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par le Dr Raymond Vergès

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La compassion d’Obama pour une Afrique en panne

Point de vue

mercredi 27 juin 2012

Obama fut l’un des chefs d’État américains qui a évalué et reconnu que la mal-gouvernance en Afrique, la corruption, le manque d’honnêteté, l’opacité des institutions constituent un frein pour l’essor de nombreux pays en Afrique. Il pointe du doigt également le gaspillage des biens publics, les mascarades de processus électoraux et le mépris des droits universels comme étant les maux qui gangrènent l’administration et les sociétés africaines, principalement en Afrique de l’Ouest. Ce diagnostique appelle à comprendre les raisons et les causes de ces constats, et peut-être à désigner certains lobbies, certains grandes puissances qui, sans leurs cautions, rien ne serait passé ainsi.

De la France-Afrique au Grand-frère américain

Il y a eu la coopération France-Afrique qui a donné les résultats que nous connaissons. Maintenant, nous assistons à un regain d’intérêt des États-Unis pour l’Afrique. Les bonnes intentions ne manquent pas et sont dites clairement : « L’Afrique et ses habitants sont des partenaires de l’Amérique dans la création de l’avenir que nous voulons pour tous nos enfants », « l’Afrique est plus que jamais pour la sécurité et la prospérité de la communauté internationale, et pour les États-Unis en particulier ». Et pour être plus clair encore, Obama précisait : « Nous avons agi en partenaires avec des leaders, des jeunes et la société civile en Afrique pour approfondir les principes de la démocratie, élargir les possibilités économiques ». Ces mots prononcés traduisent soit la volonté d’agir de Barack Obama en faveur de l’Afrique, de ses ancêtres, pour participer dans une collaboration franche et sincère à son développement, soit le contraire, une stratégie d’appât, de mise de « la poudre aux yeux » des interlocuteurs auxquels il n’accorde aucun crédit. En tout cas, l’une des possibilités reste sous-jacente.
Nous pouvons voir une part de rêve dans ses considérations. Tout d’abord, la difficulté vient de ce que beaucoup de chefs d’État africains ne sont pas élus démocratiquement, et qu’en outre, ils tiennent leur pouvoir du bénéfice de fraudes électorales, qui sont connues et cautionnées par beaucoup de vieilles démocraties internationales. Des actes de malveillance qui ne sont jamais condamnés. Comment peut-on faire avancer un État, faire émerger un continent malade de sa mauvaise gestion ? Les droits de l’Homme semblent être dénoncés et protégés ailleurs dans les pays occidentaux. Ils sont méconnus et méprisés dans certains pays d’Afrique et les profiteurs politiques du Nord comme du Sud s’assoient impunément dessus. Quand Obama évoque la sécurité, nous attendons que sa détermination se fasse sentir dans sa capacité à aider à l’instauration de la démocratie et les droits de l’Homme. Ce sont là les conditions incontournables d’une croissance économique stable et pacifique qui permettent à chaque peuple d’être partie prenante de son destin. Les institutions manquent de solidité et de crédibilité, manquent de transparence. On ne peut s’étonner du fait de la mauvaise gestion des affaires de l’État, de l’existence de la corruption, de l’augmentation des guerres, des violences et des trafics en tout genre. Le désordre fait la règle, les lois ne sont pas reconnues et respectées, la justice est piétinée et bafouée. Dans les pays où la représentation nationale n’est pas élargie à toutes les composantes sociales, où on n’intègre pas les forces de l’opposition, il est certain que les difficultés actuelles sont celles qui attendent le futur.

La stratégie à la Obama

Grande reste la tentation de douter de la crédibilité des intentions du Président Obama quand, dans ses propos, il insiste sur le profit en insinuant subrepticement « son équilibre » gagnant-gagnant à lui. Son action en faveur des Africains serait-elle désintéressée ? J’en doute fort. Allons savoir ce que nous cachent les expressions : « … parti à tirer des possibilités…, les États-Unis doivent se doter de grande envergure qui soit proactive, tournée vers l’avenir et qui concilie nos intérêts à long terme avec les impératifs à court terme ». Cela ressemble fort à cette stratégie de la charité business que développent de plus en plus les grandes puissances et quelques pays émergents. Au nom de la coopération ou du droit à l’ingérence, on se permet tout en favorisant le contre développement et la pauvreté. Qu’on m’explique aussi comment soutenir l’effort d’entreprise des Africains quand on affirme : « … tout en appuyant ces efforts, nous encouragerons les entreprises américaines à saisir les occasions de commercer avec l’Afrique et d’investir dans le continent, cela pour leurs compétences, pour leur capital et leur technologie, pour créer des emplois en Amérique » ? Pour tout dire, grâce à l’Afrique, on luttera contre le chômage aux USA. Une logique de partenariat que mal m’est donné de comprendre. Doit-on faire à la place des Africains, ou les aider à faire ? Ils ont le savoir-faire. Pour moi, l’idée de cet échange commercial qui, en principe, est équitable doit avoir pour objectif la possibilité de faire travailler les jeunes Africains. Elle ne peut être en faveur de la rentabilité d’un quelconque acte de commerce. A vrai dire, ce discours d’Obama va à l’encontre de ce que propose Atta Mills, le président de la République du Ghana qui, lors d’une de ses tournées au Canada en novembre 2011, déclarait à propos de l’occident : « Depuis fort longtemps, nous les avons écoutés, maintenant ils ne prennent même plus la peine de nous consulter, ils agissent de la façon qui leur convient, ce qui ne va toujours pas mieux dans nos intérêts ».

La vraie stratégie pour une paix solidaire et durable

Obama ne décevra pas l’Afrique et les Africains en reconnaissant les compétences des Africains dans tous les domaines, surtout que l’Amérique en a formé de hauts cadres, dont certains, les plus éminents, font avancer les industries aéronautiques et aérospatiales américaines. Les Africains attendent plus que jamais l’intelligence, la voix et la main des Américains pour sortir de la pauvreté. Les discours ne font pas la stabilité, « la paix, ce n’est pas un mot, c’est un comportement », disait le feu président ivoirien Houphouet-Boigny. Les USA ne seront pas de trop quand ils viendront au secours des États africains menacés par des apatrides, des séparatistes religieux, des régimes autocratiques et anti-démocratiques, les impérialistes. Là, ils auront le soutien de toute l’Afrique qui réclame depuis les indépendances la paix et la sécurité. Leur ingérence serait davantage comprise quand c’est pour participer à rétablir un État de droit avec un régime démocratiquement élu. C’est, à mon avis, à cette seule condition que la sécurité des pays développés serait assurée. Pour tout stratège politique, le monde connaitra une accalmie et un développement stable que quand les pauvres géreront eux-mêmes leur misère. L’essor de l’Afrique se fera avec ceux qui sont munis d’intentions de progrès et non de profits, de ceux qui pourront aider à asseoir des régimes honnêtes et démocratiques, c’est-à-dire des États avec des institutions crédibles et solides.

Bienvenu H. Diogo


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