L’enseigne La Poste se modernise

Ce qui bouge à La Poste

5 septembre 2008

La Poste à La Réunion, c’est environ 2.000 personnes, une centaine de bureaux de poste, une trentaine de centres de distribution du courrier, un centre de tri départemental, un centre financier régional et 485.000 clients de la Banque postale. Le directeur régional, Thierry Crop, donne ici sa vision des évolutions en cours, et accueille le directeur général de l’enseigne La Poste venu valider un plan de transformations sur 5 ans.

Si la Poste n’était pas en permanence en capacité de s’adapter, elle serait morte, économiquement.
(photo Willy Techer)

La Poste est une entreprise publique dont les missions viennent de faire l’objet d’un contrat de service public signé entre la Poste et l’Etat. Et la manière dont la Poste investit ou se développe dépend des choix de l’Etat-actionnaire. C’est d’ailleurs une des difficultés qui l’amène à se poser la question de son statut. C’est une entreprise qui assume des missions de service public... dans un milieu concurrentiel, avec des clients, un marché, des concurrents.
Dans l’activité bancaire. La Banque postale a été créée au 1er janvier 2006 pour disposer des mêmes armes que ses concurrents. Elle vient d’être autorisée - pour l’avenir, parce que ce n’est pas encore le cas - à distribuer des crédits à la consommation et de l’assurance dommages.
On prétend qu’elle bénéficie d’un monopole sur le Livret A qui va disparaître au 1er janvier 2009. Ce monopole consiste en l’obligation d’ouvrir un Livret A à tous les clients, sans discrimination, sans segmentation, au contraire des concurrents bancaires.
Dans le courrier. Il reste, jusqu’en 2011, un semblant de monopole, déjà sérieusement entamé par les mails ou les fax. C’est ce qui fait que la Poste est obligée de réagir, de proposer des services à valeur ajoutée aux entreprises - qui font 85% à 90% du chiffre d’affaires courrier de la Poste - pour éviter le déclin historique d’un mode de communication de plus en plus concurrencé par les nouvelles technologies.
Même sur ce métier traditionnel du courrier, la concurrence des moyens technologiques est forte, et elle sera totale en 2011 parce que de nouveaux opérateurs vont intervenir et pourront prendre en charge l’acheminement et la distribution de tout type de courrier. Ils auront peut-être, selon les modalités qui seront définies d’ici là, des obligations liées au fait qu’il y a un service universel à assumer. C’est un des sujets sur lesquels la Poste se bagarre, pour que les charges de ce service universel soient supportées par l’ensemble des opérateurs.
Nos concurrents ne mettront jamais sur pied un réseau permettant d’assurer 6 jours sur 7 la distribution en tous points du territoire. Même sur ce marché-là, la part du chiffre d’affaires que la Poste réalise en terrain concurrentiel dépasse les 60%. L’activité du colis et de l’express se développe, mais dans le contexte d’une concurrence acharnée avec les compagnies internationales totalement intégrées, qui offrent des services en face desquels la poste a dû, depuis de nombreuses années, se restructurer.
Ce sont ces incertitudes - sur le financement du service public - qu’il nous faut lever avec l’Etat, dans les deux ans qui viennent.

Une entreprise en permanente réorganisation

La Poste a créé Chronopost au début des années 80, parce que la première elle a identifié l’émergence du marché de l’express par rapport au marché traditionnel du colis. Si la Poste a lutté pendant 20 ans pour obtenir le statut de banque, c’est pour être en capacité d’offrir tout ce dont un client a besoin en matière de service bancaire.
Sur le marché du courrier, le seul moyen de s’adapter à la dérégulation et à l’intervention de nouveaux opérateurs en 2011, c’est la qualité du service rendu, liée aux capacités de traitement. C’est ce qui a amené la Poste, il y a trois ans, à mettre en place un colossal programme d’investissement de plusieurs milliards d’euros sur 5 ans.
Cela paraît souvent paradoxal à certains de nos interlocuteurs, mais plus on est performant, mieux on assure les missions de service public. On trouve toujours quelqu’un pour se plaindre de ce qu’on appelle en jargon postal les “délais aberrants” - notamment entre La Réunion et la métropole. En même temps, le courrier qui arrive en J+1 n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui. Et personne ne se pose la question de savoir comment font les postiers pour être les premiers à retourner sur le terrain, même en période cyclonique.
Sur l’ensemble de nos activités - et en premier lieu sur le courrier, parce que c’est le point décisif dans les 2-3 ans qui viennent - nous considérons que le meilleur moyen de garder la confiance de nos utilisateurs - usagers ou clients - c’est la qualité de service. Et cela nous oblige à revoir en permanence nos organisations.
Nous mettons en place de nouveaux modes de distribution, en particulier pour faire face à l’accroissement du nombre de points de distribution. On doit passer de 800.000 à 1 million d’habitants sur les quinze ans qui viennent et nous constatons chaque année que nous avons près de 10.000 boîtes supplémentaires.
Nous avons moins de courrier à distribuer - sur le premier semestre 2008, c’est -2,7% de trafic physique - et plus de boîtes à lettre : il faut donc de nouveaux outils, de nouveaux modes de distribution. On déploie par exemple un nouveau type de casier de tri, hybride modulaire, qui permette de passer moins de temps à préparer la tournée. On va bientôt tester des quads électriques sur le centre courrier du Port/La Possession, pour augmenter la capacité d’emport et distribuer, en un seul circuit, le courrier, la publicité non adressée et les colis.

Si la Poste n’était pas en permanence en capacité de s’adapter, elle serait morte, économiquement.
Ce travail ne vise ni à supprimer de l’emploi, ni à détériorer les conditions de travail, ni à ne plus assurer les missions de service public : c’est tout l’inverse ! Il vise à garantir l’emploi pérenne, en assurant une qualité de service qui fera que demain nos clients continuent de rester à la Poste.
Dans chacune de nos activités, il y a beaucoup de redéploiements, parce que nos métiers évoluent et certaines fonctions se développent alors que d’autres ont tendance à disparaître.
En un an et demi, on a doublé la force de conseil bancaire présente dans les bureaux de poste. On a mis en place 40 emplois de gestionnaire clientèle dans la salle du public, pour prendre en charge les clients en situation financière fragile. Pour orienter les clients à leur arrivée dans le bureau de poste, on a mis en place 17 responsables clientèle.
Quel que soit le métier, on est en permanente réorganisation.

Une image contrastée

On vient de faire, sous l’impulsion de Paul Soupe, délégué régional de la lutte contre l’illettrisme, quatre forum pour faire se rencontrer les responsables de la poste et les acteurs de proximité de la lutte contre l’illettrisme. Beaucoup de guichetiers et de facteurs ont participé à titre personnel à ces forums. Il y a eu de nombreux témoignages, où les facteurs expliquaient qu’ils ne se contentaient pas de distribuer le courrier, sur leur tournée. Pourquoi a-t-on une queue importante aux guichets ? Parce que les guichetiers ont des clients qui ont des difficultés chroniques avec la lecture, l’écriture ou au calcul.
De manière paradoxale, on sait que le facteur - ou le guichetier - est quelqu’un sur qui “on peut compter”. Et à côté de cela, on a des comportements vraiment surprenants.
L’an dernier, pendant la grève des transports de fonds, un établissement n’a jamais eu un seul distributeur de billets en pénurie d’argent liquide : c’est la poste. Mais ce sont trois distributeurs de billets de la banque postale qui ont été saccagés. La bande de voyous qui vient d’être arrêtée dans le Sud, sur notre intervention, avait essayé de dévaliser un gabier de la Banque Postale à 2h du matin.
Donc, il y a ce paradoxe : à l’évidence, la Poste et les postiers ont la confiance des Réunionnais et tous les jours, on a de vraies incivilités. Les postiers voient tous les jours 180.0000 foyers, sur les 360.000 boîtes aux lettres. Il y a tous les jours 25.000 Réunionnais qui fréquentent le bureau de Poste. Et il y en a toujours pour considérer qu’ils ont tous les droits vis-à-vis de la Poste et des postiers. On est très ferme là-dessus : zéro tolérance à l’incivilité.

La Poste, acteur du développement de La Réunion

La Poste est un acteur incontournable au service du développement économique et social de l’île, et cela se traduit dans les chiffres. En réalité, la Poste - entreprise nationale - apporte à La Réunion une masse salariale sans commune mesure avec le chiffre d’affaire qu’elle en retire. Ce n’est pas scandaleux, en soi : on assure une péréquation tarifaire liée à nos activités, le chiffre d’affaires se fait aussi à Lille et ailleurs, et nous avons les charges de distribution liées au fait qu’on reçoit plus de courrier qu’on n’en émet.
Et à Paris, il faut aller défendre les dossiers pour justifier qu’à La Réunion, on va créer 15 à 20 bureaux de Poste supplémentaires dans les 3 à 5 ans, à l’inverse de ce qui se fait dans des zones rurales désertifiées. Le dialogue avec les élus n’est pas de la même nature, le dialogue avec les partenaires sociaux non plus.
Le directeur général de l’enseigne La Poste vient cette semaine. Il vient valider le plan de travail proposé et, d’ici 2011, une soixantaine d’opérations immobilières pour moderniser et rénover les bureaux de poste de La Réunion, les délocaliser quand il le faut, pour une meilleure proximité avec ceux qui s’installent dans les hauts, par exemple. Il vient valider le fait qu’il y aura bien, d’ici 2011, 15 bureaux de Poste supplémentaires.
Nous “collons” à l’évolution des grands projets de La Réunion et des infrastructures, et même, nous les précédons. Notre schéma de présence postale tient compte du passage de 800.000 à 1 million d’habitants dans les 10-15 ans qui viennent. Nous serons prêts, nous contribuons à la mission d’aménagement du territoire, et en même temps, nous accompagnons un développement économique et démographique.


Le premier “Plan de déplacement Entreprise”

La Poste est la première entreprise à La Réunion à avoir mis en œuvre un PDE (Plan de déplacement entreprise), en abordant le sujet par la question des trajets domicile/travail : c’est de la pénibilité, de la fatigue, des accidents, des congés maladie. Et c’est de l’argent que les postiers dépensent tous les jours.
Ce Plan est une vraie mesure d’amélioration du pouvoir d’achat. Les 105 postiers dont on s’occupe cette année vont le sentir dans leur porte-monnaie.
Plus de 1.800 postiers ont répondu à un questionnaire détaillé. Donc, on sait que les postiers font 67.000 kilomètres par jour, rien que pour aller au travail et qu’il y en a très exactement 105 qui font plus de 100 kilomètres/jour. Nous allons traiter ces situations individuelles en priorité d’ici la fin de l’année.
Dans le deuxième volet de notre PDE, nous traitons des modalités du transport que notre activité génère, pour en diminuer le kilométrage.
Nous cherchons à implanter nos centres courrier près des nœuds routiers et nous allons y développer un parc de véhicules propres - le premier centre sera celui du Port/Possession (vélos à assistance électrique, quad électrique). En 2009, quand ce centre courrier sera construit aux normes HQE/HPE, il sera à énergie positive, non seulement pour le bâtiment mais parce qu’il rechargera les véhicules électriques.
Le troisième volet du PDE tient au fait que les gens se déplacent pour aller aux bureaux de Poste. D’où la nécessité d’ouvrir des bureaux supplémentaires, de les implanter à proximité, pour réduire les trajets.


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Témoignages - 80e année


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