Rencontre avec les 47 candidats de la liste Alliance - IX -

Mettre l’économie au service de l’Homme

18 mars 2004

Dans la série d’entretiens croisés avec les membres de la liste Alliance, nous vous proposons aujourd’hui le point de vue de trois candidats sur le développement économique. Anick Le Toullec (PCR), Lylian Payet et Thérésien Mouny-Latchimy (Free Dom) s’expriment aujourd’hui sur une compétence essentielle du Conseil régional.

• Qu’est-ce qui, dans la politique de la Région (1998-2004), vous a paru le plus important ?

Anick Le Toullec : Ce qui m’a paru très important au cours de cette dernière mandature, c’est l’investissement dans l’Homme réunionnais et l’avenir de La Réunion. Avec :

- la construction de lycées, la réhabilitation des écoles primaires,
- l’attribution des bourses de DESS et de DEA et des bourses doctorales,
- la construction des logements étudiants,
- la formation professionnelle (par an près de 15.200 personnes bénéficient d’une action de formation). D’ailleurs, 21% du budget de la Région est consacré à ce secteur.

À cet investissement dans l’humain, je rattache les interventions de la Région dans le domaine de la culture et du sport. Plus de trois cents associations culturelles ont été aidées, près de 1.200 élèves fréquentent les centres du Conservatoire national de Région (CNR) où 29 disciplines sont dispensées.

Dans le secteur sportif, la construction et la réhabilitation des équipements sportifs ainsi que l’attribution de plus de deux cents bourses d’études sportives de haut niveau ont montré l’intérêt porté à la formation des jeunes dans différents domaines et à tous niveaux.

Je pense aussi que les actions contribuant au désenclavement de l’île entrent dans ce même registre et à cet égard, la Région a mis en œuvre le développement des moyens de communication. Plus de deux cents associations ont bénéficié d’une aide pour leur équipement informatique et plus de 3.500 emplois liés aux TIC ont été créés et vingt-cinq cybercases réalisées.

Lylian Payet : La Région a mené une politique volontariste pour aider les professions agricoles et notamment les éleveurs. Des aides nombreuses et conséquentes ont été mises en place pour que ces derniers soient performants et leurs outils de travail considérablement améliorés : depuis les clôtures jusqu’au cheptel en passant par les pâturages et la protection sanitaire...
Le dispositif d’aide pour la création d’entreprises, tous secteurs confondus, débouchant sur la création d’emplois, a “boosté” le développement de l’économie générale de La Réunion.
Dans ces domaines, La Réunion est en train de gagner... malgré la frilosité des interventions de l’État.

Thérésien Mouny-Latchimy : l’alignement du RMI, l’exonération des charges sociales et les pré-retraites

• Dans le domaine du développement économique, quelle appréciation portez-vous sur la politique du gouvernement Raffarin et en quoi la Région peut-elle mener une action capable de relever les défis ?

Anick Le Toullec : Au niveau économique, le gouvernement Raffarin mise tout sur le secteur marchand.

Il est évident qu’à La Réunion, le secteur marchand ne peut absorber les milliers de chômeurs. Pour faire face à une telle situation, il s’impose dans un premier temps de développer l’économie solidaire fortement soutenue par la Région.

D’autre part, afin de permettre le développement de La Réunion, le problème de la vraie continuité territoriale devrait être réglé rapidement afin de permettre la libre circulation des hommes et des marchandises.

Lylian Payet : Ma réponse sera brève et cinglante : le gouvernement Raffarin, soutenu par la majorité des parlementaires locaux (UMP, UDF-La Relève), est le fossoyeur du développement économique de La Réunion.

Les mesures antisociales, les désengagements financiers... ne sont pas faits pour nous aider dans la recherche de solutions déterminantes menant La Réunion sur le chemin d’un plus grand progrès.

La Région aura des défis importants et nombreux à relever. Elle devra trouver les moyens pour intervenir d’une manière encore plus soutenue en direction des partenaires économiques, tout en exigeant simultanément du gouvernement, des mesures, non pas d’assistance et de charité, mais celles prévues dans le cadre de la solidarité nationale : exigence dans nos droits et dans ce qui nous est dû.

Thérésien Mouny-Latchimy : La politique du gouvernement Raffarin ne prend pas en compte la nature du tissu économique spécifique de notre île. Cela s’illustre dans sa décision de mise en place du RMA, par exemple. Si cette politique est adaptée au contexte socio-économique des villes de la métropole, elle n’est pas prometteuse pour notre Région. En effet, il est évident que le tissu économique local ne pourra pas absorber les plus de 80.000 personnes allocataires du RMI à La Réunion.

• Dans ce même domaine, quelle(s) idée(s) voudriez-vous faire avancer ?

Anick Le Toullec : Réorienter les aides publiques vers les créateurs d’entreprises.

Lylian Payet : L’idée de l’application de la continuité territoriale : c’est primordial ! Les matières premières, les produits phytosanitaires, les coûts d’exportation... ne sont pas faits pour rendre notre économie compétitive et pourtant nos produits sont de qualité.

Cette continuité territoriale est une exigence indiscutable. La Corse en bénéficie pleinement. La Réunion, jusqu’alors sacrifiée dans ce domaine aussi, doit réclamer son droit.

Thérésien Mouny-Latchimy : Dans ce domaine, je souhaite contribuer à développer et structurer une “économie alternative” en suscitant

- l’émergence de petits métiers, en substance, dans le domaine de l’artisanat local ;
- la création de services de proximité ;
- des métiers de l’environnement : parce qu’ils ont des conséquences favorables, à la fois en matière de tourisme (préservation des sites notamment) et sur l’aménagement du territoire.

• Comment pensez-vous apporter votre pierre à la mise en œuvre du développement durable (Agenda 21 de La Réunion) ?

Anick Le Toullec : Afin de bâtir un développement durable, la logique d’aménagement du territoire développé par la Région est fondée sur un développement équilibré des quatre microrégions. Des efforts particuliers sont entrepris pour le milieu marin, les espaces littoraux, la valorisation des Hauts, la lutte contre les nuisances, la sensibilisation et l’éducation à l’environnement et la promotion des énergies renouvelables. Je pense que l’Agenda 21 doit se caractériser par des échanges permanents entre les décideurs et la population locale. Car bien souvent l’absence de communication ou l’impression “d’être mis devant le fait accompli” créées des frustrations et des incompréhensions.
Un véritable partenariat doit être instauré, et peut être la mise en place de référendums d’initiative populaire pour la prise de décisions importantes engageant l’avenir de La Réunion.

Lylian Payet : Le développement durable est un concept prometteur à condition qu’il soit mené comme le prévoit l’Agenda 21. Le développement durable doit être le résultat de nombreuses actions menées simultanément, tous azimuts : logement, emploi, économie, culture... mais coordonnées parce que concertées et harmonisées.

Une vigilance permanente doit être exercée lorsque des projets sont programmés, concrétisés. Ces réalisations ne doivent pas faire de La Réunion un “tapis mendiant” mais un territoire équilibré s’appuyant sur un choix judicieux, des objectifs à atteindre et une harmonie des décisions à prendre.

Thérésien Mouny-Latchimy : Je pense intervenir, en priorité, dans le domaine de l’éducation et de la sensibilisation de la population par le pilotage et l’accompagnement des projets auprès du grand public, des scolaires, des entreprises, des collectivités et des associations. Concrètement, je me sens apte à conseiller les jeunes pour les aider à concevoir des projets et à les soumettre aux institutions réunionnaises pour agrément.

Propos recueillis par Pascale David


Instantané : Anick Le Toullec

« Je suis née au Port en avril 1950 dans une maison de la rue Evariste de Parny dont ma famille a été expropriée. La maison a été rasée pour laisser place au bâtiment qui abrite la DDE et la Chambre de Commerce. De cette époque là, il ne reste plus qu’un pied de jacques... d’origine ! Un pâté de maisons plus loin, ma grand-mère habitait la maison où se trouve le restaurant “Le Jade”. Je suis d’une famille qui connaît bien les mélanges : mon père était né à l’île de Sainte-Marie (Madagascar) et mon grand-père malgache était marié à une Grecque ! Mes parents ont eu dix enfants, dont je suis la troisième.

À 16 ans, je suis partie en France où je me suis mariée, à 20 ans, avec Claude Le Toullec, qui était lui aussi un exilé portois, d’une famille de onze enfants. Nous avons eu trois fils, qui ont aujourd’hui 31, 28 et 24 ans et qui vivent, pour deux d’entre eux en France, et le troisième au Québec.

Nous sommes revenus à La Réunion, en septembre 1988, après 22 ans passés en France. J’ai travaillé pendant vingt-trois ans dans la Fonction publique territoriale et dix ans comme cadre administratif. D’abord, en poste au CCAS de la Mairie de Saint-Louis pendant cinq ans. En 1993, je suis entrée comme cadre à la SEMADER jusqu’en 2003. De 1995 à 2001, j’ai été élue municipale avec Guy Éthève, adjointe aux Affaires sociales. C’est lui qui m’a remis, en mars 2001 et en toute discrétion, la médaille de chevalier de l’Ordre national du mérite que m’a décerné le sous-préfet Schaeffer. J’étais alors présidente de la Mission locale Sud et cela correspondait à trente ans donnés à l’action sociale.
En 1998 enfin, j’étais sur la liste régionale conduite par Paul Vergès. J’ai été dans les commissions “emploi/formation” et “culture et sport”. J’étais trois jours par semaine à la Région, que j’ai aussi représentée dans plusieurs organismes extérieurs.

Je pratique beaucoup la marche les week-ends et je m’évade aussi beaucoup par la lecture de romans. Je lis les trois quotidiens tous les soirs.
Je veux dire ici que j’ai eu beaucoup de chance d’avoir mon mari à mes côtés. Je n’aurai pas pu m’impliquer à fond sans son aide et son soutien permanent. Il accepte les réunions sur réunions, mes retours à la maison à des heures impossibles et mes départs en mission. C’est une chance exceptionnelle... »


Instantané : Lylian Payet

Vice-président de la Région délégué à la Culture, Lylian Payet est un des conseillers sortants présents dans la nouvelle équipe, en 29ème position. Apprécié pour son expérience, son allant et son esprit d’équipe, Lylian Payet est aujourd’hui retraité de l’Éducation nationale, qui l’a décoré des Palmes académiques après une carrière de conseiller pédagogique en Éducation physique.

Conseiller municipal depuis 1978 au Tampon, dans l’opposition, il a eu depuis vingt-cinq ans un engagement associatif intense dans les domaines éducatif, culturel et socioculturel. Il a été le président-fondateur de plusieurs associations sportives tamponnaises (athlétisme, tennis, rugby...), président de la Croix-Rouge intercommunale pour La Petite Île, Saint-Pierre, Saint-Joseph et le Tampon. En 1980, sous le majorat de Paul Badré, il a été à l’initiative de la création de l’OMS du Tampon, dont il a été le premier président. Il s’est beaucoup activé, jusqu’en 1990, pour relancer les Jeux de la Plaine et a été décoré de la médaille de bronze Jeunesse et Sport. Il a aussi administré la MJC du Tampon, sous la présidence de M. Besson.

Père de trois filles, il a été président de plusieurs associations de parents d’élèves. Il préside et anime toujours l’association des “Cent Pieds” qu’il a créée il y a vingt cinq ans dans l’idée de développer une action pédagogique auprès des randonneurs en faveur de l’environnement, et préside aussi le comité régional de randonnée pédestre qui fédère dix-huit associations. Autant dire qu’il est de ces Réunionnais pour qui les plus ardus sentiers de l’île n’ont plus de secret. Animateur né, musicien et choriste, il a beaucoup joué autrefois avec Roland Realison, ou le groupe de Musik lontan des frères Lacaille, ou encore “Nénère” Fontaine. Plus d’une chorale du Tampon l’ont compté dans leurs rangs, de Villancico aux chœurs d’église des 14ème et 17ème km.

Depuis 1986, il est chevalier de l’Ordre national du mérite, parrainé par Pierre Lagourgue, avec qui Lylian Payet fit cette même année son entrée au Conseil régional, dans la première majorité de développement (PS-PCR-Centre) sous la présidence de Pierre Lagourgue. Vice-président de la Région, il a été successivement en charge de l’Aménagement et du Plan, des Affaires européennes et de la Coopération régionale, et dernièrement membre de la Commission Sports et Culture. Lylian Payet a été sénateur de La Réunion de 1997, après le décès de Pierre Lagourgue, à 2001.

S’il ne pense pas être de la prochaine mandature, il est de ceux qui continueront volontiers à donner de leur engagement et de leurs compétences dans les domaines qu’il connaît bien - éducation, culture ou affaires européennes - soit en raison de son activité professionnelle soit par expérience politique.


Instantané : Thérésien Mouny-Latchimy

« Âgé de 45 ans, marié, père de deux enfants, je suis issu d’une famille très modeste, mon père était ouvrier de l’usine sucrière de Stella, à Saint-Leu, commune où j’ai toujours habité. J’ai été ancien stagiaire de l’École normale nationale d’apprentissage de Paris et ai suivi par ailleurs un cycle de formation à l’École nationale d’administration (ENA). Je suis professeur de français depuis vingt deux ans, actuellement en poste au lycée de Stella.

En 2002, affecté par la situation des jeunes au chômage que je côtoie, j’ai mis en place une association “Aides à la recherche d’emplois” dont j’ai été le président. Sur les recommandations de beaucoup de citoyens de Saint-Leu, je me suis présenté cette même année aux élections législatives dans la troisième circonscription.

Dans mon métier d’enseignant, j’aime communiquer avec les jeunes et apporter une aide aux parents dans leurs responsabilités. Pour mieux les défendre, je me mets dans la situation des élèves issus des classes sociales défavorisées - situation que j’ai connue dans mon enfance.

Avant tout, je m’implique dans tous les travaux visant à privilégier la réussite des élèves. À ce sujet, grâce à une formation en sophrologie que j’ai intégrée à ma démarche, je peux aider de jeunes majeurs à surmonter leurs difficultés ».


Coût de la vie, formation des prix et des revenus

Réponse de Paul Vergès à l’Intersyndicale

Lors de la rencontre-débat sur le thème des services publics, le 24 février dernier à la salle King Siong de Saint-Pierre, Paul Vergès a répondu aux questions de l’Intersyndicale, notamment sur le coût de la vie à La Réunion, la formation des prix et les revenus. Nous publions ci-après la réponse de la tête de liste de l’Alliance à ce sujet.

• Quelle est votre réponse face aux demandes des organisations syndicales exprimées de façon solennelle lors des actions de mars 1997, de diligenter des études afin de fixer le coût de la vie à La Réunion, de déterminer la formation des prix d’une part et de procéder à une mise à plat de tous les revenus salariaux et non salariaux, du public et du privé d’autre part ? Face à des volontés de passage en force sans concertation, discussion et négociations, quelles seront vos actions concrètes ?

Paul Vergès - L’Alliance considère que sept ans après les actions de masse de mars 1997, le problème de la formation des prix, de la mise à plat des revenus salariaux et non salariaux, et du pouvoir d’achat des salariés des secteurs public et privé demeure entier à La Réunion.

Il apparaît clairement aujourd’hui que le gouvernement a non seulement fait le choix du refus de tout dialogue réel avec les organisations représentatives des salariés, mais qu’il s’est engagé dans une stratégie de “passages en force” successifs.

En témoignent notamment :
- le rapport de la Cour des comptes et du Conseil d’État sur la Fonction publique,
- les divers amendements parlementaires visant à la suppression du régime des majorations des retraites outre-mer,
- le rapport Laffineur,
- l’amendement adopté le 4 décembre lors du vote de la loi de finances 2004, demandant que soit réalisé un rapport sur le régime des retraites outre-mer durant l’année 2004 (article additionnel après l’article 74 bis),
- la création d’un groupe ad-hoc de parlementaires (distinct de l’inter-groupe des parlementaires DOM-TOM), visant à reprendre la question des majorations de la Fonction publique outre-mer.
- En témoigne également l’adoption par la majorité UMP au Sénat, avec l’appui de l’autre sénateur de La Réunion, d’un amendement refusant au Conseil régional la gestion des ports, contrairement à la décision des autres ports des régions d’outre-mer.

La stratégie gouvernementale est donc claire : refus de tout rattrapage, recours accru à la précarisation, stigmatisation des agents de la Fonction publique outre-mer, refus du dialogue, mise en œuvre d’un train de décisions unilatérales, remise en cause programmée des droits et des acquis...

- De toute évidence, le gouvernement table sur l’absence de rendez-vous électoraux après mars 2004 et durant les années 2005 et 2006 pour accélérer la mise en œuvre de cette politique.


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