Justice des petits et justice des grands

7 mars 2008

Tandis que l’on massacre les petits délinquants par des peines planchers et que l’on institue la "garde à vie" au-delà de l’accomplissement de la peine, on exonère la délinquance en col blanc.
La Garde des Sceaux a décidé de dépénaliser le droit des affaires et retenu la quasi-totalité du rapport Coulon, du nom de l’ancien président de la cour d’appel de Paris. Le but : faciliter le développement de nos entreprises. Sous-entendu : il y a des tas d’entraves à celui-ci, à commencer par l’abus de bien social (ABS). Si l’on ne peut pas mettre un peu la main dans le pot de confiture, quel intérêt y a-t-il à fabriquer de la confiture ?
Quels crimes ou délits commettent les chefs d’entreprise ? Abus de biens sociaux, détournements de fonds, prises illégales d’intérêts, délits d’initié, fraude fiscale, recels des délits précédents, etc soit une gamme complète de délits et de crimes ou à corrompre. Ces crimes et délits sont-ils punis ? Très peu. Seulement à 0,5% du total des condamnations concernant les affaires.
Dans les condamnations pénales, 80% concernent l’ABS.
En général, l’ABS est le premier maillon de la chaîne mafieuse. Tout autour, on trouve de la corruption, des pots-de-vin, des marchés truqués...
Jusqu’ici la prescription des faits était de 3 ans après la connaissance de ces derniers et leur mise au grand jour. C’est fini. Désormais, la prescription courra à partir du moment où les faits sont commis. En échange, son délai est légèrement augmenté : 5 ans au lieu de 3 pour les délits punis de moins de 3 mois d’emprisonnement, 7 ans pour ceux qui ont puni d’au moins 3 ans (la quasi-totalité des délits d’abus de bien social), 15 ans pour les crimes. En échange encore, le délit d’initié sera plus sévèrement puni (3 ans au lieu de 2 ans).
Ce n’est pas la fin de l’abus de bien social, mais presque. Sachant que tous les délits en matière de droit du travail ont disparu ou presque ("le nombre d’inspecteurs du travail n’a pas bougé depuis cent ans, et le parquet ne poursuit jamais" dit maître Tricaud’, pas de problème le terrain est déblayé pour exercer son esprit d’entreprise !)
À la sous-répression des cols blancs correspond la sur-répression des pauvres. La loi en matière de récidive et de peines plancher punira plus sévèrement le type qui vole un DVD à deux reprises que celui qui fait sortir des millions. Forte avec les faibles, faible avec les forts, Rachida fait plaisir au Medef, qui s’inquiète déjà de voir la nouvelle loi tarder. « Le droit ne doit pas être un frein à l’initiative économique » affirme-t-elle. Ah bon ? Quid d’une initiative économique qui fait travailler des enfants, corrompent des magistrats ou des fonctionnaires, des élus pour détruire une réserve naturelle ?

OB.
CHARLIE HEBDO (extraits)


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