Lettre ouverte aux candidats aux élections municipales et cantonales

4 mars 2008

Nous ne nous doutons pas de votre volonté de mener une action positive et militante sur l’action culturelle - si vous êtes élus. Permettez-moi, toutefois, de vous proposer quelques pistes, au nom du G.R.A.H.TER et en ma qualité d’ancien conseiller à l’action culturelle et au théâtre au ministère de la Culture.
Nous vous rappelons que la loi de décentralisation de 1984 a permis de transférer à la Région, au Département et aux villes des compétences réservées jusqu’ici à l’État. La politique culturelle à La Réunion doit être un moyen de faire obstacle à la persistance de l’illettrisme et à la montée de toutes les formes d’exclusion. Ainsi, face au chômage, à la précarité et à la pauvreté, si elle ne mène pas à la libération, elle en balise le chemin.
L’État (ministère de la Culture), malgré les lois de décentralisation, reste centralisateur. Les quelques priorités affichées par la D.R.A.C.-Réunion, (patrimoine, enseignement artistique) n’ont produit que des textes d’une portée restreinte, insuffisants au regard des objectifs visés, incapables d’insuffler une dynamique nouvelle.
On peut dire que l’inaction du ministère de la Culture (ici, la DRAC), a profondément affecté notre devenir culturel et ses enjeux. Il n’est pas exagéré de dire que la DRAC, ici, passe par une véritable crise de légitimité et d’identité, après le départ de l’équipe qui a mis les structures en place en 1992... En une dizaine d’années, nous avons connu quatre directeurs régionaux des affaires culturelles sans aucune cohérence pour une politique suivie dans l’intérêt des Réunionnais.
Les objectifs mêmes de l’action de la D.R.A.C-Réunion mériteraient d’être redéfinis au regard de l’évolution des pratiques culturelles. Il nous semble, au G.R.A.H.TER, urgent d’en mesurer l’impact négatif.
Nous souhaiterions, Mesdames les candidates et Messieurs les candidats, que l’on profite de cette loi de décentralisation pour aborder les différents problèmes culturels ci-dessus mentionnés.
Trois impératifs nous paraissent aujourd’hui devoir orienter en priorité l’action culturelle à La Réunion :
1) mettre en chantier une réflexion sur le rôle, la place et l’organisation des institutions du secteur culturel ;
2) donner la priorité à une action contre toutes les formes nouvelles d’exclusion et de régression culturelle. Cette politique privilégierait la formation des professionnels de spectacles et de tous les acteurs à tous les niveaux (comédiens, musiciens...) ;
3) Décentralisée l’action culturelle : théâtre, peinture, cinéma, contes et légendes, animation autour du livre, bibliothèques de rues...
Pour sortir de l’impasse culturelle, trois moyens indissociables nous paraissent devoir être privilégiés :
1) poursuivre le mouvement de déconcentration, au profit des collectivités locales et territoriales ;
2) promouvoir une clarification et une nouvelle répartition des rôles entre l’Etat, les collectivités locales, le secteur privé et le tissu associatif. Cet enjeu suppose à la fois qu’on veuille :

- redéfinir le rôle de la D.R.A.C-Réunion pour une politique axée sur la proximité, hors toute considération de classe,

- réorienter les moyens et rééquilibrer les interventions dans les quartiers défavorisés tant au niveau local que départemental,

- réfléchir aux conditions d’une nouvelle démarche dans le processus de décentralisation dans les quartiers,

- redéfinir les limites et les moyens de l’intervention de l’État en matière d’aide aux actions culturelles.
Nous avons entendu trop souvent dans les débats le mélange de responsabilités entre l’adjoint culturel et l’adjoint aux sports. Nous pensons que c’est une erreur fondamentale. L’action culturelle est une chose, l’activité sportive une autre. Confondre l’une et l’autre serait diminuer l’une par rapport à l’autre vice-versa. Parmi tous les adjoints qui seront élus lors du premier conseil municipal, le maire doit proposer l’élection d’un adjoint pour l’action culturelle et d’un autre adjoint pour l’activité sportive. Et le budget de la culture doit dépasser 1,5 % du budget global de la ville, ce qui permettrait à l’adjoint de mener à bien une action culturelle d’ampleur pour les résultats à évaluer en conséquence. C’est la base essentielle d’une reconnaissance identitaire.

Marc Kichenapanaïdou


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