Carnet de campagne dans le 4ème canton du Tampon

Marie-Hélène Berne : « L’explication honnête a été notre objectif »

15 avril 2004

À l’image de ce qui s’est passé dans l’ensemble de la commune du Tampon, où les candidats soutenus par le député-maire André Thien-Ah-Koon ont été battus lors des dernières élections régionales et cantonales, Marie-Hélène Berne, enseignante retraitée, dirigeante de l’Union des femmes de La Réunion et candidate de l’Alliance dans le 4ème canton, a obtenu un large soutien de la population. Arrivée en troisième position avec 16,25% des voix, elle a contribué à mettre en ballottage le conseiller général sortant, Jacquet Hoarau, adjoint au maire UMP, qui a finalement été battu au second tour par le socialiste Jean-Jacques Vlody.
Marie-Hélène Berne a été enchantée par le déroulement de cette campagne électorale, qui fut l’occasion pour elle de faire de nombreuses découvertes sur le terrain, dans les contacts avec la population. C’est pourquoi elle a tenu à faire parvenir à “Témoignages” son “carnet de campagne”, où elle raconte quelques temps forts de ce qu’elle a vécu. Elle insiste particulièrement sur le côté “rencontre” du porte à porte, qui fut très enrichissant.

"I l y a quelqu’un ?... Bonjour ! Est-ce qu’on peut vous parler des élections ?"...
Le plus souvent la réponse est "oui", et cela quel que soit le moment de la journée. Sauf la jeune mère débordée qui avoue ne pas avoir le temps. Comme on entend les cris du bébé, on la croit sur parole et on glisse le tract dans la boîte.
Entre parenthèses, il faut reconnaître que les boîtes aux lettres ne sont pas évidentes à trouver. Certaines sont même difficiles à repérer, dissimulées par du feuillage, loin du portail d’entrée, à une hauteur surprenante. Enfin, il y a eu des cas où nos recherches ont été infructueuses et nous avons coincé le papier dans le grillage... Comment font les facteurs ? Il faudra leur demander.

"J e suis candidate aux élections cantonales contre le conseiller général sortant qui soutient la politique de Raffarin, désastreuse pour les Réunionnais, et je suis soutenue par l’Alliance".
Là au moins notre interlocuteur peut nous situer politiquement et mettre fin à la conversation s’il ne partage pas notre engagement.
Je dois reconnaître que le seul malotru que nous avons rencontré est un instituteur à la retraite, un ex-collègue, qui a manifesté son intolérance de façon peu courtoise. Manque d’éducation chez un éducateur...

Un malotru en deux mois, ce n’est pas beaucoup.
J’ai trouvé chez les gens un grand besoin de comprendre tout ce qui concerne les élections. "Et pourquoi n’êtes-vous pas sur une liste comme pour les Régionales ? Quel est le rôle d’un conseiller général ? Pourquoi votons-nous dans ce canton et pas dans celui d’à côté ?...".

Certains sont étonnés de découvrir que leur député a voté les lois qui leur ont supprimé la couverture maladie universelle (C.M.U.), l’allocation spécifique de solidarité (A.S.S.)...
Une dame m’a dit : "ce n’est pas possible, il ne peut pas faire une chose pareille...".
En effet, comme beaucoup de personnes rencontrées, elle ne bénéficiait plus de la couverture maladie et devait payer une mutuelle, qui amputait son maigre revenu de 100 euros par mois.

Au fond d’une impasse, dans une de ces belles rues du Tampon où se côtoient les maisons cossues dotées de jardins immenses, impeccablement entretenus, habite une vieille dame dans ce qui doit être un ancien garage aménagé. Elle aussi n’a plus de CMU et s’en remet "à la miséricorde de Dieu pour ne pas tomber malade".
Elle vit seule, son "bienheureux cher mari est mort...". Elle a envie de parler et nous invite à rentrer. Une petite visite est la bienvenue et c’est nous qui écoutons ses souvenirs de colonnage, de vie d’épouse malmenée par la misère et les maternités.
Ce serait bien de recenser les personnes âgées de la commune et de créer un service spécialisé de proximité pour les aider dans leur vie quotidienne et adoucir leur solitude. On peut toujours rêver, ce serait plus sympa que les “délégués de quartier”...

Autre forme de détresse, une maman abandonnée par son mari depuis que le petit garçon vit recroquevillé dans un fauteuil par une méningite. Il a honte de son enfant et nous avons le cœur serré en imaginant cette existence de mère qui tourne autour d’un fils handicapé à vie.
Les femmes très souvent font face à des situations dramatiques et leur résistance au désespoir est remarquable. Heureusement, pour nous remonter le moral, nous rencontrons ce jeune homme et son énorme toutou, qui occupe tout l’arrière de sa voiture.
"Que comptez-vous faire pour les chiens dits dangereux et qui sont gentils ?"...
J’aime les chiens mais je me sens un peu dépassée par le problème posé par le jeune homme.
Ensuite, on embraye sur le chômage des jeunes, et c’est l’impatience de sa copine à quatre pattes qui met fin à la conversation.

Parfois le courant ne passe pas et certains groupes de jeunes sont peu enclins à converser. "Nous on ne vote pas, tous les politiques sont pareils, ils font des promesses et ne les tiennent pas".
La discussion a de la peine à s’engager. Sauf une ou deux fois, où nous réussissons à échanger et à dépasser le lieu commun du "tous pourris".

Dans les cités, nous sommes surpris par la différence des accueils : chaleureux ou glacés...
L’absence de structures de rencontre pour les habitants est flagrante et, là aussi, on peut imaginer des locaux réservés à des activités sportives et culturelles, des lieux privilégiant les échanges pour créer des liens sociaux essentiels à la vie urbaine.

La retraite de plus en plus tardive est un sujet de préoccupation aussi bien pour les fonctionnaires que pour les travailleurs du privé et nous sentons une réelle inquiétude chez ceux que nous croisons sur les divers chemins du 4ème canton.
Comme il serait bon de les rassurer, ainsi que ces mères de famille tracassées par l’avenir des enfants et les difficultés de leur vie quotidienne.

Dans une petite boutique, nous tenons un mini-meeting.
Tout le monde participe à la critique du gouvernement en évoquant, pour l’un, la fin de ses indemnités de chômage depuis le 1er janvier 2004, et pour l’autre, le non remboursement de médicaments pris régulièrement.

Le porte à porte favorise le contact en permettant un échange direct sur un point précis. Parfois, nous sommes obligés de prendre congé de façon trop rapide pour notre interlocuteur qui a tant de choses à nous dire et nous ressentons sa frustration.
Dans notre société, il est parfois difficile d’être écouté et nous en prenons conscience chaque jour de campagne.

Il y aurait encore beaucoup à écrire : la pause thé glacé, bienvenue après une dure montée en plein soleil ; la branche de romarin pour les saisissements à venir ; les gentils "bon courage et bonne chance" en guise d’adieu...
Mais aussi les visages fermés par la timidité ou la peur, qui nous révèlent la dépendance de certains employés vis à vis de leur employeur.

Enfin, il n’est pas possible de terminer ce carnet de campagne sans évoquer les femmes et les hommes de bonne volonté qui m’autorisent à employer le “nous” dans ma narration. Car sans eux je n’aurais pas arpenté ce morceau de commune allant de la Ligne des 400 à la fraîcheur du 17ème.
Nous avons constitué une bonne et solide équipe. L’explication honnête a été notre objectif et il est dommage que pour d’autres candidats ce soit le réveil de vieilles peurs qui serve d’argument.

Marie-Hélène Berne,
candidate de l’Alliance dans le 4ème canton du Tampon


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