De la coexistence à la rencontre

25 septembre 2009

Du 19 au 21 octobre, les corps religieux de l’océan Indien se réuniront en symposium à Maurice, à l’initiative du Conseil des religions, qui poursuit l’application de son plan d’action de cohésion et de dialogue inter-religieux. L’objectif est de créer un réseau inter-religieux des îles de l’océan Indien. Cependant, les représentants des corps religieux ne s’intéresseront pas uniquement au programme spirituel et religieux. Ils réfléchiront aussi aux activités sociales, entre autres dans le domaine de la lutte contre la pauvreté ou la violence. On ne peut que les encourager.
Chez nous, à l’occasion de son 10ème anniversaire, le Groupe de dialogue inter-religieux de La Réunion lance la première journée de la Décennie de la Fraternité, ce dimanche 27 septembre à Sainte-Marie. Un rendez-vous inter-communautaire qui réunira chrétiens, hindous, musulmans, juifs, bouddhistes, etc., et se porte garant d’une fraternité inter-ethnique et inter-religieuse pour la décennie à venir. Mardi dernier, au cours d’une conférence de presse, le président Idriss Issop-Banian a rappelé « les années d’expérience et d’aventure exaltantes qui ont inscrit durablement le Groupe dans le paysage sociétal réunionnais », ses moments forts, ses engagements, les liens qu’il a tissés, et son credo qui « est, et restera toujours, l’édification d’une société réunionnaise harmonieuse et fraternelle ».
Il n’a pas caché son constat selon lequel « notre île est traversée depuis quelques mois par des tensions certaines : les effets de la crise, l’aggravation du chômage, la montée de la délinquance, les violences intra-familiales… » et que « tous ces signes peuvent, si on n’y prend garde, aboutir à l’altération de notre cohésion sociale ». Avant d’appeler nos compatriotes à un sursaut.
À notre tour de livrer le fruit de quelques réflexions, qui vont dans le même sens.
Sortir du « fénoir »
En effet, à l’heure du chacun pour soi (et du moi avant tous les autres !), cette phrase de Mgr Gilbert Aubry, « à La Réunion, nous sommes passés de la coexistence à la rencontre ; nous avons à persévérer pour nous ouvrir aux autres, surtout en période de crise sociale et économique », prend tout son sens. Le dire, c’est bien ; le faire, c’est mieux. Car, combien parmi nous se réfugient-ils derrière leur petit doigt au nom de la non-ingérence dans les affaires des autres ?
Pourtant,… avons-nous conscience que l’ignorance et le « fénoir » nous guettent ? "Invoquez votre Seigneur en toute humilité et discrétion", dit le livre saint des musulmans. Mais, actuellement, c’est bien le « fénoir » qui règne sur la terre toute entière. Cette « jahiliyya », comme disaient les musulmans du temps du Prophète Mahomet pour parler de la période anté-islamique, celle de l’ignorance et de la barbarie.
Oui, notre société contemporaine est malade. Malade d’égoïsme, de laisser dire et de laisser faire. Par faiblesse, par indifférence, par crainte d’ingérence dans les affaires de nos frères et sœurs. Pourtant, la résolution des problèmes de l’humanité passe par le dialogue, la discussion, l’écoute de l’autre.
Le problème de départ est le constat de la faillite de notre société. Alors, que faire ? Se retirer de cette société, qui adore d’autres souverains que Dieu (par exemple, le dieu argent, le dieu automobile, le dieu parti de tel ou tel qui la gouvernent), n’est pas la bonne solution, me semble-t-il. C’est pourquoi, j’ai l’intime conviction qu’il nous faut aller à son contact. La comprendre, pour imaginer les remèdes dont elle a besoin.
Les apôtres de Jésus sont allés jusqu’en Inde, jusqu’en Chine, à leur époque où les communications n’étaient pas aussi faciles que de nos jours. Le prophète de l’islam, lui, a quitté le « fénoir » de sa ville natale, l’a fuie, pour en revenir plus tard en conquérant et abattre l’obscurantisme.
Aussi peu catholique, musulmane ou juive serait une société qui se créerait une religion à sa mesure, une religion autre que celle que lui a fixée le Seigneur. Ainsi, à jouer les « évolués », les « je ne m’occupe pas des affaires des autres », on en vient à nier l’existence et les pouvoirs de Dieu.
Notre société ne règle plus son existence sur la loi divine ni sur les valeurs éternelles que Dieu a posées comme fondement, mais sur des inventions sans valeur et sans qualité. Elle est rétrograde, alors qu’elle se croit évoluée.
Fini le temps où les « Oulamas » et autres parleurs au nom de Dieu manifestaient de la complaisance aux princes. Aujourd’hui, nous ne craignons plus les pouvoirs. Pourtant, aujourd’hui, l’humanité est au bord du gouffre, à cause de sa faillite dans le domaine des valeurs, sous l’égide desquelles elle aurait pu vivre harmonieusement et évoluer.
C’est une évidence : dans notre société où ces valeurs n’ont plus cours, celle-ci donne un bien piètre exemple à l’humanité. Elle ne possède même plus ce pour quoi elle convainc sa conscience qu’elle mérite d’exister. Notre société rétrograde l’est intellectuellement. C’est l’échec, car chacun ne veut voir que midi à sa porte.
Et tous parlent d’entraide ! Rigolons…
Les religions ne peuvent jouer leur rôle que si elles s’incarnent dans une société, une collectivité de gens dont la vie de tous les jours, dans ses aspects intellectuels, sociaux, existentiels, politiques, moraux et pratiques procède d’une éthique religieuse. Or, cette collectivité ne semble plus exister depuis qu’on n’en appelle plus à Dieu et à Sa loi.
Oui, l’ignorance, le « fénoir » nous guettent ! Ressaisissons-nous ! Et puisque, comme le constate à juste titre Mgr Aubry, « nous sommes passés de la coexistence à la rencontre », ouvrons-nous aux autres, rencontrons-nous, dialoguons, échangeons. Bref, plus question de craindre l’ingérence : les autres, c’est nous aussi. Le philosophe ne disait-il pas (peut-être dans un autre sens) : "Je est un autre" ?…

Marc Kichenapanaïdou


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