Projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes

Intervention d’Huguette Bello pour des salaires égaux

12 mai 2005

L’Assemblée nationale a commencé ce mardi 10 mai, l’examen du projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
L’objectif de ce texte est de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans un délai maximum de cinq ans.}
Huguette Bello, députée de La Réunion, est intervenue cette nuit, dans ce débat à la tribune de l’Assemblée nationale dans le cadre de la discussion générale.
Voici le texte de l’intervention de Mme Huguette Bello.

(page 10)

Quels que soient les critères retenus, le marché du travail apparaît de plus en plus inégalitaire. Il est même devenu le plus grand pourvoyeur d’inégalités dans les sociétés contemporaines. La dérégulation en cours et la persistance d’un chômage massif, non seulement renforcent les discriminations anciennes, mais encore en créent de nouvelles.
Parmi les multiples inégalités sécrétées par le monde du travail, la plus ancienne, la plus lourde et, sans doute, pendant longtemps, la mieux acceptée est celle qui sépare les hommes et les femmes. En 1983 et en 2001, deux lois ont tenté d’y remédier. Les raisons le plus couramment évoquées pour expliquer ou justifier ces inégalités ont disparu. En effet, le niveau de formation et de diplômes des femmes est désormais plus élevé que celui des hommes et les parcours professionnels féminins connaissent de moins en moins d’interruptions.
Pourtant, quels que soient les âges et les catégories sociales, le chômage féminin reste le plus important. Les jeunes de moins de vingt-cinq ans en subissent tout particulièrement le poids. C’est aussi à La Réunion. Même si le chômage des jeunes y est généralisé puisque plus de la moitié d’entre eux le subissent, c’est parmi les jeunes femmes qu’on trouve la plus grande proportion de victimes : 58% d’entre elles sont privées d’emploi.
Les femmes sont également les plus nombreuses à subir la discrimination discrète du travail partiel qui s’est largement développé sous l’effet des politiques publiques incitatives. Destinées à favoriser l’emploi, ces mesures se sont retournées contre les salariés et, de façon privilégiée, contre les femmes.
Les inégalités salariales ne régressent guère et l’examen des courbes statistiques sur ces trente dernières années n’est pas encourageant pour l’avenir. On ne peut croire à une régulation spontanée de ce phénomène. Soixante ans après la suppression, dans la législation française, de la notion de “salaire féminin”, remplacée par le principe “à travail égal, salaire égal”, nous ne pouvons plus nous contenter de proclamations. Il faut donc d’abord encourager la mutation, puis, comme la parité en politique, l’imposer par la loi en sorte que toutes les femmes qui travaillent et toutes celles qui vont entrer sur le marché du travail en bénéficient au plus tard dans cinq ans.
Une telle transformation suppose évidemment qu’un effort important, notamment financier, soit accompli pour lever tous les obstacles qui s’opposent au travail féminin. Il est temps que les structures et les dispositifs qui permettent aux femmes de concilier leur vie professionnelle et leurs obligations familiales, c’est-à-dire les crèches, les garderies, les assistantes maternelles, etc., connaissent un développement et une répartition qui répondent à la totalité des besoins de la population. L’unanimité sur cette question est acquise depuis bien des années, mais, de plans crèches en lois spécifiques sur tel ou tel mode de garde, l’accueil des jeunes enfants est toujours loin d’être assuré.
Quoi qu’il en soit, la maternité et, plus généralement, la parentalité doivent cesser d’être présentées comme des entraves aux parcours professionnels, ce qui signifie que le temps économique ne soit plus considéré comme le patron des autres temps de la vie. C’est là, je vous l’accorde, un horizon lointain, vers lequel on ne se dirige guère. À preuve la directive qui sera mise au vote, demain (11 mai), au Parlement européen. Elle prévoit, en plus de la suppression de la dérogation au principe des 45 heures hebdomadaires, l’annualisation de la durée de travail. La commission assure - promis, juré ! - qu’il sera interdit de dépasser les 65 heures par semaine !
Nous savons que ce projet de loi arrive dans une situation difficile. Le pouvoir d’achat des salariés a diminué. Le chômage repart à la hausse. Dans le contexte de la mondialisation, les salaires sont présentés comme les premiers obstacles à l’emploi et la justification d’insupportables délocalisations. Devant une telle évolution, il est urgent d’attirer l’attention sur les risques d’égalisation des salaires par le bas. La discrimination n’existerait plus mais tous, hommes ou femmes, seraient perdants. L’exemple du remplacement des emplois-jeunes de l’éducation nationale par les assistants d’éducation, moins nombreux et moins bien rémunérés, illustre parfaitement ce risque.
Ce projet de loi prévoit également l’accès des femmes aux instances dirigeantes. Il le fait de façon modeste puisque seuls sont visés les conseils d’administration des entreprises publiques et que rien n’est prévu pour les sociétés anonymes, où la présence des femmes dans les instances de décision est pourtant plus marginale.
Mais plaider pour des conseils d’administration moins caricaturaux, c’est sans doute aussi l’occasion de rappeler que l’arrivée des femmes aux postes de responsabilité ne saurait se limiter à un simple rééquilibrage. Elle devrait aussi contribuer à modifier les mœurs qui dominent dans le monde économique. N’y aurait-il pas là une manière de limiter ou de nuancer les comportements guerriers que le monde économique impose à la société ? Ne faudrait-il pas solliciter le regard des femmes, la parole des femmes pour mieux percevoir la réalité de notre société, pour en mieux prévenir les abus, et pour mieux imaginer les évolutions possibles ?


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