Turbulences de campagne

La crédibilité de la liste de l’Alliance face aux propos outranciers de la liste du P.S.

25 mars 2004

La liste du PS a, entre mardi 18 heures et mercredi soir, multiplié les attaques contre la liste de l’Alliance d’une part, le PCR et Paul Vergès d’autre part. Une prise de position qui a surpris profondément les candidats de l’Alliance. Ils avaient fait une proposition à la liste de Michel Vergoz : la signature d’une déclaration commune entre les deux listes, visant à former une majorité de gestion au Conseil régional, qui garantirait à chaque composante l’exercice de réelles responsabilités. C’est sur cette position que les deux listes s’étaient séparées, mardi matin très tôt. D’où leur incompréhension à la suite des déclarations fracassantes faites par la suite.
Et tout cela n’entraîne qu’une seule question : quelle est, aujourd’hui, la liste la plus crédible ? déployant un réel sens de l’intérêt général ?, celui de l’avenir ? de la responsabilité ? Chacun connaît la réponse...

L’Alliance a donné hier en conférence de presse son point de vue sur les "turbulences" que traverse aujourd’hui la campagne électorale. Pourtant "les choses seraient simples si l’on ne cherchait pas à intoxiquer les uns ou les autres", expliquait Paul Vergès. "Et l’on touche au fond même de la stratégie politique". Une stratégie sur fond de situation économique et sociale extrêmement difficile à La Réunion. Et les prochaines années vont apporter des rendez-vous tout aussi importants et décisifs. "La gravité de ces rendez-vous nécessite qu’on définisse ensemble une politique de développement durable de La Réunion". Avec en premier lieu la question de la création d’emplois, avant que l’île ne connaisse une implosion ou une explosion sociale. C’est donc dans cette perspective que la liste de l’Alliance a été conçue, comme avant elle l’avait été la liste du Rassemblement, par exemple.

Première proposition

Un même dénominateur commun à toutes ces listes : la prise de responsabilités, la prise de décisions, prises partagées entre les différentes composantes de la société, que ce soient les partis ou la “société civile”.
L’expérience de 1998 avait montré qu’après les élections, un "accord de gestion de 6 ans" était possible entre composantes de la majorité, quelles que soient les listes sur lesquelles elles avaient été élues.
Paul Vergès, bien avant la campagne pour ces régionales, avait proposé aux différentes composantes de la majorité de reconduire ce contrat pour une "gestion de continuité", afin qu’il n’y ait "pas de rupture" voire de contestation, sur le projet de la mandature 2004/2010.
Le PS s’était alors déclaré "solidaire du bilan" régional et avait souhaité "compter ses voix" au premier tour. C’était lors d’une entrevue (en décembre 2003), à laquelle participaient Michel Vergoz, Jean-Claude Fruteau, Gilbert Annette, Patrick Lebreton. Paul Vergès avait alors souligné que "la fusion au deuxième tour allait être très difficile".
Car les règles électorales pour les régionales accordent une “prime” à la liste arrivée en tête, et en fonction des résultats, celle-ci pouvait prétendre à 20 voire 31 sièges. Donc les 30 premiers candidats sur la liste avaient donc toutes les chances d’être élus. Et les résultats du 2ème tour figuraient forcément dans les résultats du premier tour, surtout si l’écart de voix était important. La configuration était alors intéressante.

Et premier rejet

Le PS n’avait pas souhaité faire l’union dès le premier tour. Paul Vergès avait souligné qu’avec des listes séparées fusionnant au second tour, allait se poser un autre problème, notamment à celles et ceux qui étaient, dès le départ, sur la liste arrivée en tête. "Comment dire à ces personnes, artisans du résultat, qu’il leur faudrait faire place pour d’autres ?". Et de préciser : "Mais ce n’est pas un seul problème arithmétique".
L’explication avait été donnée, chacun a fait ses choix. Vint la campagne. Puis le résultat des urnes, le dimanche 21 mars.

Exigence

L’Alliance est donc restée fidèle à sa position : il n’est donc pas question de "porter atteinte" à ce rassemblement. Car ce n’est pas, rappelait Paul Vergès, la liste du PCR. Sept autres composantes y figurent : Free Dom, PSR, UDSR, MRA, MDC, MGER, et la société civile. "C’était déjà une liste d’alliance", souligne Paul Vergès pour qui il est "inconcevable" “d’éliminer” certaines et certains qui ont rejoint l’Alliance "sur des perspectives communes et partagées". D’autant plus que certaines de ces composantes n’avaient qu’un ou deux représentants, n’étant pas venues là pour un poste mais sur un projet.
Au moment des discussions, lundi soir, le PS a demandé, au vu des résultats du premier tour, 10 sièges sur la trentaine de sièges que la liste pouvait obtenir. Paul Vergès et l’Alliance ont donc demandé au PS "quel procédé utiliser pour une fusion sans exclusion ?" et de désigner 10 personnes sur la liste de l’Alliance, et de faire jouer auprès d’elles le "pouvoir de conviction" pour qu’elles se désistent en sa faveur... L’arrivée sur la liste de l’Alliance de 10 candidats de la liste Vergoz allait avoir pour conséquence que PCR comme Free Dom “sacrifient” la moitié de leurs candidats. "Et le groupe le plus nombreux allait être... celui du PS", analyse Paul Vergès.

Deuxième proposition

L’Alliance avait alors proposé au PS une autre alternative. L’objectif était le même : barrer définitivement la route à la liste Raffarin conduite par Bénard.
Le PS a fait valoir qu’il valait mieux être uni pour ratisser plus large au second tour. "L’inversement total du raisonnement déployé pour le premier tour".
D’où cette proposition d’un engagement à signer de part et d’autre, pour ce 2ème tour, chacun s’engageant à "souligner la convergence" existante et la campagne se serait alors déroulée en impliquant "la responsabilité réelle des deux listes". Autre avantage : "personne ne se serait senti frustré". D’autant plus que cela allait être "le suffrage universel" qui aurait tranché la question, la représentativité de chacune des listes allant pouvoir être déterminée par le choix des électeurs.

Deuxième rejet

Cette solution aurait permis de sortir de la situation "par le haut" et non pas “par le bas” pour reprendre l’expression d’un socialiste présent à la réunion de lundi soir.
Les choses avaient même bien avancé, puisque l’Alliance d’une part et le PS d’autre part avaient décidé d’un groupe de travail chargé d’élaborer ce texte. C’est dans cet état d’esprit que chacun s’est quitté. Quelques heures plus tard, mardi dans la matinée, l’Alliance envoie une télécopie au PS contenant sa proposition de résolution (voir en encadré) . Pas de réponse. "Et nous entendons, mardi soir, parler de “position hégémonique”, ou “d’esprit dominateur”", regrette Paul Vergès.
Dans la foulée, sur des ondes radio, on entend tout et n’importe quoi, tant sur l’AFPAR que sur la loi programme... et bien d’autres choses. Des critiques qui, cette fois, ne visent plus le gouvernement Raffarin. Mais la personne même de Paul Vergès.

Crédibilité

C’est donc la liste de l’Alliance (et Paul Vergès) qui recueille toutes les critiques. Y compris les plus farfelues. Et le débat de mercredi soir sur RFO a encore plus souligné ce que Paul Vergès expliquait, quelques heures auparavant, en conférence de presse : trois listes s’affronteront dimanche, pour diriger la Région. Et La Réunion va connaître une période très difficile (pression démographique, élargissement de l’Europe, renégociation du règlement sucrier...). Pour relever ces défis, "quelle est la liste la plus crédible ?", interrogeait Paul Vergès. Quelle est la liste qui montre le plus le sens de l’intérêt général ? Quelle est la liste qui montre l’impartialité nécessaire ? Quelle est la liste qui a le sens des responsabilités ? Quelle est la liste qui fait preuve de sens de l’avenir ?
Des listes qui, sans cesse, font référence à Paris ? Tant pour la gestion actuelle que dans une hypothétique gestion, au titre de l’alternance, en 2007 (élection présidentielle) ? "Ce sont des références très colonialistes", précise Paul Vergès, en ironisant sur ce “big brother” que l’on appelle à la rescousse. Lequel “big brother” (actuel), ne se prive pas de “réprimander” des élus qui "manquent de notoriété", ou qui "parlent la bouche pleine" et qui affirment que "ils en ont ras le bol de l’outre-mer". Et Paul Vergès de conclure : "comment peut-on se permettre, à Paris, de parler ainsi à une classe politique ? Ce n’est pas pensable".

Dominique Besson


Analyse partagée

L’analyse de Paul Vergès était partagée par Sudel Fuma, Alain Armand, Camille Sudre et Éric Delorme qui entouraient Paul Vergès pour cette conférence (les autres composantes de l’Alliance y assistant également).
Alain Armand rappelle les injures de début de campagne et le fait que le PS ait tout simplement décidé de les effacer d’un coup de baguette magique, sous prétexte que la campagne n’avait pas encore officiellement démarré.
Sudel Fuma souligne et condamne les propos outranciers après le 1er tour, et rappelle que Michel Vergoz n’a pas le monopole des valeurs socialistes.
Camille Sudre dénonce les mensonges de Michel Vergoz qui affirmait n’avoir jamais été invité sur Radio Free Dom.
Tous s’étonnent de la démagogie des propos (et propositions tenues), notamment en ce qui concerne la création de 20.000 emplois.
Et le débat sur RFO n’a pas dû modifier leur point de vue...


Projet de déclaration

Le projet de déclaration élaboré par l’Alliance comportait ces phrases : "Les représentants de la liste “Alliance” et ceux de la liste “Pour un avenir plus humain” sont convenus de ce qui suit : expriment leur volonté d’amplifier le 28 mars, les succès des élections du 21 mars, tant aux élections cantonales qu’aux régionales et d’unir leurs forces à cet effet ; s’engagent d’une part à former une majorité de gestion au Conseil régional durant la mandature 2004/2010 dans la continuité de la mandature précédente, garantissant à chacune des composantes l’exercice de réelles responsabilités et d’autre part, à renforcer la cohésion d’un front au Département dans la perspective d’un objectif identique".


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