Regard du Président de la Région sur les élections

De grands enjeux absents du débat électoral

28 février 2008, par Edith Poulbassia

« Dans toute l’histoire des conseillers généraux et municipaux, nous n’avons jamais eu de rencontre sur autant de problèmes ». Paul Vergès, le Président de la Région, constate pourtant qu’aucun des grands rendez-vous qui concernent les candidats n’est abordé pour le moment. Il reste moins de deux semaines pour le faire. Après, ceux qui seront élus ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas. Les électeurs non plus.

À moins de deux semaines des élections, le Président du Conseil régional, Paul Vergès, sort de sa réserve pour recentrer le débat sur les enjeux auxquels devront faire face les candidats durant leur mandat. « Le dépôt des candidatures est fini, nous connaissons les interlocuteurs en quantité et en qualité. Il reste à savoir comment les électeurs vont choisir. C’est un rendez-vous extrêmement important, puisque nous renouvelons toutes les collectivités locales à l’exception de la Région ». En attendant les résultats, Paul Vergès a voulu s’exprimer sur la campagne électorale car, justifie-t-il, « c’est le conseiller régional qui va être face à ces interlocuteurs pendant 6 ans, dans une situation qui évolue très vite, une situation où vont se préciser les chances, les orientations que La Réunion va connaître ».

Un désarroi partagé par tous les candidats

Il y a certes les préoccupations immédiates. « Malheureusement, l’opinion publique est servie », commente le Président de la Région. Il évoque ainsi la situation des précaires de l’Education nationale, la protestation des pharmaciens liée à la baisse des prix des médicaments, la colère des taxiteurs et des coiffeurs à cause du rapport Attali, le mécontentement des artisans du Bâtiment avec la défiscalisation pour le logement social, la baisse des crédits de la mobilité. « Toute La Réunion est frappée par des mesures qui sont exécutées ou en préparation ». Elles focalisent l’attention de la population et donc des candidats qui avancent tous des préconisations.
Et c’est là que le doute est permis. « Personne ne peut sous-estimer l’attitude des intéressés, déclare Paul Vergès, mais on peut se demander s’il y aura une traduction politique de ce désarroi ». « D’autant plus, poursuit-il, que ce qui amplifie la situation de désarroi, c’est que personne ne défend la politique du gouvernement et ce qu’il préconise. (...) Le gouvernement doit se faire beaucoup de réflexion sur ceux qui s’en réclament ».

La question centrale du financement des projets

Paul Vergès s’étonne de ne pas entendre les candidats sur de nombreux problèmes, alors que « leur vocation est de parler, surtout de parler pendant les élections ». Ainsi, la question du financement des projets. « Je n’ai jamais entendu autant de propositions qui engagent tant de crédits », note-il. Pourtant, le gouvernement a fait passer le message : « les caisses sont vides », c’est « la faillite ». Et les prévisions de l’OCDE pour la croissance ne sont pas à la hauteur des espérances du gouvernement. Les déclarations du gouvernement n’ont amené aucune réflexion sur les crédits pour appliquer les projets. Pour n’en citer qu’un, de taille, la future loi-programme pour l’Outre-mer.
Aucune réactivité non plus sur la question du coût de la vie, alors que l’Etat a annoncé des mesures avant le 16 mars.

Les grands absents du débat : l’Octroi de mer ...

Autre grand absent du débat électoral, surtout municipal : l’Octroi de mer. Quand on sait que la fiscalité rapporte aux communes 80% de leurs ressources et qu’elle menacée de disparition, il est étonnant de ne pas en entendre parler. Il y a une vingtaine d’années, rappelle Paul Vergès, la suppression de l’Octroi de mer était préconisée. « Nous avons obtenu un régime provisoire, l’Octroi de mer doit prendre fin en 2014. Pour son maintien, le gouvernement doit faire un rapport sur le rôle, l’utilisation et l’efficacité de l’Octroi de mer », précise-t-il.
Non seulement l’Octroi de mer est dans son principe même provisoire, mais sa suppression est aussi la revendication principale des pays voisins dans le cadre des APE. L’Octroi de mer est perçu comme l’obstacle tarifaire aux échanges commerciaux.

... la canne et les fonds européens

Même interrogation pour l’agriculture, la place que les communes s’engagent à lui accorder alors que l’Union Européenne prépare une nouvelle Politique Agricole Commune. Que va-t-il advenir du traitement différencié du sucre ? En lien direct avec l’agriculture, l’aménagement du territoire concerne autant la Région que les communes, le SAR est en cours de révision pour fixer les réserves foncières, mais force est de constater qu’il est absent du débat.
Enfin, les programmes opérationnels européens qui assurent à La Réunion une manne financière jusqu’en 2013 ne seront peut-être pas renouvelés. Les nouveaux pays connaissent une situation identique, voire inférieure, aux RUP et auront besoin de crédits. D’ailleurs, sur les 7 régions qui bénéficient d’un traitement différencié (les RUP), 3 ont la certitude d’être exclues. La Réunion n’en fait pas partie, mais une fois qu’elle aura atteint les 75% du PIB moyen européen, ce ne sera pas inévitable. C’est donc durant ces 6 prochaines années qu’il faudra se battre pour le maintien des fonds structurels européens.

Les deux “sésames” de la campagne : la société civile et le développement durable

Paul Vergès a enfin relevé deux éléments en vogue dans cette campagne électorale. La présence marquée de la société civile, sans doute pour « épicer la recette » des listes, est un fait nouveau que Paul Vergès interprète : « si ce n’est pas un désaveu, c’est un élément essentiel de la démocratie de faire appel à des personnes en dehors des partis, c’est un aspect positif à condition que cela ne prenne de l’ampleur ». Et il ajoute à propos du changement d’appartenance politique pour de nouvelles alliances : « ce qui manque dans les partis politiques traditionnels, c’est un support idéologique dont découlent un projet et un programme qui soient suffisamment porteurs de cohésion. Dans la mesure où il n’y a pas cette communauté de vision et de perspective, chacun se développe par rapport à ses convictions personnelles : carrière, compatibilité d’humeur, jeu de combinaisons. Ce qui crée une donnée commune de confusion générale ».
Enfin, Paul Vergès constate que le développement durable, « la plaisanterie d’il y a 20 ans, est devenue un sésame ». Même si certains candidats se contentent de « l’étiquette » développement durable, sans une véritable analyse. Paul Vergès espère au moins qu’un tel consensus va créer les conditions du rassemblement pour permettre le développement durable en accord avec le PR2D (Plan régional de développement durable).

Edith Poulbassia


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