o Qu’est-ce qui, dans la politique de la Région (1998-2004), vous a paru le plus important ?

David Lebon : Dans la politique de la Région, ce qui m’a paru fondamental c’est l’effort du président en ce qui concerne l’amélioration du trafic routier avec les voies de contournement de Sainte-Marie, de La Saline et de Saint-Leu, et surtout la mise en route d’un grand chantier, tel que la route des Tamarins, et les études sur le tram-train. La Réunion en a vraiment besoin et je crois en tant que Saint-Joséphois qu’il faut très rapidement songer à la déviation de Grand-Bois et à la voie de contournement de Saint-Joseph. Ensuite, il y a eu la rénovation des écoles primaires qui étaient pour beaucoup dans un très mauvais état, et également les aides à la création d’entreprise.

Radjah Véloupoulé : Trois secteurs au niveau de cette mandature sont importants à souligner. Premièrement, les infrastructures routières. Avec la route des Tamarins, qui est un axe important de la réflexion menée par l’ancienne mandature en termes de réalisation routière. Et puis, il y a le tram-train qui permettra de rééquilibrer le réseau routier sur le Sud. Et cela va également dégager la route du Littoral. Route du Littoral, qui a fait l’objet de projet de protection totale de la falaise. Le basculement sur trois voies par temps de pluie est déjà un premier pas. Et puis, il y a la route digue qui reliera La Possession et Saint-Denis. Ce projet est encore en cours d’étude, et cela vaut mieux. Il faut en effet prendre le temps d’étudier tous les paramètres pour la réalisation de cette route, cela pour éviter l’erreur du basculement des eaux d’Est en Ouest, erreur due au manque d’informations et de données sur sa réalisation.
Ce sont des grands chantiers importants. Et on ne peut pas ne pas y adhérer.
En termes d’emplois, cela en générera 1.500 directs pour leurs réalisations. Ce sont des projets réalistes.
Il y a aussi les projets liés aux énergies renouvelables, au NTIC et à la formation. Pour les énergies renouvelables, des études importantes sont réalisées au niveau géothermique, la mise en place d’éoliennes, la photovoltaïque, et puis la vague, méthode déjà employée au Japon. C’est une juste exploitation des ressources naturelles de La Réunion. La finalité de cette énergie renouvelable, c’est l’autonomie énergétique, ce qui va nous soustraire du monopole de la SRPP.
Enfin, le lancement du schéma d’aménagement et de développement touristique. La problématique c’est quel développement touristique à La Réunion pour ces 20 prochaines années. Il importe que La Réunion ne devienne pas simplement une terre de nantis assoiffés d’exotisme. Je m’élève contre l’implantation d’hôtels grands luxes, qui transformeraient l’île en réserve naturelle, avec d’un côté les autochtones, de l’autre les visiteurs.
Quant aux nouvelles technologies d’information et de communication, nous devons bénéficier du même tarif pratiqué à Maurice, puisque que l’opérateur est le même. France Télécom rend un service public, et la revue de la tarification s’impose.
Et puis parlons d’un centre de formation aux métiers de l’automobile et du transport. C’est un secteur en pleine expansion. Cela offre des débouchés internationaux à bon nombre de Réunionnais. Cela va se faire dans le Sud, cela contribuera au rééquilibrage socio-économique entre le Nord et le Sud.
Enfin, il y a toute la réflexion autour de l’Agenda 21 : c’est bien cette volonté de voir, non pas à court terme, mais d’essayer d’anticiper, de prévoir et offrir des perspectives à la population, pour que le Réunionnais s’inscrive dans un schéma d’avenir.
Maintenant, on note une absence d’idéaux. La consommation est devenue la pierre angulaire de toutes les préoccupations. Philosophiquement, l’être humain éprouve un certain nombre de besoins. Mais ce qui fait sa dignité, c’est qu’il puisse se projeter dans l’avenir, pour pouvoir maîtriser son lendemain.

o Dans le domaine de la culture, quelle appréciation portez-vous sur la politique du gouvernement Raffarin et en quoi la Région peut-elle mener une action capable de relever les défis ?

David Lebon : Je crois sincèrement que le gouvernement Raffarin mène une politique très restrictive dans le domaine de la culture. On l’a vu par l’intermédiaire de la réforme qui a touché les intermittents du spectacle. Ce gouvernement met les intermittents du spectacle dans une situation de précarité telle, qu’à terme en France (et à La Réunion), pourtant modèle culturel, nos artistes n’auront même plus les moyens de s’exprimer, de mettre en avant la culture de leur pays, de leur régions. Ainsi, nous perdrons notre identité, nos racines.

Radjah Véloupoulé : La culture est inséparable de l’éducation. À ce niveau, la politique menée par le gouvernement est une politique qui ne correspond pas aux besoins de l’école, de l’enfant et du personnel enseignants. Visible par la réduction des effectifs, la décentralisation forcée des TOS, la réduction des budgets liés à la recherche. Globalement, c’est une politique qui vise à réduire les dépenses au maximum, à faire reculer l’égalité des chances et surtout à favoriser les classes aisées qui disposent de tous les moyens.
À La Réunion, on assiste à une mise en place d’un module LCR (Langue et culture régionales) qui obéit à la loi Deixonne (1951) qui oblige tous les pays européens à respecter les langues minoritaires. Que se passe-t-il ? Au niveau pratique, c’est une démarche tronquée, parce qu’il aurait fallu commencer par le primaire et inscrire cette matière dans un schéma cognitif cohérent. On constate que c’est une option. Qui dit option, laisse libre choix aux parents qui, pour beaucoup, sont sous le joug d’une assimilation forcée.
Le CAPES Créole a été décrété dans des conditions dépourvues de réflexion, simplement pour se calquer sur le modèle antillais (Martinique, Guadeloupe). Mais ici, nous n’avons pas de cursus, du premier cycle jusqu’au DEA. Encore une fois, c’est un manque de sérénité sur un débat essentiel.
La Région peut mener une action, notamment dans le cadre de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise et de l’ouverture de La Réunion sur le monde en général, cela pour décloisonner le Réunionnais et retrouver la synthèse de ce qu’il est, pour qu’il puisse faire sauter les verrous de la colonisation.

o Dans ce domaine, quelle(s) idée(s) voudriez-vous faire avancer ?

David Lebon : La Région peut relever le défi en soutenant de manière active les associations culturelles qui sont dans les quartiers et aussi en créant cette Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise qui fait tant parler d’elle. Sur ce sujet, je pense qu’il faut informer les gens pour ne pas laisser place à la polémique. Il faut faire une campagne d’explication.

Radjah Véloupoulé : Je souhaiterais avancer l’idée de la création d’un Institut régional de la langue réunionnaise, pour éviter la déperdition des recherches et la dissémination des compétences. Il faudrait penser à la création de Maisons de La Réunion sur chaque pays d’origine. Cela permettrait beaucoup de relations, en termes d’échanges entre ces pays et La Réunion. Enfin, il importe de créer une maison d’édition, sous le contrôle de la Région, pour la publication d’ouvrages en littérature créole, et de créations diverses (musique, etc.)

o Comment pensez-vous apporter votre pierre à la mise en œuvre du développement durable ?

David Lebon : En tant que jeune (j’ai 28 ans), je crois avant tout qu’il faut croire en l’Homme réunionnais qui a lui aussi beaucoup de capacité. Encore une fois, il faut continuer à développer des domaines comme le transport en commun et les énergies renouvelables. Concernant l’éducation, je pense qu’il est nécessaire qu’on développe à La Réunion des formations touchant divers domaines pour que le jeune réunionnais puisse avoir accès à un plus grand nombre de formations. Enfin je milite pour un développement plus rapide des formations universitaires dans le Sud au moment où l’on parle d’égalité des chances.

Radjah Véloupoulé : En faisant reculer l’échec scolaire, en aidant les enfants en difficulté scolaire. Et il y a tout le secteur de l’illettrisme. Il importe d’exporter le savoir réunionnais. On ne peut pas toujours tout recevoir de l’extérieur. Et puis, même si je risque de choquer quelques uns, il faut aboutir à une maîtrise de la natalité à La Réunion, tôt au tard.

Propos recueillis par Bbj.

Instantané : David Lebon
Demeurant à Saint-Joseph, David Lebon est un jeune professeur (il a 28 ans) du lycée professionnel Paul Langevin de Saint-Joseph.

Instantané : Radjah Véloupoulé

À 34 ans, il est aujourd’hui doctorant en philosophie. Célibataire. Il quitte la France en 1994, après avoir effectué ses études à Toulouse. Il travaille un an durant dans l’Éducation nationale en assurant la formation de futurs formateurs en alphabétisation. Il avait en charge l’enseignement de la psychopédagogie.
Il est engagé politiquement très jeune. Il était notamment vice président de l’association réunionnaise des étudiants installés à Toulouse, et secrétaire de la fédération des étudiants réunionnais de France. Il a fait campagne avec Axel Kichenin à Sainte-Marie en 1998, pour les cantonales.