Agressivité en famille

’Chaque citoyen doit dire non à la violence’

30 septembre 2004

Quel rôle chacun peut-il jouer ? Le Carrefour “Femme et violence dans une société multiculturelle” met en commun les réflexions et les actions des différents professionnels.

Déjà en 2002, un premier Carrefour de réflexion avait permis d’aborder les causes et conséquences des violences faites aux femmes à La Réunion. De nombreux professionnels ont salué cette initiative.
La Commission départementale de lutte envers les violences faites aux femmes (CODEV), qui regroupe associations et institutions, a souhaité initier un second Carrefour pour permettre aux professionnels des secteurs social, médico-social, médical, para-médical, judiciaire et scolaire de poursuivre cette réflexion.

"La violence n’est pas inéluctable"

"Cette deuxième édition prend une importance particulière dans une année où, pour la première fois, une enquête nationale nous offre des indications tangibles sur le niveau de gravité des violences faites aux femmes à La Réunion", tient à souligner Frédérique Lebon, délégué aux droits des femmes et à l’égalité.
Les résultats de l’enquête nationale sur les violences envers les femmes (lire notre encadré), les réflexions et actions menées par les acteurs locaux, de même que les récentes directives ministérielles, favorisent une prise de conscience collective et la nécessité d’une approche régionale, grâce à la mobilisation des énergies.
"Les professionnels ont besoin de se sentir en réseau, d’être formés et informés pour comprendre les mécanismes de la violence, reconnaître ses signes et parvenir à répondre aux besoins des usagers", poursuit Frédérique Lebon, qui parle de relais indispensables entre les services de la gendarmerie, les associations, les médecins, etc.
"Même si nous sommes tous démunis face à ce fléau, ce problème de santé publique, la violence n’est pas inéluctable", affirme Josiane Breton, présidente de la CODEV et conseillère technique à la DRASS (direction régionale des affaires sanitaires et sociales) qui parle d’"un partenariat stimulant".
En proposant différentes thématiques traitant de la transmission de la violence (par l’histoire, la famille, la culture, les héritages), ce second Carrefour va tenter de comprendre les mécanismes qui conduisent à reproduire de telles méthodes pour parvenir à les stopper.
Liliane Daligand, praticien hospitalier en médecine légale et psychiatrie, professeur des universités impliquée activement dans la lutte contre la violence et le soutien aux victimes, interviendra sur “Les racines de la violence”, et aidera à faire la continuité entre les sept conférences-débats* qui constituent cette seconde rencontre.

Une marche blanche le 28 novembre

Céline Luccilly, présidente de la Fédération régionale de solidarité contre les violences (FRSCV), a recensé trois objectifs principaux à ce rassemblement : le développement d’une stratégie et de pratiques associatives communes, le renforcement d’actions d’information et de prévention en direction du public et de formation en direction des professionnels, et enfin, l’amélioration des dispositifs existants de prise en charge des victimes et des violents.
La FRSCV, qui regroupe une vingtaine d’associations réunionnaises membres et un réseau de plus 350 organismes associatifs et institutionnels, devient pour sa présidente "une charnière et une interface" qui représente la société civile. "Chaque maillon de la société a à se mobiliser".
Mettant en exergue cette démarche citoyenne, Céline Luccilly rappelle que la mobilisation se poursuivra après le carrefour, avec d’une part, la Journée internationale de lutte contre les violences envers les femmes, le 25 novembre, et une marche blanche qui partira du Jardin de l’État pour se rendre au Barachois, le 28 novembre, car "chaque citoyen doit dire non à la violence".

Estéfany

*Le Carrefour de Réflexion “Femme et violence dans une société multiculturelle” se déroulera les 7 et 8 novembre au Parc Exotica à Saint-Pierre. Trois cents participants sont déjà inscrits. Cette manifestation n’est pas ouverte au grand public. Les conférences porteront sur : “Les racines de la violence”, “Migration : quelle transmission possible”, “Culture du risque et transmission intra-familiale des comportements violents”, “Héritages familiaux et processus de transmission”, “Violence sociale et apaisement culturel”, “Les siens et les autres : violences et transmission”, “Cellule familiale et culture”.


Une véritable stratégie régionale

Pierre Cardona, directeur départemental des affaires sanitaires et sociales (DDASS), est également responsable du Pôle santé publique et Cohésion sociale de La Réunion. Un pôle dont la mise en application effective sera annoncée par le préfet, Dominique Vian, dès que le programme interministériel d’action stratégique de l’État sera connu.
Son action sera centrée autour de 15 objectifs, dont 11 d’accompagnement et 4 prioritaires. La lutte contre la violence est inscrite en troisième position des priorités recensées par le Pôle de santé publique et de Cohésion sociale et figure également au PASER.
Selon Pierre Cardona, "ce pôle régional s’appuiera sur un mécanisme révolutionnaire de financement pluriannuel", afin d’évaluer à la fin de chaque année l’avancée et la cohérence des actions mises en place.

"Frapper les esprits"

Ce second Carrefour de réflexion, “Femme et violence dans une société multiculturelle”, s’inscrit ainsi pleinement dans la dynamique que le gouvernement souhaite impulser, proposant aux acteurs associatifs, aux professionnels de santé et aux institutions de confronter leurs analyses et expériences, de mutualiser leurs compétences, pour qu’émerge une véritable stratégie régionale de lutte contre la violence.
"Nous allons passer dans une phase de plan d’action pour prendre plus de force et tenter de “frapper” les esprits", ajoute Pierre Cardona qui souligne "apporter un accompagnement de soutien", "s’inscrire dans une équipe".
Il estime que ce travail pluri-institutionnel, inter-associatif, est "capital pour s’inscrire en contre, pour parvenir à lutter contre la violence". "Quelles actions mener sur trois ans avec ceux qui y seront associés pour développer d’autres éléments culturels auprès de nos jeunes ?"
Pierre Cardona précise que le travail sera long, mais que cet objectif régional ne doit pas effacer les actions engagées, mais au contraire les mettre en lumière, pour une mise en cohérence.


15% : l’indice global des violences conjugales

L’Enquête nationale sur les violences envers les femmes à La Réunion (ENVEFF), réalisée en 2002 par la DRASS, a permis de conforter les analyses de terrain.
Ainsi, plus d’une femme réunionnaise sur cinq (soit 21,5%) a subi au moins une forme de violence dans un espace public, au cours des 12 derniers mois, contre 19% en Métropole.
La cellule familiale, les proches sont les premiers auteurs de ces violences, avec une proportion d’agressions physiques et sexuelles plus importante dans notre département et une consommation d’alcool par les agresseurs, reconnue comme un facteur aggravant.

"Un chemin énorme à parcourir"

L’indice global de violences conjugales atteint ainsi les 15% à La Réunion contre 9% en Métropole. Les violences physiques sont encore moins énoncées et dénoncées par les femmes réunionnaises que les femmes métropolitaines, notamment dans le cadre du couple et plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’agressions sexuelles.
Selon Frédérique Lebon, déléguée aux droits des femmes et à l’égalité, depuis quelques années, l’information du grand public et les évolutions réglementaires (la loi reconnaît le viol au sein du couple ; dès 2005, la loi permettra à la femme victime de violences conjugales de rester dans son logement...) tendent à modifier ce constat.
"De plus en plus de femmes osent témoigner, sortir de cette prison (...) elles engagent de plus en plus des processus de plainte au sein du travail". Malgré cela, Frédérique Lebon maintient qu’il y a "encore un chemin énorme à parcourir".


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