Audience de rentrée du Tribunal de Grande Instance de Saint-Denis

Insuffisance de greffiers et de fonctionnaires

6 février 2007

L’audience solennelle du TGI de Saint-Denis, hier, en fin de matinée, a été l’occasion d’un bilan sur le fonctionnement de la juridiction. Si, par le nombre de décisions rendues, le niveau des stocks, les délais de jugement, le TGI a sensiblement amélioré son fonctionnement ces 3 dernières années, le manque de greffiers et de fonctionnaires reste son handicap majeur. Le droit pour tous à une justice accessible, efficace et impartiale est-il dès lors applicable ?

C’est en présence des représentants de l’Etat, des collectivités, des autorités civiles, militaires et religieuses, des présidents des juridictions administrative, financière et prud’homale et des membres de l’institution judiciaire que le Procureur de la République de Saint-Denis, François Muguet, et le Président du Tribunal de Grande Instance, Pierre Lavigne, ont dressé le bilan d’activités 2006 de la juridiction et décliné les objectifs à venir.

Déficit de 24 postes

Il ressort que si l’activité du TGI de Saint-Denis s’est sensiblement améliorée dans le traitement des dossiers et le rendu des jugements, en revanche, le manque d’effectif porte toujours atteinte au bon fonctionnement du Parquet. Le TGI rend en moyenne chaque année un peu plus de 10.000 décisions, et le nombre d’affaires présentées au Parquet ne cessent d’augmenter depuis 3 ans. Pourtant, le volume d’affaires traitées a cru de 10% et le nombre de réponses pénales 16%. Ce qui correspond, en 2006, à 600 décisions par magistrat contre 500 en 2005. Il manque pourtant et ce, depuis 4 ans, un magistrat “à la barre”. En effet, en raison d’une vacance de poste, 3 magistrats au lieu de 4 ont du, pendant 8 mois, se partager non seulement le traitement de la totalité des affaires nouvelles en juridiction d’instruction (238 en 2006, soit 60 par cabinet), mais aussi la gestion des dossiers en cours qu’ils sont, malgré tout, parvenus à faire baisser.
Si le nombre de juges est adapté à l’activité du TGI, en revanche, l’effectif du Parquet n’a pas augmenté depuis 2003. Il ne correspond pas à l’extension des réponses pénales, à l’augmentation de l’activité du Tribunal correctionnel et aux nouvelles missions de la justice auprès des politiques publiques. Le ratio magistrat/fonctionnaire demeure inférieur à la moyenne nationale (1,94 contre 2,63), soit un déficit de 24 postes.
C’est ainsi grâce à l’affection de vacataires que le bureau d’aide juridictionnelle a pu, en 2005, et encore en 2006, maintenir une activité satisfaisante. Si le même dispositif n’est pas reconduit, il y a fort à craindre que les plus démunis des citoyens, censés être égaux devant la justice, en pâtissent.

« Une justice ouverte à tous, y compris aux plus démunis »

Pour le Président du TGI, Pierre Lavigne, « une justice accessible, c’est une justice ouverte à tous, y compris aux plus démunis. Cela suppose que dans les tribunaux, le bon fonctionnement du service d’aide juridictionnelle soit assuré ». Mais actuellement, l’effectif ne permet pas de mettre en œuvre la procédure de recouvrement des frais avancés par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle, alors que les demandes d’admission à cette aide ont plus que doublé au cours des 5 dernières années (de 4 à 9.000).
Au bureau d’ordre pénal, 3 fonctionnaires sont chargés d’enregistrer 40.000 procès verbaux par an, en moyenne. L’affectation d’un fonctionnaire à temps plein s’impose. Manque d’effectif aussi pour le registre du commerce et des sociétés qu’il faudrait clairement renforcer. En effet, au 1er janvier 2007, 1.128 formalités y étaient en attente.
Un nombre beaucoup trop important, enclin à pénaliser la vie des affaires. La juridiction a bien déposé un dossier de candidature à la conclusion d’un contrat d’objectifs et de moyens, en mai 2005, mais n’a, à ce jour, obtenu aucune réponse ! De même, une seule personne est chargée actuellement de l’accueil du public, alors que 3 fonctionnaires au moins seraient nécessaires pour mettre en place un véritable service de qualité à même de répondre à la charte Marianne. « Nous devons, sur ce point, dresser un net constat d’échec : l’accueil au Palais de Justice de Saint-Denis n’est pas pleinement satisfaisant. Les exigences légitimes de la charte Marianne, applicables à tous les services publics, ne sont pas totalement respectées », notait encore Pierre Lavigne qui précise que « dans un monde où celui qui ne connaît pas les codes et les rites se sent étranger », l’accueil et la prise en charge du public sont fondamentaux.

De nouvelles charges

Dans notre société où la régulation par le droit est appelée à s’accroître, l’institution judiciaire est soumise à des objectifs de performance de plus en plus prégnants, où la rapidité reste un des critères majeurs de sa crédibilité. Si le Président du TGI peut se dire satisfait des résultats de la juridiction, notant qu’au 1er janvier 2007, les 2 Chambres civiles et le Tribunal mixte de commerce étaient parfaitement à jour dans l’enrôlement des affaires, la dactylographie et la notification des décisions, qu’en matière civile, le délai de jugement est passé de 9 à 7 mois, il reste néanmoins avisé quant aux nouvelles charges qui pèsent sur l’institution et au déficit de moyens dont elle souffre. Il rappelle qu’à l’échelle de la vie locale, les dispositifs pilotés par l’institution judiciaire n’ont cessé de se développer.
Les Parquets, mais aussi les juges, sont de plus en plus sollicités pour participer à des instances associant divers acteurs de la vie publique, d’animer des partenariats avec des associations. L’autorité judicaire doit également de plus en plus communiquer avec les médias, les élus, les collectivités locales, les acteurs économiques. « On attend de cette évolution une meilleure connaissance du contexte de nos décisions, une plus grande pédagogie judiciaire, un rapprochement de la justice et du citoyen. Mais où situer le bon équilibre entre ces missions nouvelles, ou qui s’amplifient, et le respect d’une impartialité qui serait de plus en plus sensible aux apparences ? ».

« Attention danger ! »

Pour sa part, le Procureur de la République de Saint-Denis notera que l’action de justice s’inscrit désormais dans le cadre de la LOLF et de son projet de performance. « Nos gouvernants nous ont en effet demandé de rendre des décisions de qualité, dans des délais plus raisonnables, d’amplifier et de diversifier la réponse pénale et d’améliorer l’exécution des décisions pénales ». Le TGI s’y emploie, veut encore réduire ses délais de jugement pour 2006, répondre aux attentes du public, des gouvernants, des élus, des exigences de la justice dans son accès, son efficacité, son impartialité, mais « attention danger ! », interpellera encore François Muguet. « L’exigence de qualité n’est pas propre au juge, elle s’impose tout autant au magistrat du Parquet qui doit être en mesure de la satisfaire. Il convient de lui en donner les moyens. Il manque aujourd’hui 1 magistrat au Parquet pour satisfaire au ratio d’un parquetier pour 3 juges et 5 personnels de greffe. Il ne serait pas acceptable que les Parquets deviennent insensiblement les fusibles d’une institution qui, par nature, ne peut satisfaire tout le monde ».

Stéphanie Longeras


An plis ke sa

« Il faut le savoir »

Si Pierre Lavigne note que les exécutions des jugements sont dans l’ensemble aujourd’hui plus facilement exécutées, leur application dans le domaine de la justice pour enfants reste gravement problématique. « Alors que la délinquance des mineurs se durcit, que les signalements de mineurs en danger se développent, les mesures d’investigation, de protection, de placement ordonnées par les juges des enfants subissent des retards d’exécution de plus en plus conséquents, et encore lorsqu’elles sont exécutées, ce qui n’est pas toujours le cas, il faut le savoir ». L’action des magistrats de la jeunesse, soumis à de plus en plus d’exigences, s’en retrouve fragilisée alors que leur domaine d’action et sensible et complexe.


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