L’affiche

10 août 2006

Elle est partout dans nos villes, et depuis plusieurs siècles, elle a servi aux proclamations, à l’appel à la mobilisation, aux luttes militantes, mais surtout à la réclame que l’on appelle désormais ’la publicité’. On ne va pas retracer ici l’historique de l’affiche, mais il faut admettre qu’elle devient de plus en plus envahissante.

C’est en 1976 que l’on a réellement pris conscience de cette pollution visuelle et que l’on a tenté de réglementer son utilisation. En interdisant l’affichage en dehors des agglomérations, on pouvait espérer juguler ce nouveau fléau. Si de moins en moins, l’on voit le bien-fondé de la publicité sous forme d’affichage, il faut reconnaître que celle-ci, pendant son âge d’or, était justifiée par l’information qu’elle véhiculait, c’était le temps de la "Réclame". En réglementant et en enfermant l’affichage dans les villes, le législateur pensait en avoir fini avec la gestion anarchique de la publicité.
Souvenons-nous qu’au sortir de la guerre, il fallait non seulement reconstruire, mais aussi consommer et surtout faire consommer. La déferlante des aides provenant de l’étranger et tout particulièrement de l’Amérique était accompagnée d’un souci économique évident et d’une logique implacable : "Je t’aide avec mon argent mais en contrepartie, tu achèteras mes produits". Il ne faut pas jeter la pierre à l’Amérique, tous les pays donateurs appliquent cette politique et la France, encore maintenant, opère de la même manière.

Le père noël existe, c’est Coca-Cola qui l’a inventé

On peut prendre comme exemple le plus flagrant, la politique de Coca-Cola qui, dès la guerre terminée, s’est engouffré sur le marché européen tout particulièrement sur ceux de l’Allemagne et de la France. Dans sa musette, "l’oncle Sam" nous apportait une nouvelle vision de la consommation et aussi de nouveaux mots pour la vendre, encore de nos jours, le mot le plus usité dans le monde des affaires est "marketing" et croyez-moi, dans le genre, les responsables de Coca-Cola sont des orfèvres.
Ainsi, la France, qui est sans aucun doute à l’origine de l’affichage publicitaire et qui l’inventa pour vanter les mérites d’un produit, bien avant que les États-Unis n’existent, voyait l’Amérique donner à l’affiche un sérieux coup de jeune. Je vais certainement en surprendre plus d’un dans les cases, mais au nom de la consommation, avec les petites canettes de Coca, cette société nous a fait cadeau d’un personnage dont pas un enfant n’ignore le nom "Le père Noël !". Si le père Noël existe, c’est parce que la société Coca-Cola l’a inventé, incroyable et pourtant vrai !
Cette société, pour pouvoir pousser les consommateurs vers ces petites bouteilles aujourd’hui célèbres dans le monde entier, a décidé de détourner l’image de Saint-Nicolas qui n’était fêté que par quelques régions dans le monde et créa le père Noël. Alors que le saint bien aimé portait selon la légende un vêtement vert, les responsables de la boisson au cola, qui avaient choisi comme couleur pour leurs publicités, le rouge, décidèrent d’affubler Saint Nicolas d’un costume rappelant leur couleur fétiche sur toutes les affiches vantant leur produit. Le père Noël était né !

Réglementation : Petite misère et grande avancée

Revenons à l’affichage publicitaire et à la réglementation, à aucun moment il ne fallait qu’une législation passe du laxisme au liberticide. Rappelons ici l’article 1er de la réglementation sur l’affichage publicitaire : "Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu’en soit la nature, par le moyen de la publicité, d’enseignes et de pré-enseignes, conformément aux lois en vigueur et sous réserve des dispositions du présent chapitre."
Petit à petit la réglementation s’est mise en place et c’est aux conseils municipaux que l’État a laissé le soin de réglementer en se servant d’un cadre déjà contraignant, permettant ainsi aux maires d’adapter la loi nationale aux spécificités de leurs communes. L’affichage publicitaire sauvage disparaît de nos campagnes, mais les agglomérations se voient envahies par des panneaux de toute nature et de tout format. Alors l’État établit une nouvelle réglementation qui est celle encore en vigueur de nos jours (Enfin qui devrait l’être !), c’est la Loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité.
Les municipalités ont tout pouvoir pour aménager des zones et interdire la publicité ou la réglementer. Les moyens de réglementer existent ainsi que tout un arsenal de taxes et amendes pour réprimer les contrevenants à cette législation. Mais tout n’est pas si simple et les professionnels de l’affichage publicitaire se jouent de la législation, ils surfent sur des textes parfois confus et mal maîtrisés par les responsables municipaux. Le résultat nous le connaissons, l’affichage publicitaire devient envahissant et devient une pollution visuelle, la réclame qui se devait être un moyen d’informer le public sur les produits que nous consommons est devenue la publicité, avec des slogans accrocheurs, à la limite de la décence, qui tentent de capter notre attention mais surtout qui aiguisent notre envie d’acheter. Ainsi les très belles affiches qui ornaient les murs de nos villes ne sont plus que de vulgaires appels à consommer toujours plus.

L’affichage dans tous ses états

Alors que la publicité de plus en plus est entrée chez nous par le truchement de la télévision, on aurait pu croire que l’affichage irait en diminuant, mais apparemment ce n’est pas le cas.
Je me propose de vous faire voyager au travers une série de papiers dans l’univers parfois glauque de l’affichage publicitaire. Dans cette série d’articles, nous verrons comment on passe de l’affiche "Art de la rue", à l’affichage publicitaire tel qu’on le connaît maintenant. Je vous parlerai des casseurs de pub, des repentis de la pub qui dénoncent l’abrutissement par cette pollution visuelle. Nous parlerons de la réglementation publicitaire dans notre département, des communes qui les appliquent, des taxes perçues. Vous verrez comment ici, à La Réunion, les sociétés d’affichage font fi des réglementations et jouent aux chaises musicales avec les emplacements publicitaires pour déjouer la réglementation. Enfin nous parlerons servitude de vues, mais aussi des emplois liés à l’affichage qui ne sont pas aussi importants que ce que l’on veut bien dire.

Philippe Tesseron
http://www.espaceblog.fr/teletesseron/


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