L’Union des Femmes Réunionnaises et la prochaine Coupe du monde de football

Empêcher la traite et l’esclavage dans une démocratie européenne

24 mai 2006

L’Union des Femmes Réunionnaises (UFR) appelle à la mobilisation pour que la Coupe du monde de football ne soit pas également le prétexte à un marché d’esclaves des temps modernes, avec des dizaines de milliers de femmes se prostituant en plein cœur d’une des capitales de l’Union européenne.

Dans moins d’un mois commence en Allemagne la phase finale de la 18ème Coupe du monde de football. Pour Huguette Bello, présidente de cette association féminine, "la Coupe du monde est une splendide manifestation sportive, elle valorise des jeunes issus de quartiers populaires comme Pelé ou Zinedine Zidane, c’est un rêve vivant pour beaucoup de personnes". Des millions de spectateurs sont attendus dans 12 villes pour participer à un tournoi qui verra s’affronter 32 équipes venues des 5 continents.
Mais l’UFR a tenu à rappeler un autre chiffre, donné par le Conseil européen : il faut s’attendre à l’arrivée de 30.000 à 60.000 prostituées pour cette Coupe du monde avec des réseaux de proxénètes bien organisés. En Allemagne, ce risque est une réalité, car dans ce pays, prostitution et proxénétisme sont légalisés.
Pour illustrer son propos, la présidente de l’UFR déplore qu’à Berlin, à proximité du stade où se déroulera la finale, la plus grande “maison close” d’Europe se construit sur 4 étages et 3.000 mètres carrés. Et d’appeler à lutter contre l’organisation de la prostitution pendant la Coupe du monde, afin d’empêcher qu’un marché aux esclaves se tienne ouvertement dans une démocratie occidentale.

Contradictions

La présidente de l’UFR s’étonne de l’absence de réaction officielle des 32 pays participants. "Cela entre en contradiction avec les engagements pris par ces pays dans les traités, conventions et protocoles internationaux", ajoute Huguette Bello qui cite l’article 6 de la “Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes” : "Les États parties prennent toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour réprimer, sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes".
Cette traite des femmes est aussi en contradiction "avec les principes éthiques qui doivent animer le sport", explique la présidente de l’UFR, qui insiste sur le fait que "les hommes d’honneur n’achètent pas du sexe, car ils respectent la dignité et l’intégrité de l’être humain".
L’UFR demande aux 32 pays participants à la Coupe du monde d’être en accord avec leurs actes. S’ils s’opposent sur le papier à la prostitution, "qu’ils prennent publiquement position contre ; que les représentants des équipes s’expriment dans ce sens, ainsi que ceux de la Fédération internationale de football".
Partout dans le monde, des initiatives prennent corps. Huguette Bello a posé une question écrite au Premier ministre (voir “Témoignages” d’hier). Sur Internet, l’UFR a signé la pétition de la Marche mondiale des femmes. Mais l’organisation réunionnaise déplore la faible mobilisation des responsables politiques. Par exemple, au Parlement européen, seuls 12 députés ont signé un document contre la prostitution pendant la Coupe du monde.

Contre la violation d’un droit humain

"En sa qualité de femme, la chancelière de la République fédérale, Angela Merkel, doit tout faire pour décourager la prostitution". En légalisant prostitution et proxénétisme voici moins de 4 ans, ce pays permet dorénavant à un homme de vendre sa femme.
L’UFR souligne que "la prostitution continue de considérer le corps des femmes comme un bien dont l’homme peut disposer à sa guise". Profondément ancré dans de nombreuses sociétés, cet esclavage est amplifié par la mondialisation que nous connaissons actuellement. "La remise en cause des inégalités impose un questionnement sur la prostitution", explique Huguette Bello qui réaffirme la position de l’UFR : aucune égalité, aucune démocratie ne sera possible sans l’abolition de la prostitution, car c’est une violation des droits humains.

Manuel Marchal


Libérer l’océan Indien de la prostitution

En dévoilant l’autre visage de la Coupe du monde de football, l’Union des femmes réunionnaises a également rappelé que prostitution et traite continuent de faire des ravages dans la région, en particulier à Madagascar. Femmes et enfants sont la cible d’un tourisme sexuel auquel participent des hommes en provenance de La Réunion. "Pourquoi ne pas poser ce problème dans le cadre de la coopération régionale ?", interroge Huguette Bello qui souhaite que la Commission de l’océan Indien prenne des initiatives afin de libérer la région de cette forme d’esclavage.


Signé, mais pas respecté

Article 6 de la “Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes” : "Les États parties prennent toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour réprimer, sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes".


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