Évidemment, la date de la conférence n’était pas neutre. Vendredi soir dernier, l’Association des Maisons de la Famille de La Réunion-Ecole des Parents de La Réunion (AMAFAR-EPE), a organisé une conférence intitulée “Etre père aujourd’hui” à la salle Don Bosco à Saint-Denis. Cette rencontre a été réalisée par Claire et Denis Dhiersat, conseillers conjugaux du CLER (Centre de Liaison des Equipes Recherche). Le dernier cité est médecin et sa femme s’est occupée d’élever les quatre enfants qu’ils ont eus.
Une des problématiques abordées par les deux conférenciers lors de cette soirée a résidé dans le fait que, du fait des progrès scientifiques et sociaux, on a de moins en moins besoin du père. En effet, on peut s’en passer pour la conception du bébé. On peut également avoir recours à des éducateurs ou à des assistantes maternelles. Après avoir posé ce constat, Claire et Denis Dhiersat sont naturellement revenus sur les atouts que le père possède dans l’éducation de ses enfants. Pour synthétiser, il représente une barrière protectrice à la fois pour son enfant et pour sa femme, qui auraient plus de difficultés, sinon, à sortir de leur relation fusionnelle. Ainsi interdit-il l’inceste. Par ce bais, il est aussi celui qui apporte la loi. En effet, il pose des interdits. Ceux-ci structurent l’enfant. En renonçant à son amour exclusif pour sa mère, l’enfant se trouve en situation de manque. C’est ce manque qui crée le désir, qui, à son tour, facilite l’apparition de la parole. En outre, le père socialise l’enfant et lui fait découvrir son altérité.

Les réactions de l’auditoire ? Un reflet des angoisses mais aussi des joies de la paternité

Le public, une quarantaine de personnes, plutôt jeunes, a réagi à cet exposé en posant de nombreuses questions. Une mère a invité les conférenciers à sortir de la “normalité” d’autrefois qu’était le modèle de l’union d’un homme et d’une femme pour la vie entière. Elle a également appelé les hommes à séparer parentalité et “génitalité”. Elle a explicité ses propos en invitant le “sexe fort” à ne pas être père qu’avec leur progéniture, mais à porter leur parole éducative au-delà. Elle s’est félicitée du nombre de pères dans la salle. Ces derniers ont alors pris la parole. Pour l’un d’entre eux, l’angoisse de se retrouver papa à la maison, tout en étant au chômage, ne “collait” pas avec l’image qu’il souhaitait donner à ses proches. Un autre est intervenu sur les propos de conclusion des conférenciers selon lesquels : « Il n’y a pas de paternité sans espérance ». Se déclarant athée, il a voulu avoir des précisions. Denis Dhiersat a alors répondu que ce qui est important, ce sont les valeurs et le projet de vie que l’on a pour l’enfant peu importe ce en quoi l’on croit au niveau religieux. Après quoi, il a à nouveau répété que tout être qui n’avait pas d’espérance, ne devait pas penser à donner la vie à un enfant. Un autre membre du public est revenu sur le fait que les pères devaient de plus en plus s’attendre à ne pas faire leur vie entière avec la mère de ses enfants. Claire Dhiersat a alors répondu que, dans un tel cas, l’important était de montrer à sa descendance à quel point elle compte et elle est aimée. On retiendra aussi l’intervention de ce professeur qui a déploré que l’Éducation nationale se substitue de plus en plus aux parents. Enfin, comment ne pas citer la joie de ce père au chômage à s’occuper de sa fille, mais aussi ses difficultés à se sacrifier parfois, une fois de plus, pour son enfant. Pour résumer un peu l’ambiance dans le public, on se rappellera la phrase de Christine Latour, romancière canadienne : « C’est long à élever, un père ».

Matthieu Damian

L’AMAFAR-EPE et le CLER

L’AMAFAR-EPE a été créée en 1994, compte cent cinquante adhérents et a son siège aux Camélias à Saint-Denis. Les objectifs de l’association sont, selon la brochure que les responsables de cette structure ont réalisée : accompagner les parents dans leurs tâches éducatives ; « valoriser le rôle et la place du père ; responsabiliser les parents et les jeunes ; susciter le dialogue au sein du couple et de la famille ; promouvoir la solidarité entre différentes générations parents-enfants, frères-soeurs... ; dynamiser les relations entre les parents et l’école, entre l’école et le quartier ».
Quant au CLER, il a été fondé en 1961, « initialement pour accompagner les couples dans la planification naturelle des naissances », actuellement pour « aider plus largement toute personne, jeune ou adulte, en couple ou non, croyante ou non, à mieux vivre sa sexualité en vue d’un meilleur épanouissement humain et spirituel » comme l’indique leur site Internet. On pourra également constater que le CLER « fait sienne la vision évangélique de l’église catholique concernant l’amour humain, la sexualité, le mariage, la parenté responsable, le respect de la vie ».

M. D.