Trois points de suspension d’Emmanuel Lemagnen

Du voyage intérieur...

16 mars 2007

La voilà !
La boucle est bouclée. Elle a fait toute seule le tour du monde, en se trompant de sens dès le départ.
Elle a certainement vécu les pires moments comme les plus exaltants, passant de l’infinie détresse à l’égrégore la plus absolue.
Elle a dû parfois pleurer seule au fond de son bateau, doutant de tout, d’elle-même, se traitant de tous les noms d’avoir eu l’orgueil de cette aventure.
Profitant d’une parenthèse de calme, elle a dû parfois aussi regarder les étoiles, ayant conscience a proportion de sa petitesse de faire un tout avec l’immensité du monde, d’être un instant ridiculement insignifiante, la seconde d’après aussi importante que le soleil.
Elle a dû maudire les vents et les marées, et peut-être en appeler au copain du dessus, qui s’y connaît un peu en pêcheurs, en bateaux et en intempéries.
Elle a été complètement désespérée, anéantie, quand ce putain de mât s’est brisé. Elle s’est dit c’est bon, j’arrête, j’ai perdu puis, tapant du pied au fond de la piscine, elle est remontée, a rebondi plus fort encore, pliant les évènements à sa volonté en se disant « c’est moi qui décide ».
Elle a fait 40.000 kilomètres en 150 jours mer, de larmes, de vie et de sueur.
Pour moi, qui n’aime pas la mer, qui ne sait pas nager et qui en bateau compte la distance en dépôts de gerbes, l’exploit est gigantesque.

Mais plus que cela, Maud n’est pas partie d’un point pour arriver à un autre. Symboliquement, elle est revenue à son point de départ, et si elle a fait le tour du monde, elle a surtout fait le tour d’elle-même.
En négociant sa vie, en plaçant son propre curseur, du découragement à l’allégresse, du doute à la certitude, elle a accompli le plus difficile des périples ; le voyage intérieur.
Et de cela, elle aura du mal à nous parler, l’expérience d’une telle intimité ne pouvant se partager.
Aujourd’hui, elle va passer de la solitude face à son miroir aux feux des caméras, de la solitude du marin à la foule des podiums.
Comme la jeune maman connaît le “post partem blues” après avoir porté son petit pendant 9 mois, Maud versera une dernière larme, la dette à la mer du solitaire touchant enfin au port.
Alors là, vraiment, elle sera arrivée.
Maud, simplement, bravo, trois fois bravo, et comme dirait Churchill, « je l’ai fait parce que je croyais que c’était impossible » .


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