Affaire dite du “Comité des fêtes”

Même travestie en jugement, l’injustice demeure

14 septembre 2007

En descendant du Tampon pour me rendre au Tribunal correctionnel afin d’y entendre le président Vidon en son délibéré de l’affaire dite du Comité des Fêtes de Saint-Pierre, je ne pouvais m’empêcher d’avoir une pensée personnelle.
Bien que cela m’arrive rarement, je me disais qu’en ce jour de la Saint-Aimé, peut-être le jugement rendu serait une sorte de cadeau pour ceux que, comme moi, l’injustice révolte.

Malheureusement, j’avais tort.
Il existe encore dans la magistrature des fonctionnaires qui préfèrent privilégier leur corporation. C’est ce qui s’est passé hier à Saint-Pierre.

Face à un tel jugement, il faut bien qu’on s’interroge.

En cette affaire, le procureur Rabesandratana et le juge Redonnet s’étaient montrés d’une extrême sensibilité aux pressions conjuguées du Jir et de l’obédience au sein de laquelle Michel Fontaine et l’ancien procureur se retrouvaient pour y partager des intérêts n’ayant que peu à voir avec les préoccupations humanistes qui sont le fondement de cette confrérie.

Face à divers confrères journalistes, peu avant son départ, le procureur Rabesandratana avait dit « sa déception de voir que ce dossier n’avait pas répondu à ses attentes » ... Est-il besoin de commenter ? Cela fait écho aux déclarations du juge Redonnet qui, au début de cette affaire, disait ne pouvoir faire autrement qu’instruire et placer en détention « compte tenu de l’émotion manifestée par les médias et de leurs mises en causes insistantes et répétées ».
En somme, pour qu’une enquête démarre - à Saint-Pierre - il suffisait qu’un enquêteur livre ses impressions à un journal, que celui-ci s’en fasse l’écho, organise le vacarme médiatique et alors, “à l’insu de leur plein gré”, deux magistrats étaient conduits à incarcérer puis à instruire à charge contre l’évidence. L’enquête et l’instruction alimentant la grosse-caisse médiatique laquelle “justifie” que les deux magistrats s’entêtent, s’enferrent dans leur quête d’inexistants délits.

Cela a duré 6 ans.

Six années pendant lesquelles l’honneur de quelques-uns a été jeté aux chiens.
Six années qui ont vu des personnes perdre la santé, la vie parfois, leur métier souvent et jusqu’à leur domicile. « Mais qu’est-ce qu’on a vendu comme papier-journal patron ! »
Six années au cours desquelles un procureur s’est abrité derrière les exactions d’un psychopathe relooké en « expression de la vindicte populaire » maintes fois évoquée par M. Rabesandratana pour justifier l’incarcération d’André Hoarau.
Mais nous aurons l’occasion de revenir sur tout cela.

Et puis un jour, M. Redonnet s’en va, laissant à d’autres le soin de clore ce mauvais dossier. Et puis c’est au tour de M. Rabesandratana de fuir ses responsabilités en laissant à d’autres le soin d’en finir avec un dossier et un réquisitoire incohérents.

Le 26 juin dernier, au terme de deux jours d’un procès dont tous ont dit qu’il s’agissait d’un fiasco judiciaire, le nouveau procureur de la République, M. Cambérou, prenait les responsabilités que M. Rabesandratana avait fuies : « Je crois que la justice a manqué de méthode et de célérité. On n’a pas été bons », déclarait-il avant de rejeter toute une série de délits dont André Hoarau, Félix Nativel et tous les autres se seraient prétendument rendus coupables. Un dossier qui a été maintes fois qualifié de « vaste fourre-tou ». Et M. Cambérou poursuivait : « Ce grand flou doit trouver un point final. L’élément moral fait défaut pour les délits d’extorsion de fonds et d’escroquerie. » Quant aux prétendus détournements de fonds publics, il déclarait : « Pour qu’il y ait détournement, il faut tracer l’argent. Et je ne suis pas en capacité de prouver ce délit ». En conclusion, ainsi que l’écrivait un confrère, M. Cambérou « n’a pas requis de peine à l’encontre des prévenus d’un procès condamné par avance à virer au fiasco judiciaire ».

En sortant d’un tel procès, face à l’attitude courageuse du nouveau procureur de la République, on était en droit de penser qu’un nouveau cours prévaudrait désormais à Saint-Pierre. Une administration de la justice qui ne se cacherait plus derrière son petit doigt, qui n’accepterait plus de couvrir le « manque de méthode et de célérité » qui a caractérisé un certain nombre de dossiers. Bref, une génération de magistrats ayant conscience du travail nécessaire de l’après-Outreau.

Et pourtant, à l’arrivée, le président Vidon prononce des condamnations qui ne lui avaient même pas été demandées.

À l’appui de ces condamnations, il précise que les prévenus ne sont pas malhonnêtes, mais qu’il est indéniable qu’elles ont payé, avec les fonds du Comité des Fêtes, des factures du service animation de la Mairie. La belle affaire ! et ça fait 9 mois de prison avec sursis et 3.000 euros d’amende !?

Pourquoi avons-nous l’audace d’écrire que cette injustice travestie en jugement est révoltante ?

Tout simplement parce que, pour condamner André Hoarau et les autres, M. Vidon affirme que le comité des Fêtes de Saint-Pierre est une association transparente ce qui est faux. En effet, par jugement devenu définitif, la Chambre Régionale des Comptes a rejeté cette accusation et établi que le Comité des Fêtes était une association autonome.
Donc, on voit mal, sauf à déclarer que les magistrats de la Chambre Régionale des Comptes ne sont pas compétents, comment André Hoarau aurait pu commettre le délit de gestion de fait qui lui a été reproché.
De plus, ni M. Redonnet, ni le procureur Rabesandratana n’ont contesté le jugement de la Chambre Régionale des Comptes que, pourtant, André Hoarau avait aussitôt fait verser au dossier.

Mais ce qu’il a de plus révoltant dans le motif allégué pour “justifier” une telle condamnation, c’est que, même en prétextant le fait que des factures du service animation de la mairie de Saint-Pierre auraient été réglées par le Comité des Fêtes pour des prestations qui ne sont pas contestées, le tribunal affirme qu’il n’y a pas eu “évaporation” ou vol de fonds. Aucun centime n’a disparu, mais ça fait 9 mois avec sursis et 3000 euros d’amende.

Or, dans cette affaire, il faut avoir un minimum de mémoire.
L’enquête qui a conduit à la mise en cause journalistico-policière puis à l’incarcération d’André Hoarau, était conduite par le capitaine de police Philippe Courquet, lequel, à l’époque était à la tête du pôle financier de La Réunion. Cet officier de police est le responsable direct du vaste foutoir qu’est le dossier du Comité des Fêtes. Razzias sans bordereau de caisses de documents restitués en vrac et inexploités en présence et avec l’aide d’un personnage douteux qui se révéla rapidement être un “corbeau” répondant fidèlement aux exercices de dictées.
Mais l’officier de police Courquet qui multipliait les leçons de morale aux gardés à vue usait des fonds et de la carte bleue de l’Office réunionnais des échanges sportifs et socio-éducatifs (Oresse) dont il était le président.
Voyages d’agrément, pèlerinages à Lourdes, achats de bijoux et stylo Mt-Blanc, billet d’avion pour un voyage au Japon offert à la maîtresse de l’un de ses amis, etc.

Dénoncé par les administrateurs de l’Oresse, le scandale ne pouvait plus être étouffé.
En effet, cet office qui, depuis 20 ans jouait un rôle essentiel dans les échanges sportifs, s’était retrouvé quasi en faillite. Le patron du pôle financier fut traduit devant un tribunal. Et il écopa d’une condamnation de... 3 mois avec sursis et non-inscription au casier judiciaire. Depuis le jugement d’hier, M. Courquet doit soupirer d’aise : “heureusement que je n’ai pas été jugé par le Président Vidon” !
Même le “Jir” qui était le promoteur de M. Couquet fut obligé d’écrire ceci le 14 février 2002 « Certes, son statut de “Monsieur propre des finances publiques et privées” au sein de la Sûreté départementale lui ôte toute excuse de négligence ou d’ignorance des textes en vigueur ».

Une question pour finir.
Quelques magistrats du ressort de Saint-Pierre ont défrayé la chronique au point qu’une enquête spécialisée y a été diligentée. Au terme de cette enquête, certaines mutations ont été décidées d’autorité, d’autres ont été si fortement conseillées qu’elles ont été spontanément demandées. Mais, si la plupart des jeunes magistrats ont estimé qu’enfin les conditions de travail s’en trouvaient améliorées, il semblerait que, dans la génération d’avant, le coup de torchon ait laissé quelque amertume... Au point que le courage et la conscience professionnelle des nouveaux venus soient l’objet de tirs de barrage ?
La réponse ne saurait tarder.
À suivre ...

Aimé Habib


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