La délinquance des mineurs à La Réunion

Éduquer pour insérer

25 octobre 2004

Face à l’augmentation des actes délinquants chez les mineurs, les piliers de l’éducation que sont la famille et l’école doivent mutualiser leurs énergies pour freiner ce glissement de notre jeunesse. Au-delà, ce sont tous les maillons de la société qui doivent se resserrer pour créer une chaîne d’actions.

En France, comme à La Réunion, la délinquance des mineurs progresse, et ce malgré une légère inflexion constatée localement au premier trimestre 2004. Police nationale et gendarmerie témoignent d’un rajeunissement des auteurs d’infractions (+ 2 points chez les 10/12 ans ; + 4 points chez les 13/15 ans), avec cependant un léger recul chez les adolescents de 16-17 ans.
Une entrée dans la délinquance plus précoce, mais aussi une aggravation des délits : vols avec violence, viols, coups et blessures volontaires, mais aussi destructions de biens publics ou privés ont considérablement progressé chez les mineurs. Les incivilités, assimilées à de la petite délinquance, bien que plus récentes à La Réunion, sont en constante augmentation. Injures, abris de bus et cabines téléphoniques détériorés : ces délits, souvent impunis, révèlent un non-respect des règles de vie en société et sont mal vécus au quotidien par les citoyens. "La délinquance des mineurs a toujours existé, mais la situation actuelle est cependant préoccupante par le caractère massif qu’elle revêt aujourd’hui", souligne l’Observatoire de la délinquance de La Réunion dans son bulletin trimestriel consacré à la délinquance des mineurs. Une évolution qui interpelle et interroge sur l’éducation que notre société veut donner à ses enfants et à ses adolescents.

Le rôle de l’éducation

La famille et l’école sont deux institutions particulièrement impliquées dans l’éducation des jeunes. Elles favorisent la transmission des valeurs indispensables à la civilité, participent au développement de la personnalité des enfants. Lutter contre la délinquance doit passer par le renforcement et le soutien de ces deux institutions. Il faut éduquer pour responsabiliser les jeunes délinquants et même pour les multirécidivistes, des mesures d’éloignement permettent de favoriser l’efficience de cette éducation.
École et famille doivent travailler de façon complémentaire. Cela nécessite des moyens techniques et humains, mais aussi une volonté affirmée et partagée de favoriser l’insertion et le bien-être de la jeunesse dans sa société. Permettre aux parents de participer à la vie éducative de leurs enfants, en leur ouvrant les portes des établissements scolaires, peut être une première solution pour favoriser un rapprochement et une confrontation des expériences. Si la famille doit reprendre sa place de premier éducateur, l’école doit offrir les outils humains de soutien scolaire, mais aussi d’écoute professionnalisée pour les jeunes en difficulté.
En 2002, l’Académie de La Réunion reprend l’"École des parents", désormais portée par le collège avec le concours financier de l’Agence départementale d’Insertion (ADI) et de l’Association de la maison des familles de La Réunion (AMAFAR) pour la partie animation. Cette action vise principalement à assurer conjointement (collège/familles) le suivi des élèves en situation de dérapage et s’apparente à un lieu de parole et d’accompagnement à la parentalité.
D’autre part, un Observatoire de la parentalité est en cours de création sous l’impulsion du sous-préfet de Saint-Paul. Justice, institutions, collectivités, éducateurs spécialisés... : le pari de l’intelligence est là encore à relever. Évaluer les mesures, confronter les expériences, dégager des objectifs sont des préliminaires qui ne doivent pas occulter l’urgence de l’action.

Estéfany


Il est toujours temps

Lorsqu’un jeune insulte un adulte, un professeur, un parent, on accuse sa mauvaise éducation. Lorsqu’il devient violent, on le qualifie de délinquant et on prône la punition. Lorsqu’il adopte des comportements auto-destructeurs, consommant dès le plus jeune âge, alcool, drogue et cachets, on le regarde comme un voyou, un marmaille perdu et on se dit qu’"il n’y a plus de jeunesse". Lorsqu’il est en bande, on tourne vite les talons. Mais lorsqu’il met fin à ses jours, comme cela arrive trop souvent sur notre territoire, on s’accuse de ne pas avoir su voir à temps, de ne pas avoir compris, de ne pas l’avoir écouté. La jeunesse à travers ses méfaits tente d’interpeller. La jeunesse d’aujourd’hui n’est pas si différente que celle d’hier. Elle a des rêves, des envies, des attentes, de l’insouciance et de la folie, elle est intelligente et ambitieuse, à condition qu’on lui accorde un peu de confiance. Beaucoup d’efforts seront nécessaires pour l’aider à se réaliser, mais il en va de l’avenir de tout un pays.


Une délinquance d’exclusion

Un rapport de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs (créée par résolution du Sénat, le 12 février 2002) fait état du développement d’une délinquance d’exclusion, "une délinquance de masse, territorialisée, essentiellement liée à des parcours de désinsertion durable dans lesquels des groupes familiaux tout entiers vivent dans l’illégalité, dans des cultures de survie, dans des modalités de précarité extrêmement importantes les conduisant insensiblement vers la déviance ou la délinquance". Bien que les recherches récentes tendent à minimiser l’influence des facteurs socio-économiques sur le phénomène de délinquance, il est avéré que l’accumulation de facteurs d’exclusion conduit à vérifier ce lien.


"Violences subies - violences agies"

Jean-Marie Petitclerc, éducateur spécialisé entendu par la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs, rappelle qu’"on présente souvent les jeunes comme étant les acteurs, les facteurs, les auteurs de cette violence. N’oublions pas qu’ils sont les premières victimes et que 80% des actes de violence commis par les mineurs le sont à l’encontre d’autres mineurs". Il faut également noter qu’un jeune lui-même victime de violences, se montrera plus violent qu’un jeune n’ayant pas subi ces atteintes. Ce rapport "violences subies-violences agies" est d’autant plus fort que les sujets sont jeunes.


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