Interview de la tête de liste de l’Alliance sur Radio Réunion

Paul Vergès : « Rassembler le maximum de Réunionnais pour les rendez-vous des six prochaines années »

30 mars 2004

Hier, Radio Réunion invitait pour ses “Matinales” Paul Vergès, qui a conduit la liste de l’Alliance aux élections régionales des 21 et 28 mars 2004 à La Réunion. Une liste qui a obtenu la majorité au second tour, avec 44,85% des voix, soit 135.706 des suffrages exprimés. Nous reproduisons ci-après la retranscription de cet entretien, avec des intertitres de “Témoignages”.

o Est-ce bien au futur président du Conseil régional que je m’adresse ici ce matin ?

Paul Vergès : - Vous vous adressez à quelqu’un qui a l’honneur d’être à la tête de la liste de l’Alliance aux élections régionales, et ce sont mes colistiers qui vont désigner effectivement qui va être le président de la Région.

o Cette liste de l’Alliance est arrivée en tête des suffrages avec 44,85% des voix devant les listes d’Alain Bénard et de Michel Vergoz. C’est le même tiercé qu’au 1er tour. Est-ce que les électeurs ont voulu faire des Régions, ici comme en métropole, les lieux du contre-pouvoir, de l’alternative à la politique gouvernementale ?

- Il est très important que les Réunionnais voient la portée profonde de leur vote et de cet événement pour l’avenir. Je voudrais évidemment d’abord remercier tous les électrices, tous les électeurs, les militants qui ont fait cette victoire. Ce sont eux les vrais vainqueurs.

Un événement historique

Mais il faut aussi noter que c’est la première fois, à La Réunion, qu’une liste dépasse les 100.000 voix. 135.707 femmes et hommes se sont déplacés ce dimanche 28 mars 2004 pour venir librement approuver l’Alliance. Cela représente autant que les électorats guadeloupéens, martiniquais et guyanais réunis.
C’est un événement - j’allais dire - historique, bien qu’on emploie souvent ce mot. Mais il est évident que l’Alliance - pour son contenu, pour sa composition et pour son programme - a été largement plébiscitée à La Réunion.

o Est-ce que vous ne regrettez pas pour autant d’avoir frôlé la majorité absolue sans l’atteindre ?


- Évidemment, on peut toujours vouloir plus...! Mais quand on sait ce qui s’est passé ici comme pressions, irrégularités dans certains bureaux de vote, etc..., nous disons : l’Alliance porte en elle non seulement la majorité actuelle, mais encore et surtout une large majorité de rassemblement des Réunionnais dans les années à venir.

o La contestation du gouvernement Raffarin s’est faite un peu plus forte à droite lors de ce second tour. Hier soir, Jean-Paul Virapoullé a demandé le départ de la ministre de l’Outre-mer, Brigitte Girardin. Un commentaire là-dessus ?

- Je crois effectivement que si vous prenez le pourcentage des listes qui ont combattu la politique du gouvernement, cela représente environ 70% des suffrages exprimés. C’est une condamnation sans appel. L’opposition confirme donc sa position.

Inélégant

Lorsque vous dites que les membres de la majorité gouvernementale condamnent eux aussi cette politique, j’en prends acte. Mais ils auraient mieux fait de le faire au moment où ces décisions étaient prises. Or, à ce moment-là, ils les ont approuvées, malgré les protestations de la population.
Le résultat, c’est qu’effectivement ils ont été sévèrement battus dans les communes où ils sont maires ou députés : à Saint-Benoît, Saint-André, Saint-Denis, Le Tampon et même Saint-Paul. Donc il n’y a aucune erreur de la part des électeurs.
Mais je trouve absolument inélégant - et le mot est très faible - de la part de ceux qui ont soutenu le gouvernement, qui ont demandé sa protection et qui ont fêté le Premier ministre quand il est venu ici en lui faisant des réceptions incroyables à Saint-André ou au Tampon se conduisent de cette façon. Au moment où ce gouvernement subit un revers, on l’abandonne, on le trahit et on va jusqu’à demander que celle qui hier était leur idole soit désormais enlevée du gouvernement. Je trouve qu’il y a là une inélégance honteuse.

o Est-ce qu’il ne s’agit pas là d’une défaite de la droite plutôt que d’une victoire de la gauche ?

- À mon avis, ce sont les deux aspects de la médaille : d’abord, il y a manifestement l’union de la population dans sa volonté de dire stop à la politique du gouvernement et à ses soutiens. Et là, le but est atteint.
Mais il y a aussi la deuxième chose : si nous avions le même bilan négatif que le gouvernement, les gens n’auraient pas voté pour nous. C’est donc implicitement une approbation de notre bilan, mais surtout c’est la confiance exprimée dans l’avenir.

Le respect de la diversité dans l’unité

Nous avons rassuré les Réunionnais, nous avons montré que nous sommes pour un changement d’orientation, pour le développement, pour une politique différente mais dans le respect des opinions de tous, le respect de la diversité. dans l’unité. Et c’est la solidarité dans la tolérance qui a triomphé ce dimanche. C’est extrêmement important pour l’avenir.

o Parlons des résultats de la liste enregistrés sur toute l’île, en particulier les résultats obtenus à Saint-Denis, à Saint-André à Saint-Louis, où l’Alliance est arrivée en tête dans ces villes de droite. Est-ce de bon augure pour vous avant les prochaines échéances électorales ?


- Les échéances électorales ne seront là que pour évaluer l’influence des uns et des autres. Ce qui est important, c’est que dans toutes ces grandes communes de l’île, malgré les efforts des appareils municipaux, des maires et autres, c’est l’Alliance qui arrive en tête. La signification est considérable.
Et il faut replacer cela dans le cadre d’une défaite également de la majorité aux cantonales. Nous sommes partis à quatre et nous revenons avec plus d’une douzaine d’élus et de réélus.

Cyclone

Mais surtout - et vous l’avez souligné - notre victoire ici va de pair avec l’Outre-mer - où les trois autres régions ont voté dans le même sens - et avec la Métropole, où c’est le raz-de-marée, le cyclone. Dans l’hexagone, l’opposition se retrouve à la tête de 21 régions sur 22. Rendez-vous compte : sur le total des régions, cela fait 25 régions pour l’opposition contre 26. Ça veut dire que la portée de ces élections pour l’avenir est considérable.
En effet, c’est là que va se situer la résistance à la réforme de décentralisation du gouvernement s’il persiste à la faire déséquilibrée, à en faire supporter le poids par les populations locales. Nous allons là vers un changement de la donne politique en métropole et outre-mer. C’est quelque chose d’énorme. Et heureusement qu’à La Réunion, nous allons aborder cette étape dans l’union réalisée par l’Alliance.

o Parlons du score du PS-Verts : 22,33% ce dimanche, contre 15,81% au premier tour. En refusant l’union au second tour, n’avez-vous pas fait finalement un cadeau à Michel Vergoz, qui a encore plus de points qu’il en avait la semaine dernière ?

- Ce qui compte, c’est le résultat du second tour. Nous avons atteint tous davantage de points au second tour qu’au premier. C’est ainsi que l’Alliance améliore nettement son pourcentage et son nombre de voix. En effet, entre le 21 et le 28 mars, nous avons gagné plus de 41.000 voix. Et je me félicite que, dans ce contexte de progression générale, c’est l’UMP qui a le moins progressé. Et que c’est elle qui, à l’arrivée, est le grand perdant de la consultation.

o Pour autant, le score de la liste “Choisir un avenir plus humain” va forcément peser dans les négociations que vous allez mener avec Michel Vergoz pour la gestion de la future majorité...

- Comme vous dites, chacun pèse son poids, qui a été évalué au plus précis dimanche. Mais quand vous parlez de négociations, elles vont tourner autour d’un programme. Il n’y a pas d’union sans programme précis. Sans oublier, bien évidemment, la nature des relations entre les uns et les autres.

Rassembler

À mon avis, il est très difficile - même si ce n’est pas impossible - de surmonter une situation où l’un a été insulté et traîné dans la boue pendant toute une campagne par l’autre. C’est peut-être la preuve... d’un “sectarisme” ou d’un “instinct de domination”...! Mais tout cela sera mis dans la balance.
Ce que nous voulons, c’est rassembler le maximum de Réunionnais pour aborder les rendez-vous redoutables des six prochaines années.

o Précisément, si on regarde les échanges entre ces deux tours entre Michel Vergoz et vous, est-ce qu’on peut penser qu’il y aura à un certain moment une majorité confortable pour gérer la Région ?

- Je n’ai jamais répondu aux provocations, aux mensonges et autres désinformations. Mais je suis solidaire de mes amis qui ont été agressés : le député-maire de La Petite Île, qui a été l’objet d’une provocation scandaleuse, et mes autres colistiers qui ont été insultés. Nous en prenons acte et nous abordons l’avenir en tendant dans la main à tous et sur un programme précis.

o Sur un programme précis mais également sur des délégations : est-ce que vous êtes prêt également à faire des concessions là-dessus ?

- Une délégation n’a jamais été une concession. Au contraire, c’est un des moyens pour démultiplier les conditions favorables à l’action.

Le maintien des emplois aidés

Les six années que je viens de passer à la Région ont été remplies par des délégations très larges données à tous les vice-présidents. Ils peuvent tous s’en porter témoins. Et je ne changerai pas de méthode.

o Concernant les projets du Parti socialiste et des Verts, est-ce que vous seriez prêt à adopter le point essentiel de leur programme pour l’emploi, à savoir le financement de 20.000 emplois aidés sur deux ans ?

- Quand nous avons rencontré des dirigeants du Parti socialiste, nous leur avons demandé de préciser ce point et s’ils pensaient que nous devrions nous substituer à l’État dans le financement à hauteur de 80% des emplois aidés, comme il le faisait pour les emplois-jeunes et les autres contrats de l’économie sociale. Ils nous ont dit - et là il y avait vingt témoins - : "Sur ce plan, il ne doit y avoir aucune confusion. Nous sommes d’accord avec vous : l’État doit continuer à soutenir financièrement ces emplois aidés dans les mêmes proportions".

Projets

Évidemment, nous demandons que ces emplois aidés soient maintenus au moins au même niveau que ces dernières années et, si possible, de les augmenter. Il n’y aura pas, à mon sens, à la date d’aujourd’hui, des différences d’interprétation entre nous sur ce point.

o Pour la dernière question, en quoi cette Région différera-t-elle de la précédente ?

- Eh bien, le fait que nous allons passer des grands projets d’aménagements du premier mandat à leur réalisation. La route des Tamarins va commencer incessamment, elle représente 3.000 emplois directs et indirects.
Par ailleurs, les études et les décisions vont avancer en ce qui concerne la réalisation du TCSP (transport collectif en site propre), ce que les Réunionnais appellent le tram-train.
Nous allons aussi prendre définitivement position sur les dernières études concernant le tracé de la route du littoral. Nous continuerons à accélérer le rythme de la construction des lycées, la déviation de Grand Bois, la modernisation de la route de Saint-Pierre à Saint-Benoît par les Plaines, l’aide aux élèves et surtout aux étudiants, le renforcement des instituts de recherche...
Bref, nous allons entrer dans une phase d’amplification de nos actions et d’accélération du rythme. Autour de ces actions et de ces projets, nous réunirons la grande majorité des Réunionnais


Rappel des résultats globaux des élections régionales
(2ème tour)

27 sièges pour l’Alliance, 7 à la liste Vergoz et 11 à l’U.M.P.

Inscrits : 463.654
Abstentions : 149.006
Votants : 314.648 (67,86%)
Blancs et nuls : 12.057
Exprimés : 302.591

La liste Paul Vergès (Alliance) obtient 135.706 voix (44,85%), soit 27 sièges (et non 26 comme annoncé hier par erreur).
La liste Alain Bénard (UMP), obtient 99.315 voix (32,82%), soit 11 sièges.
Enfin, la liste Michel Vergoz (PS) obtient 67.570 voix (22,33%), soit 7 sièges (et non pas 8 comme écrit par erreur).
Au total, cela fait bien 45 sièges, comme nous l’avions indiqué hier, même s’il y a 47 noms sur les listes de candidats.
Il faut savoir qu’à La Réunion, toutes les listes candidates aux régionales devaient comporter 47 noms, bien qu’il n’y ait que 45 sièges à pourvoir. Dans le cadre de la réforme du scrutin pour ces élections, le législateur prévoit en effet, que "le nombre de candidats (par liste est) égal au nombre de conseillers régionaux fixé par le code électoral (...) augmenté de deux". La loi explique qu’il "s’agit de disposer (...) d’un nombre de candidats suffisant pour pourvoir aux vacances survenant en cours de mandat".
Comprenez qu’en cas de désistement ou de décès en cours de mandat, les élus défaillants seraient remplacés par les 2 “de plus”. Cela bien sûr pour le cas où la liste de tous les candidats venant juste après le dernier élu ait été épuisée. Car selon le système "d’échelle", en cas de défaillance d’un élu appartenant à une liste ayant obtenu, par exemple, 20 sièges, c’est la 21ème personne de la liste qui "monte" pour occuper la 20ème place et ainsi de suite jusqu’à épuisement des 45 noms. Ce n’est qu’à ce moment-là que les candidats 46 et 47 sont susceptibles d’être appelés à siéger.
Voici donc les 45 élus du Conseil régional qui se réunira pour la première fois en assemblée plénière vendredi prochain, 2 avril, à 9 heures. À l’ordre du jour :

- élection du président de la Région Réunion

- Désignation des membres de la Commission permanente

- Élection des vice-présidents de la Région Réunion.

Liste de l’Alliance conduite par Paul Vergès
(27 élus)

1. VERGÈS Paul (sénateur)
2. GAUD Catherine (docteur en médecine)
3. SUDRE Camille (directeur de société)
4. CÉSARI Maya (maître de conférence à l’Université)
5. ARMAND Alain (professeur)
6. PANSBAYA Yasmina (directrice de société)
7. JARNAC Guy (industriel retraité)
8. CARO Denise (directrice d’école)
9. MOLLARD Raymond (professeur certifié)
10. POMBAYEN SOUPRAMANIEN Christine (enseignante)
11. BERNE Philippe (retraité de l’Éducation nationale)
12. LEPERLIER Nelly (étudiante)
13. VÉLOUPOULÉ Radjah (président d’association)
14. LAURET Jocelyne (cadre municipal)
15. VERGÈS Pierre (administrateur territorial)
16. DHAUSSY Joachine (secrétaire médical)
17. LAURET Raymond (retraité de l’Éducation nationale)
18. LE TOULLEC Anick (retraitée de la fonction publique territoriale)
19. VIRAPIN Yvon (directeur d’école)
20. HOARAU Marie-Pierre (professeur spécialisée)
21. BERTILE Wilfrid (professeur des universités)
22. SUEUR Martine (sans profession)
23. MAILLOT Hilaire (directeur de société)
24. PAUSÉ Yolande (employée à France Télécom)
25. LAMAGNEN Emmanuel (cadre à la Chambre de métiers)
26. ABRISKA Marie-Paule (enseignante)
27. LAMOLY Sylvestre (agriculteur)

Liste “Choisir un avenir plus humain” conduite par Michel Vergoz
(7 élus)

1. VERGOZ Michel (pharmacien)
2. ORPHÉ Monique (enseignante)
3. MAGAMOOTOO Éric (directeur de cabinet)
4. MUSSARD épouse JAVELLE Blanche-Reine (employée de commerce)
5. FOTSÉ-NJOMGANG Paul (médecin)
6. DÉNÈS Véronique (commerciale)
7. TAMAYA Michel (retraité)

Liste “L’Union fait La Réunion” conduite par Alain Bénard
(11 élus)

1. BÉNARD Alain (enseignant - maire de Saint-Paul)
2. VIDOT Huguette (directrice d’établissement médico-social)
3. SAM-CHIT-CHONG Thierry (agent territorial)
4. SUDRE Marguerite née DEMAICHE (médecin anesthésiste)
5. HOARAU Roland (directeur AFPAR)
6. N’GUYEN Minh (retraitée de l’Éducation nationale)
7. PAYET Paulet retraité de l’Éducation nationale)
8. RAMASSAMY Christiane née ISCHARD (sans profession)
9. ROBERT Didier(cadre administratif)
10. CHANE KAYE BONE Rolande née PERRAULT (enseignante)
11. FOURNEL Dominique (ingénieur en génie urbain)


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