Tribune libre

Autour de La Réunion... comme autour de Valérie Bègue

2 janvier 2008, par Alain Dreneau

La Réunion vient de donner un exemple de rassemblement qui fait réfléchir... et se poser bon nombre de questions.

Autour de Valérie Bègue, on a vu une conjonction de toutes les bonnes volontés, une capacité à dépasser les oppositions qui divisent habituellement les Réunionnais, une détermination à passer à l’action pour atteindre l’objectif partagé par une Réunion unie et combattante.
Quel était cet objectif ? En l’analysant, on perçoit en même temps les motivations profondes qui ont insufflé sa force au mouvement. Et il faut aller au-delà de l’“enveloppe” des apparences, qui participent à l’évidence de la frénésie marchande, pour en saisir le “noyau”, qui est fait de ressorts plus authentiques. D’où la complexité du mélange, qui en désarçonne plus d’un.

Peser sur le cours des événements

Il s’est agi au fond de ne pas se laisser imposer une décision qui est apparue aux yeux de la plupart à la fois comme un déni de justice et comme un déni d’égalité à l’encontre des Réunionnais. Il s’est agi de ne pas rester passif face à un arbitraire qui causait du tort à La Réunion. De peser sur le cours des événements, qui pouvait apparaître comme inexorable, et de provoquer des changements allant dans le sens des intérêts et de la dignité de notre île.

Cette mobilisation exemplaire s’est nourrie de la conviction générale que « le jeu en valait la chandelle », que des principes étaient bafoués et qu’il fallait les défendre, que l’inacceptable ne devait pas être accepté.
A partir de ces considérations tout ce qu’il y a de plus positives, on aborde les questionnements.

Qui pourrait nier que La Réunion se voit infliger - l’actualité la plus brûlante en fait foi - une situation de chômage, de manque de logements, de cherté de la vie, qui bien loin d’être prise en compte par le gouvernement, se trouve exacerbée par les mesures de “casse sociale” qu’il continue à imposer à La Réunion. Les 343 travailleurs de l’Education Nationale qu’il est en train d’éjecter des établissements où ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes pendant 5 ans, 10 ans, parfois plus, ne constituent qu’un exemple parmi d’autres d’une situation insupportable. Autre exemple : les 73 postes d’enseignants supprimés alors qu’il faudrait au contraire créer des postes pour rattraper les immenses retards accumulés. Autre exemple encore : la diminution des crédits affectés au logement social à l’heure où le nombre de mal-logés n’a jamais été aussi important.

Continuer à “jouer groupés”

La question qui surgit est alors simple : pourquoi l’élan solidaire et salvateur né autour de Valérie Bègue ne se reproduirait-il pas, avec la même force, pour faire entendre la voix de La Réunion sur les agressions qu’elle subit du fait d’une mauvaise politique ? Le sentiment altruiste qui nous incline à nous sentir profondément concernés par le sort injuste et malheureux infligé à des familles, des femmes, des hommes, des enfants de La Réunion ne serait-il pas un sentiment au moins aussi partagé chez les Réunionnais que celui ressenti à l’égard de Valérie Bègue ? La combativité réunionnaise ne peut être mise en doute. Branchée il est vrai sur le haut-voltage de la médiatisation déchaînée, cette prometteuse solidarité ne peut s’arrêter en aussi bon chemin : les injustices qui déchirent notre société et les drames humains intolérables qui s’y vivent chaque jour méritent que les Réunionnais continuent à “jouer groupés” comme ils viennent de le faire, sans se déchirer dans de vaines querelles subalternes.

Certes, dans le combat dont La Réunion sort fière d’elle-même et rassérénée, la cible était aisément identifiable. La “dame au chapeau” a joué son rôle de “méchant(e)”, voire d’“affreux(se)” sans se forcer. Elle a cristallisé sur sa personne toute la frustration née de ce qui est apparu dès le premier abord comme une offense envers La Réunion. Les frustrations produites par les maux dont souffre notre île ne trouvent, quant à elles, malheureusement pas aussi aisément la source de leurs difficultés.

Développer le sens critique

Tout autant que la menace de destitution de Valérie Bègue, la réalité du profond malaise de notre société représente - mais à une échelle ô combien plus vaste - une agression contre l’intégrité réunionnaise. Mais les causes en sont-elles toujours bien claires dans les esprits de ceux qui en sont victimes ? Le chômage, le manque de logements, le pouvoir d’achat en peau de chagrin, tous ces maux ont des causes. Ce sont les (mauvais) fruits de décisions politiques identifiées, datées, signées. Des décisions, avec leurs causes et leurs conséquences, qui apparaissent rarement sur le devant de la scène des grands medias. Le préjugé dominant qui nous est inoculé jour après jour, c’est que les licenciements, la disparition des services publics, les folles inégalités, les révoltants gaspillages, le règne absolu de l’argent etc... tout cela serait le fait de phénomènes inévitables, quasi naturels, comme un glissement de terrain, des inondations ou une éruption volcanique. Quelle attitude autre que fataliste peut-on adopter face à un volcan qui crache le feu de la terre ? C’est bien le fatalisme qui nous guette, si nous ne résistons pas à ce conditionnement tissé par les classes au pouvoir.

C’est pourquoi sont déterminants l’éducation, le rôle d’une école qui formerait des femmes et des hommes doués d’un sens critique développé, le rôle des medias qui s’attacherait à “dénaturaliser” les phénomènes politiques. C’est pourquoi l’explication politique, la formation politique, la vision politique, le militantisme hors de tout sectarisme, avec la hauteur de vue qui s’impose, sont des voies irremplaçables pour œuvrer au rassemblement des Réunionnais.

Le rassemblement. L’union. Peut-on imaginer que sans cette union, sans ce rassemblement, les Réunionnais auraient eu gain de cause dans la défense de Valérie Bègue ? Inspirons-nous de cette expérience pour imposer, tous ensemble, les solutions les meilleures pour notre avenir commun.

Alain Dreneau


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Messages

  • les réunionnais se sont plus mobilisés en raison des propos de geneviève de fontenay.
    si les propos n’avaient pas été orduriers, la mobilisation n’en auraient pas été aussi grande...

    nou lé pas pluss nou lé pas moins..Respekt à nou !


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