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La saga des « biens mal acquis » par des dictateurs du Sud bien protégés
31 juillet 2008
La corruption et le détournement de fonds publics ne sont pas un mal africain, ni même un fléau spécifique aux pays en voie de développement. Mais ils sont un facteur aggravant du sous-développement. C’est pourquoi, les suites qui seront données à la deuxième plainte déposée début juillet contre les faits de détournements de fonds publics, visant cinq chefs d’Etat africains (voir les articles des 29 et 30 juillet), donneront une idée de la volonté politique française d’assainissement, autant dans ses relations avec l’Afrique que dans le rôle que la France entend jouer en Europe, dont elle a la présidence pour les six prochains mois.
Les enquêtes de l’ex-juge Eva Joly, au cœur de quelques affaires bien françaises, ont montré en leur temps la corruption comme un “fait politique” au cœur du système.
Les mesures prises en Europe même, entre les pays du Pacte de Stabilité pour le Sud-Est européen, en accord avec l’OCDE, prouvent assez que la corruption est partout et qu’elle produit partout les mêmes ravages. Ainsi, lors d’une réunion internationale, à Londres en 2003, sur le Pacte de Stabilité, le constat a été que l’Union Européenne avait apporté une aide très importante, comparable au plan Marshall après la guerre en Europe, mais que cette aide n’avait pas produit les résultats escomptés, à cause de la corruption.
La mise à sac du continent africain par des dirigeants corrompus relève du même système au départ, bénéficiant de la complicité des pays riches - de la France pour ce qui nous concerne -, mais aggravé d’un “indice colonial”. L’Afrique est riche de pétrole, de diamants et de minerais divers, de bois précieux et de nombreuses autres matières premières, pour s’en tenir aux ressources les plus visibles. Seule une corruption tenace et très étendue, installée au cœur de cette richesse, peut expliquer l’immense pauvreté qui afflige la grande masse des Africains. Ce continent est complètement marginalisé dans les échanges mondiaux : avec près de 700 millions d’habitants, l’Afrique subsaharienne exporte moins que la Belgique (10 millions d’habitants).
Ce qu’il y a de très spécifique avec le pétrole, selon le journaliste Xavier Harel, (1), est qu’il n’a pas seulement été soustrait à des peuples qui auraient pu en tirer un certain niveau de développement : le système de détournement dont la rente pétrolière est le cœur de cible appauvrit les pays producteurs.
La même histoire se répète au Congo-Brazzaville et en Guinée équatoriale, pays doté d’une richesse pétrolière qui en fait une sorte de Koweit du golfe de Guinée, mais qui, pas plus que le Congo, ne tire de bienfait de cette richesse en termes de politique d’équipements publics.
« Le quatrième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne (250.000 barils/jour officiellement...) compte parmi les pays les plus pauvres et les plus endettés de la planète », relève Xavier Harel. « Deux Congolais sur trois vivent en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins d’un dollar par jour ». Un rapport de la commission des droits de l’Homme des Nations Unies (2000) sur la Guinée équatoriale établit que « 80% du revenu national est entre les mains de 5% de la population ».
Une spoliation parfaitement opaque
« Le pétrole et Elf ont été et sont restés, jusqu’en 1993, les ambassadeurs de la France en Afrique », a dit Loïk le Floch-Prigent, ancien PDG d’Elf, dans une “confession” (2) d’une dizaine de pages qui raconte, entre autres choses, comment ce bras armé de l’Etat gaulliste, doublé d’une officine de renseignements sur les pays pétroliers, a fait et défait les gouvernements africains. « Ainsi, au Gabon, où Elf nomme Bongo ; mais c’est vrai du Congo, devenu quelque temps marxiste, toujours sous le contrôle d’Elf ; c’est vrai aussi pour le Cameroun, où le président Biya ne prend le pouvoir qu’avec le soutien d’Elf pour contenir la communauté anglophone de ce pays. Houphouët-Boigny cède le leadership de l’Afrique francophone à Bongo à cause du pétrole et de la présence d’Elf (raffinerie d’Abidjan). Elf s’introduit en Angola, au Nigeria et plus récemment au Tchad à la demande du gouvernement français, qui veut étendre sa zone d’influence et la sécuriser grâce à des liens économiques solides », dit aussi l’ancien PDG d’Elf.
On pourrait croire jusque-là qu’il ne s’agit que de “raison d’Etat” invoquée pour la consolidation de liens mutuellement avantageux. Ce n’est pas ce que constatent les Africains, premières victimes de réseaux prédateurs dont ne profitent, en fin de compte, que très peu d’initiés.
« Bien que les anciens fonctionnaires à la Direction d’Elf aient été emprisonnés en France pour “abus de biens sociaux”, leur héritage d’opacité et de comptabilité épouvantable continue », relevait en 2004 un rapport de Global Witness, “Le temps de la transparence”. (3)
Xavier Harel fait un rappel détaillé du « système de corruption tentaculaire élaboré par le groupe pétrolier sur le continent africain », pour observer aussitôt après que les protagonistes jugés et condamnés (4) l’ont été « pour avoir tapé dans la caisse » - ô combien -, mais que le système, lui, « mis en place par Elf pour le plus grand bénéfice des dirigeants africains, de la classe politique française et de la compagnie pétrolière », n’a jamais été jugé. C’est un système à trois étages qui permet, à chaque niveau, des sorties d’argent par paquets de dizaines de millions de dollars : d’abord vers les officiels des pays qui permettaient la mise en place des opérations, puis vers les comptes off-shore des chefs d’Etat eux-mêmes et, à un troisième niveau - celui des prêts à taux exorbitant (40%) pour “préfinancement d’extractions futures” - vers les protagonistes de montages financiers complexes dont une partie restait invisible. C’est toujours l’Etat africain producteur qui acquitte les taux d’intérêt astronomiques de ces prêts, en versant à une banque suisse qui est l’unique interlocuteur visible, mais qui a dans son sillage une série de sociétés écrans qui se rémunèrent à chaque étape de la transaction. Au final, résume Xavier Harel, « le résultat est identique : des intermédiaires qui s’enrichissent sur le dos de l’Etat et des Congolais ».
C’est aussi une histoire jalonnée de massacres, de coups tordus et de scandales politico-judiciaires, du type de celle des disparus du Beach : où l’on apprend l’intervention directe et “musclée” du pouvoir chiraquien (c’était en avril 2004) dans les poursuites judiciaires engagées contre le chef de la police congolaise. Inculpé et écroué pour « crime contre l’humanité » par un juge de Meaux - où cet officiel congolais a une résidence -, le chef de la police, accusé par les plaintes de plusieurs centaines de parents de victimes congolaises, a été libéré en pleine nuit sur l’intervention d’un procureur de la République étrangement conseillé par le ministère des Affaires étrangères.
Un financement occulte des guerres civiles et leurs trafics d’armes
A noter encore que la France et Elf n’ont rien à apprendre - en termes de corruption et de pratiques occultes - aux “amis” des Etats-Unis et des grandes compagnies pétrolières américaines placées elles aussi dans le golfe de Guinée et engagées dans les mêmes trafics de commissions occultes pour le compte de leurs propres banques, par les mêmes voies opaques.
Et comment les uns et les autres pourraient-ils négliger l’Angola, deuxième producteur de pétrole de l’Afrique subsaharienne (avec plus d’1,4 million de barils/jour en 2006) ? L’évaporation de la rente pétrolière dans ce pays atteint des proportions inouïes : de plusieurs centaines de millions à près de 2 milliards de dollars entre 1997 et 2002 !
La guerre civile, qui a longtemps opposé dans cette ancienne colonie portugaise la fraction anti-apartheid dominée par le MPLA de José Dos Santos à l’Unita de Jonas Savimbi, s’est prolongée jusqu’à l’assassinat de ce dernier, en 2002 - longtemps après la fin de la Guerre froide et de l’Apartheid - parce qu’un camp finançait sa guerre par le pétrole et l’autre par les diamants.
Selon Global Witness, les compagnies pétrolières portent une lourde responsabilité dans cette guerre civile qui compte parmi les plus longues et les plus meurtrières du continent africain, en servant à financer des achats d’armes - dont les péripéties actuelles du “trafiquant” Arcadi Gaydamak ne sont qu’un remous de surface.
Pour clore provisoirement cette série démarrée avec la relance de la plainte contre les « biens mal acquis » de cinq chefs d’Etat africains corrompus, il faut rappeler que l’Afrique est immensément riche et que la seule façon d’appuyer réellement les efforts de développement des Africains est de leur permettre d’user de toutes ces richesses naturelles de manière à satisfaire les besoins des populations.
Il faut « clore le bal des hypocrites », en combattant la corruption, les détournements, en exigeant la transparence des opérations menées par les grandes compagnies pétrolières (et cela vaut aussi pour les compagnies minières, etc...). C’est la responsabilité des institutions internationales et des gouvernants des pays développés qui, jusqu’ici, ont fermé les yeux sur les spoliations en tout genre, de se demander s’ils continuent à fermer les yeux ou s’ils prennent l’initiative d’un sursaut.
Les citoyens de nos pays, les organisations syndicales ou de défense des droits humains peuvent aussi, en exerçant leur vigilance, aider à ce réveil.
P. David
De la corruption comme “système politique”
Eva Joly à RFI (juin 2003) : « Qu’est-ce que ça veut dire, pour notre société, qu’un groupe d’hommes puisse arriver à détourner de son objet social la moitié des bénéfices annuels d’Elf pendant trois ans ? Cette question-là, on ne l’a pas posée ».
(1) Afrique, pillage à huis clos ou Comment une poignée d’initiés siphonne le pétrole africain, p. 37. Ce livre explique comment la manne pétrolière, en Afrique équatoriale (Gabon, Guinée équatoriale, Nigeria, Angola) est au cœur d’une corruption débridée alimentant pauvreté, guerres civiles et divers trafics qui ne servent qu’à maintenir au pouvoir des élites “kleptocrates” soutenues par les principales puissances occidentales.
(2) “L’Express”, 12 décembre 1996. L’enquête de la juge Eva Joly sur l’affaire Elf a mis en évidence le détournement de plus de 300 millions d’euros - la moitié des bénéfices annuels d’Elf - entre 1989 et 1993, « supérieurs à l’ensemble des dossiers de Mani Pulite », a dit la juge dans une interview (RFI, juin 2003), dans laquelle elle pointe aussi, à travers cette affaire, un « système de gouvernement, un système de prise de marché ».
Voir son livre “Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ?” (Gallimard, 2003, puis 2004).
(3) “Le temps de la Transparence”, rapport du 25 mars 2004. Global Witness est une ONG anglo-saxonne (Londres, Washington DC) qui dénonce les pratiques de corruption dans l’exploitation des ressources naturelles et dans le commerce international. Elle est à l’origine de la campagne citoyenne “Publiez ce que vous payez”.
(4) Les protagonistes directs ont été d’une part les dirigeant d’Elf eux-mêmes - Loïk Le Floch-Prigent, Alfred Sirven (nommé par le premier « Directeur aux affaires générales » d’Elf à partir de 89) et André Tarallo, le « monsieur Afrique » d’Elf. Avec eux, une demi douzaine d’intermédiaires et des politiques (dont Charles Pasqua et Roland Dumas). Parmi les intermédiaires, Pierre Lethier, « l’espion de l’affaire Elf », ex-colonel des Services secrets français, condamné à 15 mois de prison ferme et 1,5 million d’euros d’amende, personnalise dans cette affaire l’implication des Services secrets dans la ponction de la manne pétrolière.
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