L’appel à la prière, c’est pas la guerre du bruit

29 avril 2010

Depuis quelques jours, sur une radio, des intervenants se plaignent des appels à la prière d’un muezzin.

Ces plaintes suscitent des commentaires, peu amènes et parfois racistes puisqu’il est de bon ton, guerres américaines et diversions anti-burqua obligent, de faire des musulmans le bouc-émissaire du moment.

Pour ma part, né au Maroc, je voudrais bien que le débat — puisqu’il est lancé — prenne une tournure positive.

Les catholiques font sonner les cloches pour annoncer leurs cérémonies. Des siècles durant, en terres chrétiennes, le clocher servait tout à la fois de tour de guet, d’avis mortuaire, d’avis de mariage, d’appel à la prière, etc. On sonnait le tocsin quand l’ennemi approchait, le feu se déclarait, un décès survenait. Les cloches sonnaient à toute volée pour annoncer une victoire, la fin d’une épidémie, etc.

En terres d’islam, le minaret avait les mêmes fonctions : guetter, prévenir les incendies, rythmer le temps par les appels à la prière, etc. Le muezzin était toujours choisi parmi ceux ayant une voix haut-perchée. Les appels à la prière c’était cette voix, fragile et forte qui portait loin sur la plaine, résonnait sur les parois de la vallée, au lever du jour et à la tombée de la nuit notamment. Au moment des mois de Ramadan, s’y ajoutaient les sons des ghaïtas* signalant aux jeûneurs qu’il était temps de rompre le jeûne ou de le reprendre.

Je me souviens particulièrement d’un mois de Ramadan ayant eu lieu un mois de juin. Depuis le minaret de la Koutoubia, dans la nuit, sans le moindre haut-parleur, un muezzin venu spécialement du Caire, entonna à voix nue un psaume d’une beauté bouleversante.

De tels appels à la prière se retrouvent dans les chants grégoriens, les mélopées gnaouas, le bal tamoul, l’invocation du service kabaré, les chants religieux xhosas, zoulous, ceux des cérémonies antandroy, pour ne citer qu’eux. Ils procurent une sérénité, une émotion saine.

Malheureusement, aujourd’hui, la voix humaine et ses infinies ressources mélodieuses sont battues en brèche par une utilisation abusive des moyens techniques modernes.

C’est à qui, dès qu’il accède à un micro, hurlera le plus fort, le plus faux : « j’ai une sono puissante et, que tu le veuilles ou non, tu m’entendras à défaut de m’écouter ».

Et qu’on ne vienne pas nous dire que seuls les musulmans se rendent coupables de ces abus. Les exemples de clochers "sonorisés" abondent. « Je n’ai plus de carillonneur, qu’à cela ne tienne, plutôt que de rassembler et instruire mes ouailles, je fais installer un automate », lequel va sempiternellement débiter exactement la même sonnerie déshumanisée puisqu’électronique et débarrassée des imperfections qu’un carillonneur débutant ou fatigué pouvait commettre et que le village entier commentait alors.

Peut-être serait-il temps que les croyants en un Dieu se réunissent et réfléchissent à ce que représentent les appels à la prière. Je trouverai tout à fait positif que leur(s) foi(s) — puisqu’à La Réunion certains en ont deux — se traduise par des appels respectables. Il s’agit d’inciter au recueillement, d’appeler à la sérénité, à la communion des humains et non d’assommer. L’appel à la prière ne peut être la guerre du bruit.

Moi qui ne croit pas, je reste persuadé que l’appel à la prière, par la voix nue, le chant, la cloche, le tambour, les clochettes, crée un climat d’apaisement. Je suis persuadé que, dans ce domaine également, nous pouvons donner l’exemple.

Aux religieux et au Groupe de dialogue inter religieux d’agir en ce sens.

Et que la MCUR puisse voir le jour le plus tôt possible. C’est en son sein que chacun, prenant conscience de tout ce qu’il doit aux autres, ancêtres disparus, contemporains croyants ou non qui ont fait et font de cette île, La Réunion des humains, trouvera — entre autres — la meilleure façon de vivre sa (ses) croyance(s) dans le respect de tous.

Jean Saint-Marc

* Ghaïta (raïta) : instrument à vent de type flûte.


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Messages

  • cher saint marc ,
    j’entends bien votre message , mais encore une fois pas de place dans vos propos pour les non croyants ! donc nous devons supporter les appels à la prière sans nous plaindre, ici à Mayotte, la bonne idée est de lancer cet appel à environ 4H du matin sachant qu’une très grande partie de la population vit dans des bangas(sorte de cabane en tôle ondulée) comment des enfants en bas âge réveillés à 4h du matin peuvent être attentifs dans leur scolarité, je crois qu’il faut choisir soit on éduque le mieux possibles des enfants qui sont déjà en grande difficulté et précarité, soit on en fait de bon moutons qui suivent le troupeau, je me permets de vous rappeler que la France est une république laïque et que le devoir de l’état est avant tout de préserver la santé et l’éducation de ses citoyens, donc les appels à la prière oui mais à 7h du matin et pas avant , que ce soit pour les catholiques, musulmans, juifs ou autre secte et religion que ce soit.

    • je suis musulman pratiquant, j’ai grandi avec l’appel a la priere tres tot le matin, et vecu dans un bangas, je suis maintenant medecin, je n’ai jamais ressentit ce probleme d’education que tu decris,, lorsque je remplace dans des villages en metropole, les cloches de l’eglise sonne dans la nuit a plusieurs reprise, et alors,,, chacun vit sa religion malgre que l’etat soit laique, c’est typique des français de vouloir imposer des regles qui ne corresponde en rien au mode de vie locaL ; ;jESPERE TRES SINCEREMENT QUE L4APPEL A LA PRIERE SE POUSUIVERA LE PLUS LONGTEMPS POSSIBLE A MAMOUDZOU ET SES ENVIRONS ; ; ;

  • Bonjour de Mamoudzou,
    Les sonos à fond ne sont pas apaisantes (surtout au voisinage). Tu va m’entendre et en même temps tu m’écoute ?
    Merci. La Réunion est un modèle à l’échelle de la planète pour le vivre ensemble


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