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par le Dr Raymond Vergès

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Des actes de propriété modifiés à l’insu des propriétaires

Affaire « De Balman »

mardi 31 juillet 2007


Le jugement prononcé le 27 juillet dernier dans l’affaire opposant plusieurs familles - 24 habitants - de Saint-François (Saint-Denis) à Emmanuel De Balman, un Marseillais de naissance domicilié dans le Var, est l’acte le plus récent d’une bataille juridique commencée devant les tribunaux de La Réunion en septembre 2002. Ce jugement soulève plusieurs questions.


Les sœurs Clain.
(photo WT)

L’une d’elles porte sur la non prise en compte, dans le jugement en appel, de la propriété des familles par prescription trentenaire.
Parmi les habitants que M. De Balman a fait assigner depuis cinq ans, MM. Pausé et Robert ont fait la preuve qu’ils étaient propriétaires de leurs parcelles et c’est à ce titre que M. De Balman avait été débouté en première instance.
Les juges de première instance ont estimé que M. De Balman n’avait pas apporté suffisamment d’éléments prouvant qu’il était l’héritier direct des parcelles dont il veut expulser les occupants propriétaires. Ils l’avaient même condamné aux dépens, par le jugement du 8 mars 2005, plus 800 euros de dommages et intérêts, et encore 1.500 euros. Après l’appel interjeté le 27 mai 2005 de ce premier jugement, l’affaire est revenue devant le tribunal le 1er juin dernier, et depuis au moins cinq ans - ma première alerte remontant même à l’année 2000 -, les familles de Saint-François vivent un stress insupportable.

La « Succession Crémazy »

Dans cette affaire, chaque partie fait valoir un titre de propriété, mais sont-ils vraiment équivalents ? Sont-ils également avérés ?
M. De Balman est un Marseillais de 48 ans dont la sœur, infirmière dans une institution pour personnes âgées, s’est occupée en particulier d’une dénommée Marguerite Crémazy-Giloux, née en 1917 à Marseille, mariée à M. André Crémazy et veuve depuis 1996. La mère d’Emmanuel De Balman et de sa sœur aurait été employée de maison chez les Crémazy. Les “relations” entre les deux familles prennent un tour nouveau lorsque Marguerite Crémazy-Giloux, alors qu’âgée de 84 ans et placée dans une sorte de maison de retraite des Bouches du Rhône, épouse en seconde noce le fils de son ancienne employée, alors âgé de 42 ans. Le mariage prononcé le 28 février 2001 avait été précédé deux semaines plus tôt d’un contrat établissant le régime de la communauté universelle (voir encadré) . C’est en qualité d’héritier de Mme Crémazy-Giloux, décédée le 18 septembre 2001, que M. De Balman a engagé la procédure d’expulsion à l’encontre des familles de Saint-François. Il fait valoir ses droits sur une « succession Crémazy » qui semble prendre effet à la fin du 19ème siècle, au décès d’un dénommé Crémazy Pascal, survenu en mai 1889. L’année suivante, sa veuve et tutrice de leur fils Emile établit un bail « sur une des parcelles en cause », dit le jugement du 27 juillet. Des pièces sont ensuite évoquées - une lettre d’Emile Crémazy en 1925 ; un acte notarié de 1946 - qui ont incité les juges à admettre l’acceptation, par Emile Crémazy, de la succession de son père. Et c’est donc de cette succession que se prévaudrait Emmanuel De Balman.
Mais la succession porte-t-elle sur toutes les parcelles ? Les actes notariés produits ont-ils donné lieu à toutes les enquêtes préalables ?
Un autre acte, du 18 avril 1931, fait état d’une parcelle donnée par un membre de la famille Crémazy à M. Pausé Henri Evariste, dont les descendants sont poursuivis par M. De Balman.

Comment devient-on propriétaire ?

En face de cette histoire de succession compliquée - comme elles le sont souvent, plusieurs noms de propriétaires étant mêlés à des échanges ou des cessions de ces mêmes terrains -, il y a des familles - du moins certaines d’entre elles - qui font valoir qu’elles sont devenues propriétaires de ces terrains, aux termes définis par le Code civil.
Comment devient-on propriétaire ? Le Code civil répond que « la propriété de biens s’acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l’effet des obligations » (art. 711) ; qu’elle s’acquiert aussi « par accession ou incorporation, et par prescription » (art. 712)
Qu’est-ce que la prescription ? C’est, toujours selon le Code civil, « un moyen d’acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions déterminées par la loi » (art. 2219). La prescription suppose « une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » (2229). « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans... » (2262).
Les familles de Saint-François, reçues la semaine dernière par le Sous-préfet de Saint-Benoît, on pu produire des pièces attestant de leur possession des parcelles. Dans le cas de M. Georges Robert, sa famille est propriétaire depuis le décès de Stephen Robert, en 1942. Les familles ne sont pas dupes également du fait que cette possession leur a été contestée à partir de 2000-2001, au moment où M. De Balman s’occupait à préparer son mariage. C’est une des raisons qui les ont amenées à se prévaloir de l’article 789 du Code civil, qui dit que « la faculté d’accepter ou de répudier une succession se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers ». Selon cette disposition, M. De Balman ne serait plus fondé à faire valoir ses droits de succession.

De nombreux appels de soutien

La question que posent ces familles porte sur la validité des actes qui, à partir de 2000, visent à les éjecter de la possession de leur terre. En 2000, elles ont découvert sur un relevé de leur propriété que celle-ci portait la mention “propriétaire Crémazy André”. C’était 4 ans après la mort de ce dernier. Et sur le relevé de 2004 (mais peut-être était-ce aussi le cas les années précédentes, à compter de 2001), la mention est devenue “Succession Giloux Marguerite Antoinette”.
Selon un décret du 4 janvier 1955, consolidé en mars 2006, « aucune modification de la situation juridique d’un immeuble ne peut faire l’objet d’une mutation cadastrale, si l’acte ou la décision judiciaire constatant cette modification n’a pas été préalablement publié au fichier immobilier » (art. 2, chap. 1). Il s’agit d’une réforme de la publicité foncière, qui définit notamment les règles pour la tenue d’un fichier immobilier. Les conservateurs des hypothèques doivent pouvoir produire des répertoires très complets.
En ce qui les concerne, les familles de Saint-François doutent fortement que les changements qu’elles ont découverts après l’an 2000 - ou peut-être en novembre 2002, après une première assignation au tribunal - aient été effectués dans les règles, puisque tout s’est joué à leur insu.
Elles vont chercher à savoir si tous les actes dont se prévaut leur “persécuteur” ont été établis dans les règles. Et, au vu de ce qu’elles ont déjà produit devant le Sous-préfet de Saint-Benoît, elles pourraient ne pas être au bout de leurs surprises.
C’est ce qui inquiète de nombreuses familles de La Réunion, qui sont fondées à se demander si leur droit de propriété ne peut pas, lui aussi, être attaqué et, si c’est le cas, pourquoi il n’est pas mieux défendu.
Le Collectif de soutien dit recevoir - surtout depuis la semaine dernière - de nombreux appels en provenance de toute l’île : 40 familles de Saint-Joseph, 10 autres à Saint-Louis, et combien d’autres...? ont des raisons de se sentir menacées par la décision de la Cour d’Appel.
Le trouble qui en découle appelle une réponse forte.

P. David


La communauté universelle

Le régime de la communauté universelle est une des formes de la communauté conventionnelle, disent les juristes. Ce sont généralement les époux âgés qui optent pour ce contrat et, souvent, lorsqu’ils n’ont pas d’enfant. Parce que la présence d’héritiers tiers peut soulever des difficultés. C’est à leur sujet qu’est mentionnée la possibilité d’un vice « par intention de fraude », qui ferait considérer le contrat comme une « libéralité ».
La question que se pose le Collectif constitué autour des habitants de Saint-François est de savoir si le juge de fond - habilité à examiner les conditions d’un tel contrat - peut être fondé à mener une enquête préalable, y compris en l’absence d’héritiers. Autrement dit : jusqu’où peut être étendue la notion de “fraude” ?


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Messages

  • MOI FILLE DE MADAME CLAIN GILLETTE JE NE CONPREND PAS QUE PAS PLUS DE PERSONNE REAGICE A CET HISOIRE ET QUE PERSONNE EST TROUVER BIZZARD QUE M DE BALMAN EST EPOUSER UNE FEMME DE 89 ANS ALORS QU’IL EN A 40 QUELQUE CHOSE JE SUIS VRAIMENT EN COLERE

    • mademoiselle vous avez parfaitement raison d’être très en colère, c’est vraiment dommage que personne ne réagisse à cette affaire qui
      pourrait demain toucher plus de 56% de la population de l’ile de la Réunion, demain n’importe quel guignole arriverait devant notre porte ,et nous dire , je suis l’héritier de Mr X et je viens récupérer mon bien, là croyez moi je pense que beaucoup de personnes commenceront à réagir, les procédures sont longues, ce soit disant héritier n’a aucun acte de propriété, et des descendants des crémazy vivent encore en métropole, je suis sûr que les familles de saint -françois gagneront en cassation, et comme dit le proverbe"d’une pierre d’un coup" les habitants de la plaine des palmistes gagneront aussi car ce sera un cas de jurisprudence. bon courage et nou laissera pas nou faire.


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