Aujourd’hui au TGI de Saint-Pierre :

Le bâtonnier Hoarau poursuivi par la Garde des Sceaux

25 septembre 2008

Le procès qui aura lieu cet après-midi au TGI de Saint-Pierre est pour le moins inhabituel. Le bâtonnier de Saint-Pierre - l’un des deux barreaux de La Réunion - est poursuivi par la ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Rachida Dati, pour « diffamation ».
Les faits remontent à une audience correctionnelle du 15 mai dernier, au cours de laquelle le bâtonnier, dans sa défense d’un prévenu poursuivi pour falsification de documents, avait repris comme argument les révélations parues fin 2007 dans la presse métropolitaine (“Express”, “Canard enchaîné”), qui mettaient en cause la Garde des Sceaux et les libertés prises dans la présentation de son CV. En mentionnant un « MBA européen du groupe HEC » pour faciliter son admission en 1996 à l’Ecole nationale de la magistrature, Rachida Dati aurait omis de préciser que sa préparation du diplôme ne lui avait pas permis de l’obtenir.
La presse nationale, qui l’a beaucoup brocardée, n’a pas été poursuivie, mais le bâtonnier réunionnais qui a repris l’argument dans une de ses plaidoiries, si. Toute ressemblance avec des faits survenus à La Réunion à une époque aujourd’hui frappée de prescription ne serait nullement le fait du hasard. Comment oublier ces pantalonnades gaulliennes du temps où Paul Vergès était poursuivi pour “atteinte à la Sûreté de l’Etat”, après avoir repris dans “Témoignages” des articles dont la parution dans la presse nationale (“Le Monde”, “l’Humanité”) n’avait valu de poursuite ni à leurs auteurs, ni aux directeurs de publication, pas même pour... diffamation ?!
Le caractère inhabituel - et il faut bien le dire, assez ridicule - des poursuites activées par un procureur un peu trop zélé n’est pas la seule raison de l’affluence qui devrait caractériser l’audience de 14h. Pratiquement toute la profession est avec le bâtonnier Georges-André Hoarau, quels que soient les jugements portés par ailleurs sur sa truculente personnalité ou ses plaidoiries à l’emporte-pièce. Les avocats - dont le principe d’immunité de la parole est bafoué par cette poursuite - seront nombreux à l’audience et pas moins de quatre d’entre eux assurent la défense du bâtonnier : Me Gangate et Me Lambert exprimeront l’union des barreaux réunionnais, tandis que Me Lagourgue, désigné par le Conseil national des barreaux, et Me Keita (un proche de Jacques Vergès) pour la Conférence nationale des bâtonniers, symbolisent la représentation nationale de la profession.
« La Garde des Sceaux, garante de l’institution judiciaire, est bien placée pour savoir que notre système repose sur le principe du contradictoire, d’où émerge la vérité judiciaire. Elle sait aussi, puisqu’elle a été juge avant d’être Garde des Sceaux, qu’il appartient au juge de faire respecter ce principe et qu’il lui revient, aujourd’hui qu’elle est Ministre de la Justice, d’être garante du système construit autour de ce principe », plaide pour sa part Me Rémi Boniface. « C’est le travail de chacun d’apporter la contradiction à son adversaire. Telles sont les règles et il est pour le moins surprenant qu’une Garde des Sceaux attaque un des membres de l’institution en lui reprochant d’avoir joué son rôle. C’est un peu comme si un arbitre sanctionnait un catcheur pour un tombé spectaculaire », poursuit-il.
Ce non respect d’un principe qui est au fondement du système judiciaire français est pour beaucoup dans la débandade observée au TGI de Saint-Pierre. En effet, le procureur Patrice Cambérou - après avoir été celui qui a mis le feu aux poudres - chercherait la porte de sortie de l’arsenal. En clair, il ne serait pas celui qui animera les débats. Et celui qui jugera l’affaire ne serait pas non plus, comme on pouvait s’y attendre, le président du tribunal, Philippe Cavalerie.
Au final, un bel exemple de déroute de l’institution, venu d’en haut.

P. David


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Messages

  • Mon opinion c’est que la magistrature est un monde à part qui se tamponne du commun des mortels, pour une fois que les caïmans se bouffent entre eux faut les laisser faire. Nous connaitrons peut être un jour la suite, ce qui n’est pas certain.


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