Deux hommes seuls, qui s’accusent mutuellement

24 juin 2008

A en juger par leur attitude au premier jour du procès, chacun des deux gendarmes n’a pas de pire adversaire que son ancien compagnon d’arme, alors même qu’on nous les décrit comme « étroitement liés » au moment des faits.

L’ancien adjudant-chef Alain Michelot, retraité de la gendarmerie depuis 1999 - depuis qu’il a fait valoir ses droits à la retraite pour échapper au “dossier disciplinaire” que lui préparaient ses supérieurs après les “fuites” et les aveux des gendarmes, entre 1995 et 1998 - est presque devenu méconnaissable. Retourné à la vie civile depuis dix ans, aujourd’hui âgé de 58 ans, il s’est laissé pousser les cheveux et un collier de barbe. Il n’a pas seulement quitté la gendarmerie - ce qui était déjà le cas lors des précédents procès -, il a tourné plusieurs pages d’une vie familiale et professionnelle qui ont complètement changé de cours depuis cette « opération de maintien de l’ordre » au cours de laquelle le gradé de l’Equipe légère d’Intervention (ELI) rompu aux opérations périlleuses et « respectueux de l’autorité », se serait comporté comme un zombi oublieux de toutes les règles apprises, hors le devoir d’obéir. « Ni hooligan, ni “chien de guerre” », a dit son avocat, Me Najzstat.
Désigné par les autres gendarmes comme l’auteur du tir tendu qui, à 25 mètres de distance, a grièvement blessé le docker, il a toujours reconnu les faits et indiqué du même coup qu’il avait reçu l’ordre de tirer du capitaine Gamet, qui a toujours nié ce rôle de donneur d’ordre, pourtant confirmé par de nombreux témoignages d’autres gendarmes.
Aujourd’hui lieutenant-colonel, Charles Gamet, envoyé le 7 mars à la tête de 5 pelotons de l’ELI, nie depuis la première instruction correctionnelle son rôle de donneur d’ordre. Hier, il a franchi un palier supplémentaire en se présentant, du haut d’un cursus d’études supérieures “brillantes” et de sa stature d’acteur associatif impliqué dans des structures « à vocation sportive et culturelle », comme celui des deux qui n’aurait jamais “perdu le contrôle”. Placé dans l’impossibilité d’infléchir le dispositif qu’on lui commande de conduire le lundi 7 mars 1994, il manœuvre à reculons en obéissant à des consignes lui aussi - saura-t-on enfin lesquelles ? - et répète qu’on l’avait envoyé conduire des « forces tampon » pour garantir « l’accès au port » et la « liberté du travail ». « Une mission compliquée », répondra-t-il à son avocate, Me Sophie Liotard.
Contrairement à l’adjudant-chef Michelot, le lieutenant-colonel Charles Gamet n’a pas fait l’objet d’une “enquête de personnalité” et, lors de l’entretien avec le psychiatre, il a omis de mentionner sa condamnation (4 mois avec sursis) pour “subornation de témoin” - (voir ci-après).
Ainsi, les deux hommes, qui ont passé ensemble quatre années chez les parachutistes de 1987 à 1991 - y compris l’épisode de la grotte d’Ouvéa, en avril 1988 - sont apparus hier comme profondément antagonistes.
De ces deux « hommes d’honneur » qui, aujourd’hui, se jaugent et s’affrontent, lequel a failli ?

P. D


Théo HilarionA la Une de l’actu

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