Témoignages - Journal fondé le 5 mai 1944
par le Dr Raymond Vergès

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Une procédure trop spéciale pour être bien nette

vendredi 15 décembre 2006


Le 11 mars 2001, Sainte-Suzanne fêtait la réélection de son maire, Maurice Gironcel. Bien entendu, cette élection ne faisait pas le bonheur de l’opposition qui, très vite, a entonné l’air de la calomnie en faisant prospérer des imputations tellement grosses qu’il était normal que l’administration judiciaire s’en préoccupe.


Le 4 juillet 2001, Maurice Gironcel et son premier adjoint Sylvain Mounigan se sont donc retrouvés placés en garde-à-vue à la demande du juge d’instruction Thomas Pison.
Les reproches formulés à l’encontre des deux élus s’étalaient aussitôt dans la presse : « favoritisme, prise illégale d’intérêt, tentative de corruption passive, détournement de fonds publics, faux et usage de faux avec circonstance aggravante ». Et la presse de préciser : « dans le cadre de la passation de plusieurs marchés présumés truqués et portant sur plusieurs millions de francs figure la construction de kiosques pour les pique-niqueurs : l’entreprise pourtant payée, la construction de certains d’entre eux n’a jamais été réalisée. Le parquet souhaite en savoir plus sur le marché de l’OMTS, celui de la réalisation d’un boulodrome et celui de la rénovation de véhicules ».

Après 2 nuits passées en garde-à-vue, aucune mise en détention n’ayant été requise, les deux élus étaient libres.
Mais les médias s’étaient déchaînés. On apprenait que les gendarmes avaient mobilisé l’hélicoptère et avaient tourné longuement au-dessus de Sainte-Suzanne à la recherche des kiosques payés mais jamais construits, etc...
Face à ce déferlement d’inepties, Maurice Gironcel réglait rapidement le problème en organisant une sorte de rallye-pique-nique géant avec la population qui, tout un dimanche, s’est rendue d’un kiosque à l’autre faisant ainsi justice de cette accusation.

Mais l’opposition avait eu ce qu’elle recherchait : un os à ronger, quelques belles calomnies en attendant que prospère le recours qu’elle avait déposé contre la réélection de Maurice Gironcel.
Mais, en dépit de perquisitions et des assauts de l’opposition, le dossier gonflé à la levure du tapage médiatique ne cessait de se dégonfler tel le mauvais soufflé d’un mauvais cuisinier. Et les déconvenues de l’opposition ne cessaient de s’enchaîner : rejet de leur recours contre l’élection municipale, délitement de l’opposition minée par les rivalités, et, en mars 2004, Maurice Gironcel retrouvait son mandat de conseiller général.
Le dossier judiciaire était alors rangé et le parquet - conscient de la vanité des accusations portées ? - ne s’en occupait plus guère.
Oui mais voilà, le tribunal de Saint-Pierre, confronté au naufrage de la SEM informatique de la CIVIS, ouvrait une enquête dans un silence absolu. Ayant recueilli nombre d’éléments les gardes à vue et les incarcérations décidées firent l’effet d’un coup de tonnerre.

Que s’est-il passé à Saint-Denis où, comme chacun le sait, certains membres du Parquet se targuent d’être bien plus compétents que leurs collègues du sud ?
Car, alors que le dossier Sainte-Suzanne avait été délaissé depuis trois années, hop ! un coup de baguette magique le ressuscitait brusquement. Dans la foulée on nous apprenait que l’un des deux élus, Sylvain Mounigan était lavé de tout soupçon, qu’un certain nombre d’accusations portées à l’encontre de Maurice Gironcel étaient abandonnées et que le dossier pléthorique qui avait été fourni à la presse en 2001 était réduit à l’état de squelette.
Mais, second coup de baguette magique, le Journal de l’île nous apprenait que, sans doute pour remplumer le dossier moribond et tenter d’échapper au ridicule de l’accouchement d’une souris, deux, voire trois enquêtes préliminaires supplémentaires - dont Maurice Gironcel ignorait tout - avaient été jointes au dossier et que le maire de Sainte-Suzanne était renvoyé en correctionnelle vendredi 15 décembre.

“Miracle au tribunal” faudrait-il titrer. Jugez vous-même : le 20 novembre 2006, le Parquet demande le renvoi de Maurice Gironcel en correctionnelle. D’habitude, entre cette demande et la fixation d’une date d’audience, 8 mois s’écoulent. Mais pour Maurice Gironcel, et c’est là le miracle, entre le 22 et le 24 novembre, la date du 15 décembre est fixée. Et plus fort encore : c’est le “Journal de l’île” qui annonce ce miracle alors que Maurice Gironcel n’est informé de rien !
Et les miracles ne s’arrêtent pas en si bon chemin. L’audience du 15 décembre est présidée par un magistrat dont l’indépendance d’esprit est redoutée. Alors, après s’être précipités, on va freiner des quatre fers, et le magistrat n’est plus saisi du dossier, la mission qui lui est confiée et très limitée : il doit, vendredi, dire que l’institution judiciaire n’est pas en mesure de juger et qu’il faudra fixer une audience spéciale, à une date spéciale, le lundi 19 février, avec un tribunal qui se réunira spécialement pour Maurice Gironcel sous la présidence d’un autre magistrat justifiant tant de “spécialités”.
Mais, surtout, surtout, surtout, ne voyez dans cette mise en place aucune mauvaise arrière-pensée. N’allez pas croire que - à la suggestion de tel ou tel ? - on a fixé une audience correctionnelle fin février sur un dossier qu’on a ranimé toute affaire cessante et auquel on a greffé des pièces de bric et de broc. Ne croyez surtout pas qu’un jugement qui sera publié vers fin mars, à l’orée d’une longue campagne électorale présidentielle et législative, a été orchestré pour porter préjudice à un responsable politique potentiellement candidat à la députation.
C’est cela que certains magistrats voudraient que nous estimions être une façon sereine et loyale de rendre la justice. Qu’ils ne s’étonnent pas que les Réunionnais trouvent le gob un peu trop gros doigt... et qu’ils en tirent les conséquences. Toutes les conséquences.

Aimé Habib


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