Justice : réforme de la garde-à-vue

Vers davantage de respect des droits du justiciable

14 septembre 2010

La ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, a transmis au Conseil d’État, ce mardi 7 septembre 2010, l’avant-projet de réforme de la garde à vue en France. Un projet attendu depuis 25 ans. À La Réunion, il est accueilli de façon contrastée. D’un côté, Rémi Boniface, avocat du barreau de Saint-Denis, salue une avancée face à un système qu’il trouve depuis longtemps « archaïque ». De l’autre, Emmanuel Breton, délégué départemental de Synergie officiers (syndicat de police), voit « la mort de l’investigation et une entrave à (son) travail ».

Les mesures phares de l’avant-projet de réforme sont la présence d’un avocat dès la première minute de la garde à vue et l’accès immédiat au dossier du mis en cause. Un vrai changement, puisque la procédure actuelle prévoit trente minutes d’entretien entre l’avocat et son client, et l’accès au dossier une fois la garde à vue terminée. Pour Rémi Boniface, c’est une avancée. « Cette mesure amènera à se demander : est-il absolument indispensable de mettre la personne interpellée en garde à vue ? Sommes-nous en possession de faits ou de preuves suffisantes pour garder la personne ? ». À l’inverse, Emmanuel Breton, délégué départemental de Synergie officiers, pense que ce point du projet n’est pas de bon augure. « Les avocats pourront avoir accès à des informations importantes, les divulguer. Et surtout, pour nous, policiers, la présence des avocats risque de diminuer le nombre d’aveux ».

Le représentant du syndicat de police fait ainsi référence à une autre mesure importante du projet de réforme. La possibilité renforcée pour le mis en cause de garder le silence et donc de "priver" les enquêteurs de "la reine des preuves", l’aveu, en l’occurrence. Jusqu’à présent, garder le silence en garde à vue était un droit, en informer le justiciable n’était pas une obligation. Cela ne sera plus le cas. Les enquêteurs devront clairement signifier au mis en cause qu’il a le droit de se taire. « C’est une mesure humaine, confie l’avocat. On doit se concentrer sur les preuves matérielles ». « Une aberration », au contraire, pour le policier, qui considère l’aveu comme un élément essentiel de la procédure. « Si le gars ne veut pas parler, l’enquête n’avance pas », dit-il.

De son côté, Rémi Boniface estime : « Avec l’application du droit au silence, les justiciables seront égaux lors des gardes à vue ». L’avocat évoque ici la fragilité psychologique de certaines personnes, prêtes à avouer un fait qu’elles n’ont pas commis, avec pour seul espoir l’arrêt du cauchemar. « Il vaut mieux dix coupables en liberté qu’un innocent en prison », souligne Rémi Boniface.
Rappelons que ce projet de réforme doit, selon la ministre de la Justice, « permettre de diminuer le nombre de gardes à vue et en améliorer les conditions matérielles ».
En 2009, plus de 790.000 mesures de gardes à vue ont été décidées, dont plus de 170.000 pour les seuls délits routiers.


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