Regard sur les élections... Noor Olivier Bassand, Président de l’Orgeco Réunion

Voter pour un candidat, c’est voter pour une équipe et un projet

8 mars 2008, par Edith Poulbassia

Noor-Olivier Bassand, Président de l’Orgeco Réunion, défend les consommateurs, les administrés, les usagers. L’association est assez proche de la population et au fait de ses aspirations pour pouvoir s’exprimer sur les élections. Pour Noor-Olivier Bassand, les électeurs doivent d’abord évaluer un programme, une liste, et non une étiquette et un candidat.

Quelle est votre vision de la campagne électorale ?
- Il faut que cette campagne soit utile, qu’elle soit mise au service des administrés, qu’elle explique les programmes à la population. L’Orgeco est une association apolitique qui défend les consommateurs, les administrés, les usagers. Ce qui n’empêche pas nos bénévoles d’être engagés sur des listes de droite comme de gauche. Cependant, nous sommes très attentifs à une chose. Nous vérifions que les femmes et les hommes réunionnais soient placés au coeur de chaque projet, que les programmes tiennent compte des réalités réunionnaises. Les programmes ne peuvent pas se résumer à des mots et des idées.

Vous reconnaissez donc que certains candidats sortent du lot. Vous parlez de « réalités réunionnaises ». Qu’est-ce qui fait la différence entre les programmes ?
- Nous avons fait attention à plusieurs choses. En matière environnementale, nous attendons que les collectivités locales s’engagent à utiliser les énergies renouvelables, le photovoltaïque au moins pour la climatisation, l’éclairage, les ordinateurs. Que ce soit inclus dans le budget de la commune.
Pour le social, nous demandons à ce que les CCAS fassent vraiment leur travail. Il y a beaucoup de cas qui relèvent des CCAS, pourtant les personnes viennent nous voir. Un exemple simple, les personnes qui n’arrivent pas à payer une facture d’électricité se tournent vers l’Orgeco parce que le CCAS ne les aide pas.
Autre point. Nous estimons que le maire et les adjoints doivent comprendre que ce n’est pas facile pour les gens qui travaillent d’obtenir un rendez-vous à la mairie. Nous attendons plus de disponibilité. Les mairies peuvent recevoir les gens le vendredi après-midi ou le samedi. Comment expliquer qu’une association de bénévoles puisse le faire et pas le service public ?
Selon nous, une question importante a été totalement occultée pendant la campagne, il s’agit du problème du budget. Le premier objectif des candidats c’est que leur liste arrive en tête. Alors on promet mais on ne dit pas comment on va faire.
Nous avons fait attention aussi à la place donnée aux femmes. Comme elles sont présentes dans la vie quotidienne, elles doivent être représentées sur les listes, à la place qui leur revient. Nous ne voulons pas de candidats qui subissent la parité, qui mettent des femmes sur les listes juste pour faire joli. Elles doivent être placées sur les listes en fonction de leurs capacités.
Enfin, nous avons constaté un manquement grave lors de cette campagne. On s’occupe beaucoup des personnes en situation de besoin, des personnes qui sont en difficulté, mais la classe moyenne est totalement occultée. C’est pourtant la majeure partie de la population de La Réunion.

Les candidats ont bien fait attention de respecter la parité sur les listes. Pour vous c’est insuffisant ?
- Oui. Les femmes n’ont pas du tout la place qu’elles méritent dans cette campagne électorale. Il y en a peu qui sont candidates. Je vois Nadia Ramassamy à Saint-Denis. Je ne dis pas qu’il faut voter pour elle parce que c’est une femme, je ne dis pas que ce qu’elle propose est bien ou mauvais, mais elle a des enfants, elle travaille, et elle est l’une des seules à oser s’engager. Pareil pour Huguette Bello à Saint-Paul. Elle aussi doit en baver. Je pense également à des femmes très compétentes qui valent trois hommes et qui sont trop loin dans les listes. Le genre de femmes qui savent porter et régler des dossiers, qui savent recevoir les gens dans leur bureau.
Ces élections sont encore en décalage avec la société réunionnaise où la femme est très présente au quotidien. Nous vivons dans une société matriarcale à outrance. Mais la femme occupe une place largement insuffisante en politique.

D’après vous, à quoi les citoyens doivent-ils être plus attentifs ?
- J’insiste sur le fait qu’il faut moins regarder les étiquettes des candidats, mais évaluer la capacité à travailler en fonction de la population, à bien gérer une commune. Nous avons des exemples de communes, le Port, Saint-Joseph, Saint-Denis, Sainte-Suzanne, où on sait être à disposition et recevoir la population. Les gens nous le disent à l’Orgeco.
Maintenant, on a les élus que l’on mérite. Comme on dit, au premier tour on élimine, et au second on choisit. A la population de décider. Je crois que les électeurs ne doivent pas occulter les personnes qui sont sur les listes au moment du choix. Ils doivent éviter de tomber dans le culte de la personnalité. Il ne faut pas oublier que le maire est élu avec son équipe, que ce sont les personnes qui sont sur la liste qui seront en contact avec la population. Enfin, le projet est très important. Un maire ça dure et ça endure. Il sera là pendant six ans pour mettre en œuvre ses actions, les réévaluer si besoin. Le maire doit avoir une vraie volonté et une vraie vision pour la population.

Quels sont les enjeux de ces élections ?
- Pour moi, il y a un enjeu politique capital. De ces élections municipales va dépendre les élections du Conseil Régional en 2010. Les élections régionales mais aussi les sénatoriales. Dans l’immédiat, les élections cantonales vont déterminer la politique que va mener le Conseil Général. Aura-t-on droit à une politique sanitaire et sociale ou à une simple gestion de collectivité territoriale ? Personnellement, je rêve d’un choix de présidence fait à la proportionnelle des résultats de l’Alliance, du PS, de l’UMP, etc. Bref, une présidence déterminée d’après une majorité d’union départementale qui dépasse les clivages politiques.
J’attends l’émergence d’une nouvelle classe politique. Je pense à des jeunes candidats qui peuvent assumer la fonction d’élu à la place d’autres plus anciens en politique. Mais ce n’est pas qu’une question d’âge. Certains candidats peuvent faire partie de cette nouvelle classe. Un exemple parmi d’autres : Jean-Hugues Ratenon. Voilà un homme qui est engagé dans le bénévolat depuis longtemps. Quand on a des enfants, un boulot et qu’il faut faire face à un horizon d’attente très exigeant des personnes qui vous sollicitent, ce n’est pas facile. Mais Jean-Hugues Ratenon a toujours défendu les petits, les sans-grade, et il en est venu à la politique car il s’est aperçu de la décadence de la classe politique. Il a une vraie vision des attentes de la population et un réel engagement. C’est ça la nouvelle génération politique.

Le pouvoir d’achat est l’une des préoccupations de la population. Pensez-vous que ceux qui vont être élus pourront agir ?
- La défense du pouvoir d’achat, c’est avant tout le rôle des syndicats, des associations de consommateurs. La seule chose que les maires et les conseillers généraux peuvent faire c’est créer de l’activité rémunérée. Je pense à la relance de l’économie sociale et solidaire, un bon moyen pour les communes de créer de l’emploi.
En revanche, ce sont les députés et sénateurs qui votent les lois. L’Orgeco va bientôt les rencontrer pour proposer de bloquer les prix des denrées alimentaires de première nécessité. Le lait, le sucre, le maïs, etc. Nous sommes en train de voir cela avec les grandes surfaces, les organisations patronales comme la CGPME, le MEDEF.

Entretien Edith Poulbassia


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