Prisons : mouroirs de la France

Cacher la misère pour ne pas y répondre

15 novembre 2006

De juin 2000 et la publication des rapports d’enquête parlementaires sur les prisons françaises à aujourd’hui, les conditions de détention des prisonniers se sont encore dégradées. C’est ce qui ressort du rapport annuel de l’Observatoire International des Prisons (OIP) rendu public le 24 mai 2006. La politique sécuritaire du gouvernement n’a fait qu’aggraver le phénomène de surpopulation carcérale et ce sont les minorités défavorisées de notre pays qui en payent le lourd tribut.

Au 1er octobre 2005, 57.500 détenus étaient recensés pour 48.000 places disponibles. Sans intimité, avec des conditions d’hygiène précaire, les prisonniers de notre pays, celui des Droits de l’Homme, s’entassent dans les mouroirs de la République.

Surpopulation et suicides

Au mépris même des textes de loi, les petites peines côtoient les gros délits. Le rapport accablant de l’OIP souligne que de 2001 à 2002, le nombre de suicides est passé de 104 à 122 et que ces actes de désespoir sont particulièrement nombreux lors de l’entrée en prison et du placement en quartier disciplinaire. Que se passe-t-il à ces moments-là ? Interrogé le 20 octobre par le “Nouvel Observateur”, Jean Bérard, membre de l’OIP, relève que les détenus manifestent une profonde appréhension de la sortie. « Quatre prisonniers sur cinq demandent à travailler, suivre des cours ou être formés en prison, pour une meilleure réinsertion. Quatre détenus sur cinq également demandent l’élargissement de la possibilité d’accès au dispositif d’urgence à la sortie de prison. Ça en dit long sur leurs attentes au point de vue de la réinsertion ». Et l’on peut voir aussi dans cette appréhension le défaut total de prise en charge des prisonniers. La prison ne joue pas son rôle. Autre élément marquant du rapport, il relève que 55% des détenus souffrent au moins d’un trouble psychiatrique. Quelles sont les réponses apporter à ces personnes ? Là encore néant total. « La plupart des détenus ne sont pas condamnés pour des faits de violence graves, mais parce qu’ils appartiennent à des minorités défavorisées, soutient Thierry Lévy, président du secteur français de l’OIP. Le gouvernement utilise la prison comme une réponse à l’aggravation de la misère sociale ». Et cette analyse s’entrechoque avec la politique du tout répressif de Nicolas Sarkozy qui stigmatise les habitants des banlieues, prône la sévérité et l’enfermement des jeunes délinquants.

La Présidentielle approche

Malheureusement, l’opinion publique se désintéresse du sort réservé aux prisonniers. Les délinquants en prison, peut-être se sent-elle protégée, mais ce n’est que pour un temps. Car quand l’institution elle-même surenchérit sur la misère et produit une forme de délinquance plus grave, portée par la colère de la maltraitance, c’est la cohésion sociale qui est largement menacée. Les politiques vont-ils enfin réagir ? L’élection présidentielle approche et les “cahiers de doléances” qui feront suite aux « états généraux de la condition pénitentiaire » seront soumis aux candidats. En attendant comme le disait le groupe de rap visionnaire NTM dans les années 90 : « Laisse pas traîner ton fils ».

S. L.


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