Trois points de suspension d’Emmanuel Lemagnen

Du courage et des moyens d’en avoir...

19 juin 2008

Il y a des décisions qui passent par un nécessaire temps d’impopularité. Les grands changements, ceux qui bouleversent un peu les acquis ou les habitudes, ont toujours des opposants a priori et des satisfaits a posteriori. Bien souvent, d’ailleurs, ce sont les mêmes...
Cette période d’impopularité correspond à l’incompréhension du projet, à la crainte ou aux nuisances temporaires de sa mise en œuvre. Ce temps peut durer quelques années, qu’il s’agisse d’un grand chantier culturel, social ou d’aménagement.
Persuadé du bien fondé d’une décision, de son intérêt collectif et de sa nécessaire application, l’élu responsable a le devoir de l’amener à son terme.
Pour y parvenir, pour franchir le fleuve des récriminations et atteindre la berge de la reconnaissance, il faut une bonne dose de courage et d’indifférence.
Il faut se consacrer à son mandat, consacrer son mandat à ses projets, et tout en étant ouvert au dialogue, savoir persévérer jusqu’à leur aboutissement.
En 1981, Michel Crépeau, alors Maire de la Rochelle me racontait les péripéties de la "piétonisation" des rues du vieux port.

Dès la première année de son élection, il lance le projet ; les commerçants s’inquiètent. La deuxième année consacrée aux études radicalise les positions. La troisième et quatrième année de chantier, les commerçants grondent et manifestent ; le bruit et la poussière empêchant toute clientèle. La cinquième année, il coupe le ruban devant un parterre de commerçants encore circonspects, et la sixième année, Michel Crépeau est réélu maire grâce notamment aux commerçants des rues piétonnes très satisfaits.
Il lui aura fallu un majora de six ans. À La Réunion, l’architecture administrative et politique rendrait la tâche moins facile. Le trop petit nombre de maires confrontés au rythme des rendez-vous électoraux fait que ces élus sont toujours en campagne et toujours redevables de leur popularité. Puisqu’il n’y a pas assez de communes, les maires sont candidats à tous les postes, du Département à la Région, du Palais Bourbon au Palais du Luxembourg.

La rentabilité électorale des projets n’ayant pas une durée de six ans, mais de quelques mois, les grandes décisions deviennent vite de trop grandes prises de risque. Alors on ne bouge plus, ou si peu...
Les élus de 2008 feront campagne pour les élections européennes de 2009, les Régionales de 2010, les Cantonales de 2011, la Présidentielle de 2012, puis les Législatives, les Sénatoriales et les Municipales qui s’enchaîneront.
Plusieurs solutions pourraient aider nos représentants à avoir des postures plus courageuses.
Le mandat unique, qui n’embarrasse pas l’élu d’autres ambitions que celle de réaliser ses objectifs, le découpage communal qui, en multipliant le nombre des conseillers, diminue d’autant les velléités électorales et la moralisation du système indemnitaire, pour que les élus ne s’accrochent pas à leur mandat « comme carapate sur tété bœuf ».
A moins qu’une génération de jeunes Réunionnais pétrie du sens du devoir se lève...

Cette germination est peut-être notre responsabilité.


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