Interview du président de la Région sur Radio Réunion

Paul Vergès : « Rendre compte à la population et être à l’écoute de son opinion »

6 avril 2004

Hier, en direct par téléphone, Radio Réunion recevait pour ses “Matinales” Paul Vergès. Réélu vendredi à la tête du Conseil régional, Paul Vergès entame un deuxième mandat qui sera marqué sans aucun doute par l’acte II de la décentralisation. Cette réforme envisagée par le gouvernement prévoit notamment le transfert des personnels techniciens ouvriers et de services (TOS) de l’Éducation nationale aux Régions et aux Départements. Un point qui sera en premier lieu abordé lors de l’interview, puisqu’une manifestation est prévue demain devant la préfecture. Dans le cadre de cette réforme, les Régions devraient également hériter des routes nationales. Se pose alors le problème de la route du littoral, dont les experts internationaux disent qu’elle n’aurait jamais dû être construite à cet endroit et qui est condamnée. La journaliste souhaitait également interroger Paul Vergès sur la formation professionnelle. L’entretien est retranscrit ci-après, avec des intertitres de “Témoignages”.

o Paul Vergès, lors d’un discours vendredi, suite à votre réélection à la tête de la Région, vous avez affirmé qu’il faut dire la vérité aux Réunionnais. Quelle est la vérité en ce qui concerne le transfert des TOS à la Région ?
Paul Vergès - Vous savez que ce transfert des TOS - ceux des lycées à la Région et ceux des collèges au Conseil général - a fait l’objet dans tout l’outre-mer et dans toute la métropole de protestations des intéressés, des syndicats professionnels etc... Nous confirmons notre refus, notre opposition absolue à cette mesure.
En effet, non seulement il y a là un début de remise en cause de tous les services publics de l’Éducation nationale, mais c’est aussi, en ce qui concerne les intéressés eux-mêmes, les TOS, une situation qui sera intolérable de passer, dans une île comme la nôtre, sous le contrôle des deux assemblées... Je ne reviens pas sur l’argumentation.
À présent, le gouvernement dit qu’il veut se concerter avec les nouveaux présidents des Conseils régionaux élus à la suite du scrutin de mars. Dans la mesure où il le dit, je pense qu’il acceptera d’examiner ce problème et que nous n’aurons pas son application, tout au moins aux dates et aux conditions fixées par le gouvernement.

o Dans le cas contraire, pouvez-vous refuser d’appliquer la loi sur la décentralisation ? François Hollande, premier secrétaire du PS, affirmait ce dimanche que les socialistes étaient prêts à une telle éventualité...

- Tout le monde est pour la décentralisation, pour la plus grande décentralisation possible. Là où le bât blesse, c’est quand le gouvernement veut transférer aux collectivités des responsabilités et des compétences sans transférer en même temps les crédits nécessaires pour cela. C’est là qu’a lieu le blocage.

o C’est un problème financier alors ?

- C’est un énorme problème, qui remet en cause le fond même de la décentralisation. Je vais vous donner le cas des TOS. Nous avons à peu près 460 employés au Conseil régional. Il n’y a plus un seul emploi précaire, ils ont tous un statut régulier. Si on nous transfère les TOS des lycées, cela fera un nombre équivalent d’employés supplémentaires - à quelques dizaines près - à statut de fonctionnaires d’État.
Et ce que l’on ne dit pas, c’est que nous aurons également une autre catégorie - aussi importante - de 470 CES et CEC, c’est-à-dire des emplois précaires que l’État a “utilisés” et qu’il va nous transférer comme TOS. Et c’est nous qui serons face aux problèmes de la normalisation légitime du statut de ces personnels. Voilà un cas très précis.

Sécuriser la route du littoral

o Les TOS peuvent donc compter sur votre refus de ce transfert à la Région. Un autre dossier important, c’est les transports à La Réunion. D’abord pour le développement économique de l’île et aussi pour le confort des Réunionnais. C’est un sujet qui les intéresse fortement. La route du littoral sera-t-elle gérée par la Région avec cette nouvelle loi sur la décentralisation ?

- Disons que vous posez une question à multiples réponses. Nous voyons aujourd’hui, près de cinquante ans après, les conséquences de mauvais choix politiques qui ont été faits à la fin des années 50, à savoir la suppression d’un chemin de fer qui existait, et la décision de faire entre Saint-Denis et La Possession un itinéraire routier littoral, c’est-à-dire au point d’intersection à la fois des éboulis - dus à la pesanteur - et de la houle de l’océan.
Nous avions critiqué ces choix politiques. Et c’est pourquoi on vous parle encore aujourd’hui de la route “en corniche”, celle qui était notre solution, c’est-à-dire non pas au pied mais au sommet de la falaise.
Et voilà les conséquences de ces décisions prises à l’époque contre notre volonté : nous sommes en train d’envisager une troisième route ; la première a été abandonnée ; le tracé de la seconde - la quatre-voies actuelle - est condamné par une mission d’experts internationaux envoyés par le gouvernement.

o Ça veut dire qu’elle risque de fermer un jour ou l’autre ?

- La responsabilité qui est posée est la suivante : ces experts disent que la protection de la falaise par les filets anti sous-marins est efficace, elle guide les chutes de pierre, elle permet d’éviter que ces pierres n’atteignent les usagers sur la route. Effectivement, nous n’avons plus de mort depuis des années sur cette route.
Mais cette mission d’experts dit également que le véritable danger réside dans le glissement de plaques : s’il y avait un éboulis énorme, une plaque rocheuse glisserait et les filets serviraient de piège pour les voitures qui seront sur la route à ce moment là.

o C’est très inquiétant ce que vous dites là, Paul Vergès...

- C’est très inquiétant. Si la Région accepte la prise en charge des routes, elle ne veut pas endosser une telle responsabilité, un risque aussi grand, dont elle n’est pas responsable.

o Qu’est-ce que vous allez faire, que proposez-vous ?

- Ce que nous proposons, c’est d’abord de terminer la protection de la route avec des filets jusqu’à La Possession pour en finir avec les basculements et avoir constamment les quatre voies.
Ensuite, quand nous posons la question de savoir dans quel délai un tel glissement de plaque peut intervenir, on nous répond que ça peut intervenir demain, ou dans un siècle ou deux... Voilà l’incertitude qui est posée et le principe de précaution qui doit intervenir.
Vous avez huit solutions de remplacement, sur lesquelles un certain nombre ont été sélectionnées : il y a par exemple la route en mer sur digue. Mais cela pose deux problèmes : celui de l’océan lors des périodes cycloniques - tous les Réunionnais savent ce qu’est la houle cyclonique lorsqu’ils vont regarder le spectacle - et celui des changements climatiques.

o Pouvez-vous nous donner la possibilité qui est envisagée plus particulièrement par la Région ?

- Comme je l’ai dit, nous essayons en priorité d’accélérer le rythme en ce qui concerne la sécurisation de la route actuelle par la pose de filets jusqu’à La Possession, le premier objectif étant de laisser la route libre, sans basculement, quel que soit le niveau des pluies.

Maintenir les crédits pour le tram-train

o Le deuxième grand projet de la Région qui a été étudié lors de votre premier mandat, est le tram-train. C’est pour quand concrètement ?

- Au sujet du tram-train, nous allons d’abord discuter avec le gouvernement qui a supprimé les financements pour les TCSP. Or la liaison par tram-train de Saint-Benoît à Saint-Pierre est précisément un transport collectif en site propre (TCSP). Le gouvernement a supprimé les financements de tous les projets de ce type qui existent en métropole. Nous discuterons donc avec lui pour lui dire : “les transports collectifs urbains en site propre de métropole sont différents du nôtre, qui est un transport inter-urbain. Vous devez maintenir les crédits pour cela. C’est une question essentielle”.
Mais nous voulons aller plus vite pour essayer d’éviter la catastrophe de la circulation. Et en attendant que le tram-train soit installé, nous voulons faire en site propre une première liaison Saint-Benoît / Saint-Denis en bus.

o En attendant les grands projets, on va donc d’abord sécuriser la route du littoral et privilégier les transports collectifs en site propre par bus. Malheureusement, nous n’aurons pas le temps de parler de la formation professionnelle, qui pourtant est un sujet très intéressant. Paul Vergès, si vous deviez qualifier la façon dont vous abordez ce deuxième mandat, qu’est ce que vous diriez ?

- Eh bien, je dirais deux choses : premièrement, faire confiance à tous nos élus et leur déléguer le maximum de responsabilités - dont ils doivent rendre compte - ; deuxièmement, rendre compte à la population et être à l’écoute de son opinion.


Marie-Cécile Seigle-Vatte, de la Fédération des élu(e)s écologistes, félicite Paul Vergès

"Œuvrer tous ensemble pour un développement plus humain et plus écologique"

Samedi dernier, Marie-Cécile Seigle-Vatte, de la Fédération des élu(e)s écologistes, écrivait à Paul Vergès pour le féliciter de sa réélection à la tête de la Région et exprimer sa satisfaction quant à la "large victoire des élus de gauche à La Réunion", lors des dernières élections. Au nom de la Fédération, elle exprimait sa volonté d’être aux côtés du président de la Région dans les combats "pour une véritable décentralisation, démocratique et viable économiquement". Nous publions son courrier ci-après.
"Monsieur le Président,
Je me félicite, au nom des écologistes, de la large victoire des forces de gauche à La Réunion et je salue votre réélection en tant que Président du Conseil Régional.
Votre élection marque l’adhésion des électrices et électeurs à des valeurs sociales bafouées depuis deux ans par le gouvernement Raffarin.
Les enjeux liés à la décentralisation nous interpellent tous. Avec des pouvoirs accrus, la Région aura, certes, une responsabilité accrue. Mais sans garantie pour les transferts financiers, les transferts de compétences pourraient se révéler dangereux, voire ruineux pour le développement local. Nous nous battrons à vos côtés pour une véritable décentralisation, démocratique et viable économiquement.
Je souhaite que, loin des divergences passées, tous ensemble, nous, élu(e)s de gauche, nous puissions œuvrer en faveur des Réunionnaises et Réunionnais pour un développement plus humain et plus écologique...


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