Comores : Un ex-dictateur poursuivi par la Justice

Fin de l’impunité ?

29 août 2009

Le Colonel Abeid s’est retrouvé en garde-à-vue durant deux jours à la Gendarmerie de Mutsamudu. Il doit répondre des faits de torture et de viol qui remontent à 2001, période à laquelle il dirigeait l’éphémère État d’Anjouan.

Retraité de l’Armée française, le Colonel Said Abeid aurait pu terminer sa vie dans sa paisible villa toulousaine. Mais voilà, lorsqu’une partie de la population, poussée par quelques politiciens, avait embrassé le démon du séparatisme, il a décidé de retrouver une île qu’il avait presque oubliée.
En 1999, lorsqu’un début de guerre civile opposait les habitants de la capitale Mutsamudu et la ville voisine de Mirontsi, l’ancien militaire français s’est emparé du pouvoir et instaura une féroce dictature. Ils étaient nombreux à avoir subi les sévices de son sinistre Service d’intervention apide. Selon un de ses proches, c’est après une nuit passée dans un cimetière et voilé d’un Chiromani qu’il a pu quitter Anjouan et rejoindre Mayotte pour échapper à Mohamed Bacar, l’autre Colonel de la Gendarmerie locale en 2001.
L’ex-dictateur avait repris une vie presque normale en France jusqu’à ce que Madame Antuyabat Mohamed, une des victimes de ses sbires, décide de le pourchasser devant les tribunaux. Installée en France, cette dame qui s’était déjà distinguée dans plusieurs combats en faveur de la femme et des droits de l’Homme a commencé par saisir la justice française après avoir rassemblé des témoignages, des preuves et des centaines de signatures sur une pétition.

Une demi victoire sur l’impunité

Ce n’est qu’en 2006 qu’elle obtiendra un début de succès puisque qu’un tribunal de Toulouse avait mis en examen l’ex-dictateur pour complicité de tortures et de viols. Placé en garde-à-vue, il a été libéré pour vice de forme dans le dossier.
Ayant pris peur, il décide de rentrer aux Comores en 2007, estimant qu’il y serait plus en sécurité. Comptant sur la faiblesse de la justice locale, il a même tenté de présenter sa candidature à la Présidentielle d’Anjouan au lendemain du départ de Mohamed Bacar.
Cependant, tenace et infatigable, malgré sa frêle silhouette, Madame Antuyabat n’a pas renoncé à demander réparation des sévices et humiliations subies dans son cœur et dans sa chair.
Le 10 août dernier, avec quatre compagnons d’infortune et des signatures en plus sur sa pétition, elle dépose plainte au Tribunal de Mutsamudu. Une semaine plus tard, le colonel à la retraite a été interpellé dans sa résidence de Pomoni, au Sud de l’île d’Anjouan. Il a passé deux jours de garde-à-vue à la gendarmerie avec quelques-uns de ses anciens acolytes. Il a ensuite été libéré sous caution, mais déjà des doutes se font sentir quant à la poursuite de la procédure jusqu’au bout.
En effet, devant les journalistes à Moroni, celle qui est devenue une héroïne parle de demi victoire : « Il y a eu beaucoup de pressions pour me faire renoncer, il y en aura d’autres pour étouffer l’affaire à cause des ramifications propres à notre pays entre la justice, la politique et les liens familiaux ».
Toujours est-il que l’acceptation même de la plainte d’une femme contre un ex-président constitue un tournant dans la justice comorienne. Et c’est ce qui fait dire à Moilim, un enseignant au lycée de Moroni, que Mohamed Bacar pourra rester autant qu’il veut au Bénin, mais son passé le rattrapera.

De notre Correspondant A. Mohamed

Spécial 50 ans du PCR

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