Trois points de suspension d’Emmanuel Lemagnen

De la perversité des objectifs ...

18 octobre 2007

Quelque temps de cela, j’écoutais une conférence donnée par un spécialiste français sur les bienfaits des “objectifs” comme vecteur permanent de développement économique.
Nous étions dans l’amphithéâtre de la Chambre de Commerce et d’Industrie, avec un parterre d’étudiants, à nous laisser doucement immerger dans ce dogme qui transforme une vie professionnelle en une longue course de fond sans banderole d’arrivée.
Cet instruit plein d’assurance nous expliquait qu’un objectif atteint démontrait un manque d’ambition professionnelle et une langueur entrepeunariale, alors qu’un objectif non atteint nécessitait une remobilisation du personnel et un recadrage de la compétitivité de l’entreprise.
Bon et après ???
Le problème du “principe d’objectif” est qu’il doit se renouveler en permanence. L’objectif étant à la fois le combustible et la drogue quotidiennement distillée, il faut immédiatement s’en fixer un deuxième quand le premier est réalisé.
Touchant au but, avec force indicateurs de performance a l’appui, l’équipe ne peut s’arrêter, parce que ce n’est pas dans notre culture, parce qu’il faut se remotiver autour de nouvelles perspectives, viser de nouvelles part de marché et totocher la concurrence.
Alors, et après ???
Faire une pause, profiter même temporairement du palier entre deux escaliers, c’est risquer la dépressurisation et les tranquillisants qui vont avec.
De la même manière, la très brillante conférence publique de Jacques Attali la semaine dernière, qui traitait « d’une brève histoire de l’avenir », n’abordait les perspectives mondiales qu’à travers la lorgnette purement occidentale d’impératifs de croissance et d’obligation de progrès.
Ainsi, nos sociétés les plus pauvres ont des objectifs bien légitimes ; se nourrir, se loger, s’éduquer, et les systèmes les plus rassasiés n’arrivent pas à s’émanciper de la course au progrès matériel, objectif qui les écarte chaque jour un peu plus de la conscience d’une possible joie.
Dans certaines philosophies orientales, on imagine même que les maux de nos sociétés contemporaines viendraient de ce choix de destinée ; la culture de l’objectif.
Ce soir, à l’Hôtel de Région, j’aurai le privilège de remettre son diplôme (avec mention) à une jeune et jolie étudiante de l’Ecole de Gestion et de Commerce, ma fille Clémence.
A ma chère chérie, à ses collègues récipiendaires, à ces “marmailles sauvés” dont on a plus à s’inquiéter, à tous ceux qui devront inventer d’autres paramètres dans leur vie professionnelle toute neuve, je proposerai un objectif nouveau :
Recherchez le bonheur, l’épanouissement de votre entreprise et tachez d’être heureux.
Allez, une fois par an, entouré de ceux qui vont bientôt nous remplacer, on peut rêver...


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