont touché directement plus de 110 millions de personnes sur le continent et provoqué des dommages économiques chiffrés à plus de 8,5 milliards de dollars É.-U. La base de données sur les situations d’urgence fait état de 5 000 décès signalés, 48 % par suite de la sécheresse et 43 % d’inondations. Toutefois, le nombre réel de victimes est probablement beaucoup plus élevé en raison du phénomène de sous-déclaration.

« L’Afrique est responsable de moins de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Or c’est le continent qui est le moins à même de faire face aux effets délétères du changement climatique. Les canicules, les fortes pluies, les inondations, les cyclones tropicaux et les sécheresses persistantes ont des effets dévastateurs sur les communautés et les économies, et le nombre de personnes menacées va croissant », a déclaré le Secrétaire général de l’OMM, M. Petteri Taalas.

« Les observations météorologiques sont très lacunaires en Afrique et les services d’alerte précoce sont terriblement insuffisants. Nous sommes bien déterminés à combler ces lacunes et à faire en sorte que tout le monde puisse recevoir des alertes précoces salvatrices », a-t-il ajouté.

Le rapport, produit conjointement avec la Commission de l’Union africaine et le Centre africain pour la politique en matière de climat relevant de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), a été rendu publique lors du Sommet africain sur le climat, à l’occasion duquel le plan d’action sur les alertes précoces pour tous en Afrique a également été lancé. Le Kenya, pays hôte, a aussi publié son rapport sur l’État du climat au Kenya en 2022.

« L’Afrique, à l’instar d’autres régions, s’est résolue à accepter la réalité, à savoir que le changement climatique est déjà à l’œuvre. Si l’on lui donne libre cours, les années et les décennies à venir seront facilement caractérisées par une pression climatique forte pesant sur la nature, les moyens de subsistance et les économies des pays du continent », déclare S. E. l’ambassadeur Josefa Leonel Correia Sacko, Commissaire chargée de l’agriculture, du développement rural, de l’économie bleue et de l’environnement durable à la Commission de l’Union africaine.

« Étant donné le degré élevé d’exposition de l’Afrique, sa fragilité et sa faible capacité d’adaptation, on peut s’attendre à ce qu’elle subisse de plein fouet les effets du changement climatique. La santé des populations, la paix, la prospérité, les infrastructures et les autres activités économiques dans de nombreux secteurs en Afrique courent des risques considérables en raison du changement climatique », écrit-elle dans le rapport.

L’agriculture est à la base des moyens de subsistance et des économies nationales en Afrique ; elle fait vivre plus de 55 % de la population active. Mais à cause du changement climatique, la croissance de sa productivité agricole a chuté de 34 % depuis 1961. Cette baisse est la plus élevée enregistrée par comparaison à ce qu’ont connu d’autres régions du monde.

Les projections prévoient que, d’ici 2025, les pays africains multiplieront par trois leurs importations annuelles de denrées alimentaires qui passeront de 35 milliards de dollars É.-U. à 110 milliards de dollars É.-U.

Le niveau des pertes et des dommages, et donc les coûts encourus, seront fonction de nombreux facteurs, notamment du niveau d’ambition des mesures d’atténuation sur le plan mondial et de la hauteur des investissements dans l’adaptation à l’échelle locale. Dans un monde où le réchauffement serait de 4 °C avec une adaptation régionale forte, l’Afrique pourrait encourir, chaque année d’ici à 2080, des coûts dus aux « dommages résiduels » équivalant à 3 % de son produit intérieur brut projeté.

Les coûts des pertes et dommages dus au changement climatique en Afrique sont estimés entre 290 et 440 milliards de dollars sur la période 2020-2030 d’après le Centre africain pour la politique en matière de climat de la Commission économique pour l’Afrique.

Selon le rapport, le changement climatique et la raréfaction des bases de ressources pourraient alimenter les conflits pour obtenir les rares terres productives, l’eau et les pâturages, là où la violence entre agriculteurs et éleveurs s’est intensifiée ces dix dernières années à cause de la pression croissante exercée sur les terres, avec, dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, des îlots géographiques où se concentrent de telles zones.

Le rapport, assorti d’une présentation en images, est le fruit d’une collaboration entre plusieurs institutions. Il comprend des contributions de la Commission de l’Union africaine et de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, ainsi que des services météorologiques et hydrologiques nationaux africains, des centres climatologiques régionaux de l’OMM, des institutions spécialisées des Nations Unies, de la Banque africaine de développement, du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale et de nombreux experts et scientifiques.

Messages à retenir

Température : Au cours de la période 1991-2022, l’Afrique a enregistré un taux moyen de réchauffement de +0,3 °C/décennie, contre +0,2 °C/décennie entre 1961 et 1990. Ce chiffre dépasse légèrement la moyenne mondiale. C’est en Afrique du Nord, aux prises avec des canicules extrêmes ayant alimenté des incendies de forêt en Algérie et en Tunisie en 2022, que le réchauffement a été le plus rapide.

Précipitations : La Corne de l’Afrique a subi sa pire sécheresse depuis 40 ans ; l’Éthiopie, le Kenya et la Somalie ont été particulièrement durement frappés. L’épisode triennal de La Niña y est pour beaucoup. Cinq saisons consécutives de faibles précipitations ont réduit la productivité agricole et affaibli la sécurité alimentaire. En Somalie, les effets catastrophiques de la sécheresse sur les moyens de subsistance des éleveurs et des agriculteurs et la faim ont poussé près de 1,2 million de personnes à quitter leur foyer à l’intérieur du pays au cours de l’année. On a enregistré, en outre, 512 000 déplacements internes liés à la sécheresse en Éthiopie.

De nombreuses régions du Sahel ont subi d’importantes inondations pendant la mousson ; le Nigeria, le Niger, le Tchad et la moitié sud du Soudan ont été particulièrement touchés.

Cyclones tropicaux : La saison des cyclones tropicaux a été active dans le sud de l’océan Indien, malgré un début inhabituellement tardif. L’Afrique australe a été frappée par une série de cyclones et de tempêtes tropicales durant les premiers mois de 2022, provoquant des inondations et des déplacements de population. Dans des pays comme Madagascar, les chocs se sont enchainés en laissant peu de répit pour le rétablissement.

Élévation du niveau de la mer : Le taux d’élévation du niveau de la mer sur les côtes en Afrique est similaire à la valeur moyenne mondiale établie à 3,4 mm/an. Elle dépasse cependant la moyenne mondiale le long des côtes de la mer Rouge (3,7 mm/an) et des côtes de l’ouest de l’océan Indien (3,6 mm/an).

Adaptation au climat : En 2021, les émissions de dioxyde de carbone par habitant en Afrique étaient de 1,04 tonne métrique par personne, contre une moyenne mondiale de 4,69 tonnes métriques par personne.

Plus de 50 pays africains ont désormais soumis leur contribution déterminée au niveau national (CDN). L’agriculture et la sécurité alimentaire, l’eau, la santé et la réduction des risques de catastrophe constituent les domaines prioritaires définis en matière d’adaptation.

Pour mettre en œuvre ces contributions, il faudra près de 2,8 billions de dollars É.-U. entre 2020 et 2030. La Banque africaine de développement a doublé son financement au service du climat, pour atteindre 25 milliards de dollars d’ici 2025, et a consacré 67 % de ce financement à l’adaptation, en plus de s’employer à lever quelques 13 milliards de dollars en faveur de son Fonds de développement pour l’Afrique.


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