Le ministre a échangé durant trois jours avec les indépendantistes et les Loyalistes, afin de négocier le futur statut de l’archipel. Cette troisième séquence s’est soldée par un échec.
"Nous devons constater, avec franchise, qu’aucun accord n’a été conclu", a reconnu Manuel Valls. Au cours d’une conférence de presse le 8 mai, le ministre des Outre-mer a expliqué les raisons de cet échec.
Il y avait deux projets sur la table. D’un côté, celui porté par les Loyalistes, un projet fédéraliste de découpage des territoires avec une plus grande autonomie fiscale et économique des provinces. Un projet rejeté par Manuel Valls car "le projet des Loyalistes et du Rassemblement mettait en cause, à nos yeux, l’unité et l’indivisibilité de la Nouvelle-Calédonie protégées par l’accord de Nouméa et notre Constitution, à travers un projet de partition. C’est pour cela que nous ne pouvions pas l’accepter même si nous en avons discuté". Et de l’autre, le projet des Indépendantistes, qui "s’apparente trop à une indépendance" pour les Loyalistes.
Le ministre des Outre-mer était plus favorable au deuxième projet, car fondé sur "une souveraineté de la Nouvelle-Calédonie avec la France". Il prévoyait, entre autres, une double nationalité - française et calédonienne - et un transfert de compétences régaliennes (défense, sécurité, monnaie, justice). Tout cela serait alors inscrit dans la Constitution française.
Ce projet est jugé inacceptable pour les Loyalistes car "cela s’apparente trop à une indépendance", a estimé leur cheffe de file, Sonia Backès. "Comment le numéro 3 du gouvernement peut-il arriver en Nouvelle-Calédonie et dire ’Ok, vous avez voté trois fois mais on donne l’indépendance à un territoire qui a décidé, par trois fois, de rester français parce qu’il y a eu de la violence le 13 mai dernier’ ?. Quel est le message envoyé aux Français, aux Calédoniens mais aussi aux autres territoires d’Outre-mer ?", questionne-t-elle.
Il y a donc un statu quo. Aucun avancée possible en raison de la position stricte des Loyalistes. Pourtant, les débats partaient bien, car Manuel Valls est parvenu à mettre autour d’une table deux camps qui ne se parlaient plus, ce qui constitue malgré tout un petit exploit.
De plus, des "points de convergences" ont été identifiés, a assuré le ministre. Ce dernier a indiqué qu’il y aura la mise en place d’un comité de suivi. Le problème est qu’il s’agit de trouver "un chemin entre deux voies incompatibles", dit son entourage et "c’est d’une extrême difficulté".
Cette absence d’accord pourrait avoir de graves conséquences. L’économie de l’archipel est ç la traine depuis les émeutes. Manuel Valls a tenu à rappeler qu’"il y a quelques jours, je vous ai dit, que s’il n’y avait pas d’accord, le chaos était possible. Je crois sincèrement que le vide laissé par l’absence d’un compromis est lourd de menaces", notamment en vue des prochaines élections provinciales en novembre. D’autant que les positions peuvent se radicaliser, selon le ministre.
Les partis politiques calédoniens réagissent
Les Loyalistes et le Rassemblement ont dressé leur bilan des discussions sur l’avenir de la Nouvelle Calédonie suite à l’échec des discussions menées à Bourail.
Ces derniers ont attendu que le ministre des Outremer, Manuel Valls, prenne la parole pour s’exprimer. Après la conférence de presse du ministre des Outre-mer, les premiers à prendre la parole, lors d’une conférence de presse, sont l’intergroupe Les Loyalistes et Le Rassemblement - Les Républicains, qui ont assuré que "Manuel Valls a fait échouer les négociations".
Pour Nicolas Metzdorf, élu Loyalistes, "ce qu’a fait Manuel Valls, en venant, et de manière unilatérale, déposer un projet d’indépendance association de la Nouvelle-Calédonie a complètement tué les chances de réussite du conclave de Déva". "Nous avons fait barrage à cette solution d’indépendance qui, hélas, comme elle a été posée dès le départ par le ministre, a biaisé toutes discussions", a ajouté Virginie Ruffenach, présidente du groupe Rassemblement.
Dans un communiqué de "Calédonie ensemble", réunissant le Rassemblement et les Loyalistes, "c’est un sentiment de déception qui domine face à ce que Philippe Dunoyer qualifie ’d’échec collectif’". "Mais ce n’est pas la fin de l’histoire", a assuré le porte-parole du parti qui veut malgré tout être optimiste. "Il y a un comité de suivi, a dit le ministre, qui est à disposition de tout le monde, des partenaires calédoniens et de l’État, pour continuer de travailler et c’est plus que jamais important."
Pour le L’Eveil océanien, la déception et l’inquiétude sont partagés. Car pour Milakulo Tukumuli, la Nouvelle-Calédonie entre dans une période d’instabilité. "À partir de maintenant on est dans un no man’s land. Ça veut dire qu’il faudra attendre le deuxième semestre de l’année 2027, après les élections présidentielles, les élections législatives, qu’on ait un ministre qui vienne rouvrir le dossier calédonien. Après trois ans de vide, après une séquence où on n’est pas parvenu à un compromis politique... Donc qu’est-ce qui va se passer pendant ces trois ans ? Personne ne le sait."
Côté indépendantistes, l’Uni dit sortir "découragé" des trois jours de discussions. Pour Emmanuel Tjibaou, président de l’Union calédonienne et chef de file de la délégation FLNKS lors de ces négociations, "on n’a pas d’autre choix que le dialogue. C’est celui qui aujourd’hui, nous appelle à prendre nos responsabilités et se dépasser. Ça n’empêche en rien la possibilité d’avancer et de nourrir le débat sur les perspectives sur lesquelles on peut s’engager". Mais le FLNKS a rappelé qu’il ne renoncera pas à l’exercice du droit à l’autodétermination et à l’objectif de la pleine souveraineté.