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Alon rant dann ron filozofik !
3 août 2007, par
Dans son billet philosophique du vendredi 27 juillet 2007, Roger Orlu nous fait découvrir le philosophe allemand Axel Honneth. Le concept fondateur forgé par Honneth est celui de la « reconnaissance » - ou de son envers, la « non-reconnaissance » - envers les femmes et les hommes qui vivent dans les « sociétés du mépris » engendrées par le capitalisme néo-libéral.
Un tel concept - autrement dit, un tel outil d’analyse des rapports sociaux et de leur impact sur nos vies individuelles - ne peut être contesté quant à sa pertinence. Effectivement, le non-respect de la personne caractérise bien, hélas, les relations d’exploitation économique, de domination matérielle et d’aliénation culturelle imposées par les classes disposant des pouvoirs.
Mais cette notion de « non-reconnaissance » privant les humains d’une « vie bonne » ne serait-elle pas justement d’un caractère trop évident, trop généraliste, et finalement trop abstrait, au regard des inégalités féroces et des injustices implacables qui détruisent les vies de milliards d’individus sur notre planète ? C’est la question que je me pose à la lecture de Roger Orlu, qui n’esquive d’ailleurs pas un questionnement semblable au mien, sur « le sens et la portée de cette démarche ».
À vrai dire, et en restant ouvert à toute explication complémentaire - qui me ferait entrer dans la "coquille" de ce concept de « reconnaissance » -, je reste sceptique sur sa capacité à fonder une « nouvelle théorie critique » de nos sociétés contemporaines, comme l’assure la revue "Philosophie Magazine" (1) .
« Sociétés du mépris », oui...
« Si nos sociétés sont, au fond, des sociétés du mépris, c’est parce qu’elles ne cessent de porter atteinte à l’exigence fondamentale de reconnaissance sans laquelle aucune vie bonne n’est possible ». Voilà le principe normatif présenté comme le "poto mitan" de cette « théorie originale ». Mais je ne vois pas - encore une fois jusqu’à plus ample informé - comment cette notion de « sociétés du mépris » pourrait engendrer un outil d’analyse suffisamment acéré pour mettre au jour et agir sur les logiques de fonctionnement du système capitaliste mondial.
La conclusion de l’article sur Axel Honneth dans "Les lettres françaises" (2) me laisse donc perplexe, quand j’y lis que sa théorie « ne saurait être trop recommandée à tous ceux qui sont à la recherche de nouvelles armes », armes théoriques bien sûr, « pour mieux accompagner des luttes qui n’ont rien perdu de leur urgence ».
Mes réticences sont loin d’être levées quand le philosophe allemand explique qu’il est en mesure, en s’appuyant « sur les acquis de la psychologie sociale », de « rendre raison de ces conflits qui naissent d’attentes morales insatisfaites et (qu’il) place au cœur même du social ».
Cette affirmation me frappe par le renversement qu’il effectue entre les causes et les conséquences des phénomènes sociaux. Il doit en être de même pour toutes celles et tous ceux qui, comme moi, persistent à penser que les conflits "au cœur du social" s’enracinent dans les rapports de production. Cela signifie que leurs causes sont à chercher et à analyser dans la quête systématique du profit maximal menée par le capital (passé aujourd’hui de la dominante entrepreneuriale à la dominante financière internationale). Les conséquences , quant à elles, sont bien évidemment des « attentes morales insatisfaites »... et même beaucoup plus que cela. Vouloir ériger la psychologie - voire la morale - en instance déterminante des conflits sociaux me semble ne pas faciliter la compréhension des vraies contradictions du tout-marché.
Prenons l’exemple d’une entreprise qui ferme, condamnée à mort par ses actionnaires partis vers d’autres rivages. Avec à la clé "un plan social" pour masquer la destruction des vies des personnes dépouillées de leur emploi. Ecoutons alors Axel Honneth... « Le capitalisme contemporain empêche les êtres humains d’accéder à la réalisation de soi », ou encore, « Sans la reconnaissance, l’individu ne peut se penser en sujet de sa propre vie ». Voilà des vérités indiscutables. Mais est-ce sur ces pensées du philosophe allemand que les forces sociales contestant l’ordre capitaliste néo-libéral vont pouvoir s’appuyer pour comprendre les ressorts de l’exploitation et de l’oppression, et développer les luttes ?
... mais à la racine, sociétés du profit
Une telle analyse n’est-elle pas au contraire teintée d’une pensée individualiste, un peu trop en consonance avec l’air du temps ? Mes inquiétudes se renforcent en effet à la lecture de certaines déclarations du philosophe (1) . « Je pars du constat qu’il existe dans nos sociétés des déficiences découlant moins d’une violation des principes de justice que d’une atteinte concrète aux conditions de l’autoréalisation individuelle ». Ou encore : « Si la perspective marxiste me paraît en partie dépassée, sa visée éthique n’a, elle, rien perdu de sa charge explosive en ce début du 21ème siècle ». Ou enfin : l’école de Francfort - courant philosophique dont Axel Honneth est le chef de file - invente « un nouveau genre d’enquête philosophique dont la préoccupation première n’est pas tant de pointer les inégalités ou les injustices sociales, que de mettre au jour les critères éthiques d’une vie accomplie ou plus humaine ».
Je n’échappe pas au (léger) complexe du profane face aux arcanes de la philosophie, mais dans le même temps, c’est Roger Orlu lui-même qui nous invite semaine après semaine à surmonter cette timidité intellectuelle et à "philosopher ensemble".
Alors, osons dire, quitte à passer pour “archaïques”, que si l’analyse de classes - qui consiste à "décortiquer" les rapports d’exploitation et les inégalités - a besoin d’enrichissements conceptuels constants, elle demeure un levier théorique irremplaçable d’une perception efficace et engagée de la réalité.
Alain Dreneau
(1) Lire l’interview d’Axel Honneth dans "Philosophie Magazine" n°5 de décembre 2006-janvier 2007.
(2) "Les Lettres françaises" de juillet 2007.
Commentaire
Merci à Alain Dreneau pour cette critique pertinente et constructive du “Billet philosophique” du 27 juillet dernier. Effectivement, on ne mettra jamais assez en avant le concept de la “recherche du profit” comme facteur déterminant de la déshumanisation de nos sociétés et comme cause essentielle du véritable crime contre l’humanité que constitue le partage inégal des richesses sur la Terre. Mais faut-il opposer cette analyse indispensable de nos malheurs et tragédies quotidiennes à d’autres approches altermondialistes, comme celle de la non-reconnaissance des droits et de la dignité des citoyens et des peuples opprimés et exploités ? N’est-il pas possible, voire utile, de faire une synthèse de ces approches de la réalité pour mieux la transformer ?
R. O.
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Messages
4 août 2007, 14:07, par Jean
C’est précisément parce que le logiciel marxiste d’explication de ces conflits ne rend plus compte de ce qui se passe dans la société qu’il faut modifier l’appareil théorique. Depuis 30 ans, de fait, les conflits dans les sociétés ne portent plus sur la seule répartition des biens économiques mais, tout autant et même plus, sur la répartition des reconnaissances. Par exemple, la propriété des moyens de production n’a rien à faire avec la demande de reconnaissance des "indigènes de la République". De même que le marxisme n’a rien à dire sur la demande de reconnaissance des gay etc. D’autre part, Honneth est bienvenu précisément parce qu’il intègre des caractéristiques psychologiques qui éclaire l’action sociale dans ses motivations : le marxisme considérait les hommes comme des fourmis : il ne voyait pas que si l’on répartissait également les biens économiques, c’est ailleurs que se reformeraient des sphères d’inégalité ou (pour être plus précis), de distinction. La nomenklatura en URSS est le parfait exemple : celui qui veut réussir plus que les autres ne le fera pas dans la sphère de l’argent (puisque la société où il vit - l’urss, ne le permet pas) mais dans celles des honneurs. Mais, à la différence de la société libérale, son égoïsme dans la recherche des honneurs n’aura pas la même vertu sociale que l’égoïsme de l’entrepreuneur capitaliste dans nos sociétés. Dans le premier cas, il ne sert que lui-même, dans le deuxième cas, l’ambition aboutit directement à la production de plus value et permet donc la redistribution (qui n’est qu’une ponction sur une richesse créée par le capitalisme sans lequel elle ne saurait être efficace).
Le gros problème de la théorie de la reconnaissance, chez Honneth, c’est qu’elle suppose que l’individu n’est pas problématique en lui-même, que toute demande de reconnaissance est légitime. Or, rien ne permet de garantir que ce que l’individu veut faire reconnaitre soit légitime. Certes, il suffit qu’il le croit pour que le refus de reconnaissance soit une souffrance. Mais de là à en inférer que cette souffrance est celle d’une victime d’un déni de reconnaissance plutôt que la souffrance de celui qui est victime des illusions qu’il se fait sur lui-même, il y a quand même un grand écart il me semble. L’avantage de la théorie de Honneth, cependant, me semble quand même grand : la dignité des personnes est référée à un besoin vital de l’Homme, sans lequel le bonheur est impossible. Ce qui permet de fonder en droit l’interdiction du mépris, qui devient une atteinte directe à l’intégrité individuelle.