La longue lutte du peuple chagossien

La Cour Européenne des Droits de l’Homme est en vue

22 décembre 2009, par Alain Dreneau

Le Groupe Réfugiés Chagos (G.R.C.) continue sa lutte pour la reconnaissance des droits du peuple chagossien au retour dans ses îles natales. Son leader, Olivier Bancoult, était de passage à La Réunion pour quelques jours. Avec toujours la même détermination, il prépare son prochain combat, qui aura pour cadre la Cour Européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg. Il espère que le procès se tiendra en mars 2010, et qu’il viendra réparer les dénis de justice infligés par les tribunaux britanniques. En attendant, l’année 2009 aura été marquée par deux avancées. Aux Etats-Unis, le mur du silence a commencé à se lézarder, et le nom des Chagossiens à être prononcé dans des enceintes publiques. Et aux Chagos mêmes, le voyage d’un groupe de 18 personnes a permis de confirmer qu’un projet de développement durable est réalisable pour la communauté chagossienne.

Lors d’un récent séjour aux Etats-Unis courant novembre, Olivier Bancoult a entrepris de percer le mur de silence qui a entouré jusqu’à présent l’histoire du peuple chagossien. « Avec l’arrivée d’Obama, l’approche a changé » dit-il, avec toute la mesure que requiert la longueur du chemin encore à parcourir pour que la cause chagossienne parvienne réellement à se faire entendre à la Maison Blanche.

Un scandale longtemps caché au peuple américain

Il a eu l’occasion d’intervenir à l’Université de Washington, le jour même - pure coïncidence ! - où Obama s’est vu décerner le prix Nobel de la Paix. Un autre prix Nobel, Jean-Marie Le Clézio, avait, quelques jours auparavant, appelé le président des Etats-Unis à corriger l’injustice historique faite à ce peuple de l’océan Indien : « Je souhaite attirer votre attention sur une injustice qui dure depuis quarante ans. Je veux parler de la déportation du peuple chagossien ».
Après des rencontres avec des membres du Congrès, des proches de Michelle Obama, des universitaires et des personnalités de media progressistes, Olivier Bancoult s’est fixé comme objectif la tenue en 2010, dans le cadre du Congrès, d’une conférence sur le thème de cette déportation d’un peuple en plein 20ème siècle. Comme l’écrit l’auteur du premier livre publié aux Etats-Unis sur le sujet (“L’île de la honte” de David Vine, avril 2009) : « Impérialisme, diktats militaristes et racisme se sont conjugués pour nier l’existence d’un peuple pour la seule raison qu’ils se trouvaient “dans le chemin” ».

Un potentiel de développement durable

Depuis l’arrachement à leurs îles, il y a une quarantaine d’années, deux fois seulement de petits groupes de Chagossiens ont pu faire un pèlerinage sur leur sol natal. En 2006 et en cette année 2009, à l’occasion de la Fête des Morts qui a pu être célébrée pour la première fois sur les tombes familiales, à Perhos Banhos, à Salomon, à Diego Garcia. Ils étaient dix-huit à faire ce voyage afin de rendre hommage à leurs ancêtres [1]]. Ce séjour a permis à Olivier Bancoult et ses compatriotes de confirmer sur place le potentiel de développement durable qui existe dans ces îles pour une communauté chagossienne qui viendrait se réinstaller sur son sol. Pêche, exploitation du coco (des cosmétiques aux agro-carburants), tourisme et biodiversité, le projet est actuellement soumis à l’évaluation d’un groupe d’experts à la demande du Groupe Réfugiés Chagos.

“Biodiversité” à la sauce britannique

A propos de biodiversité, voici la dernière trouvaille du gouvernement britannique, qui continue à tout faire pour empêcher les Chagossiens de recouvrer leurs droits. C’est ainsi qu’il vient de faire état d’un projet de “zone de protection environnementale maritime”, zone qui comme par hasard engloberait… l’archipel des Chagos ! Cette soudaine prise en considération du milieu marin de l’archipel, de sa faune et de sa flore, vise à dresser un obstacle définitif à toute possibilité de retour des autochtones, qui constituent apparemment pour la Grande-Bretagne la seule espèce qui ne serait pas digne d’être “protégée” !
Si le G.R.C. compte lui aussi intégrer la préservation du patrimoine maritime à son projet de développement, il la considère comme un élément fort du retour de la population native dans l’archipel. Comme l’explique Olivier Bancoult au journal mauricien l’Express [2]], il ne peut que s’opposer aux visées impérialistes qui se cachent derrière le “Parc marin des Chagos” : « On n’acceptera pas de “one man show” de la part des Britanniques. Nous travaillons en collaboration avec le gouvernement mauricien mais nous sommes totalement contre ce projet car il ne prend pas en compte la participation et l’accord des Chagossiens ». Affaire à suivre.

Cour Européenne des Droits de l’Homme en vue

La prochaine étape dans le long combat du Groupe Réfugiés Chagos va se tenir à Strasbourg. Le GRC avait déposé le dossier en octobre 2004 auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, afin de faire valoir le droit des Chagossiens à une indemnisation par le gouvernement britannique, concernant le préjudice moral causé à ce peuple. Depuis, en octobre 2008, la décision finale de la justice anglaise a, suite à toute une série de jugements contradictoires, interdit aux Chagossiens de retourner dans leur patrie. Les juges de Strasbourg ont alors décidé d’instruire l’affaire. Il s’en est suivi une acceptation du dossier. Le gouvernement britannique ayant refusé de traiter la question de l’indemnisation à l’amiable, il y aura procès. Les juges viennent de faire savoir que le procès aura lieu dans les tout prochains mois, compte tenu du fait que les plaignants ont atteint un âge avancé. Olivier Bancoult espère donc le procès à la Cour de Strasbourg à l’horizon de mars 2010. De la même façon que les procès de Londres avaient mobilisé une forte délégation de Chagossiens, Strasbourg verra, espérons dès mars prochain, un groupe déterminé de Chagossiens pour obtenir tout simplement justice. [3]]

Alain Dreneau


Bientôt un “Centre d’héritage, de ressources
et d’information” pour les Chagossiens

Le Groupe Réfugiés Chagos est sur le point de concrétiser un rêve. Celui d’édifier un “Centre d’héritage, de ressources et d’information pour préparer le retour”. « On est en voie de gagner notre pari » se réjouit déjà Olivier Bancoult. Il faut dire qu’une fois obtenu de la Ville de Port-Louis le terrain nécessaire, une fois mobilisés les crédits indispensables, le chantier a avancé à la vitesse grand V, grâce au coup de main des membres du G.R.C. - hommes et femmes - venus en renfort des professionnels du bâtiment. Il reste à présent les finitions.
Et Olivier Bancoult entrevoit déjà l’inauguration, prévue pour la fin février 2010. Une inauguration à laquelle il conviera ses amis réunionnais solidaires de la longue lutte du peuple chagossien. « Nous comptons toujours sur la solidarité des frères et sœurs réunionnais » dit-il d’ailleurs en conclusion.

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