Grand angle d’Yvon Virapin

L’école en état d’urgence

2 mai 2007

À entendre certaines voix amplifiées par la résonance médiatique, l’école ne fabriquerait plus que de l’échec et de la médiocrité. Cette entreprise de défiance vis-à-vis de tout le système éducatif dresse un bilan de l’état de l’école d’aujourd’hui en forme de catastrophe comme pour mieux mettre en valeur un âge d’or fictif du passé. Et quand le Ministre de Robien sème le trouble sur la question de l’apprentissage de la lecture et remet en cause l’apprentissage de la langue française pour réintroduire explicitement la grammaire et le vocabulaire dans les programmes d’enseignement, alors que ces matières étaient jusqu’ici abordées de façon transversale, c’est toute l’école et les enseignants qui sont exposés, et même stigmatisés. Ce sentiment d’échec de l’école d’aujourd’hui est encore accentué quand ce même Ministre de l’Education nationale prend, en date du 4 avril 2007, à la veille de l’élection présidentielle, 2 arrêtés, le premier fixant les horaires des écoles maternelles et élémentaires tout en spécifiant clairement les champs disciplinaires, et le second portant sur les programmes de l’école primaire, avec la mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences, et cela sans que les effets des programmes de 2002 n’aient été mesurés.

Pourtant, si chacun faisait appel à la mémoire collective, il serait facile de se remémorer ce temps où l’échec scolaire signifiait une sortie précoce pour bon nombre d’enfants en mal d’adaptation à l’école. Dans les années 70, plus d’un tiers des élèves abandonnaient le système éducatif avant l’obtention d’un CAP ou BEP. Même si l’emploi ne manquait pas, pour ceux-là, l’ascenseur social restait bloqué. L’objectif de hisser le niveau de réussite des élèves et de démocratiser davantage l’école a été affiché dans les années 80. Cet objectif, qui a été atteint au milieu des années 90, plafonne aujourd’hui. S’il est indéniable que l’école ait aujourd’hui assuré la massification, faisant bien mieux que par le passé, il n’en reste pas moins qu’un peu plus de 6% des élèves la quittent encore sans aucune qualification. Par ailleurs, à l’entrée en 6ème, 15% des élèves ne parviennent pas à maîtriser, ou maîtrisent mal, les compétences de base nécessaires à leur scolarité ultérieure. Incontestablement, l’école reste confrontée à un noyau dur d’élèves en échec. Une situation dont on ne peut pas se satisfaire au regard de l’exigence de réussite pour tous.

On constate aussi que c’est dès les premières années de scolarisation que les écarts se creusent entre les élèves. On comprend dès lors l’inquiétude des familles car dans un contexte de chômage et d’exclusion sociale, leurs attentes envers l’école sont fortes. La question de la lutte contre l’échec scolaire est alors un enjeu fort et se pose à plusieurs niveaux.
Au sujet des contenus d’une scolarité obligatoire d’abord. Le socle commun instauré à la dernière rentrée révise vers le bas le minimum de connaissances à maîtriser à la sortie de la scolarité obligatoire, alors que dans le même temps, ces mêmes connaissances se sont multipliées et complexifiées ces dernières années. La perspective de voir les élèves les plus faibles écartés de cette culture commune, permettant d’accéder aux savoirs futurs, ne peut être la réponse pertinente au défi de notre société.

On sait aussi combien les difficultés sociales font écho aux difficultés scolaires de l’élève et pèsent sur son comportement, sa capacité à se concentrer et à comprendre. Il y a, à ce niveau, nécessité d’une action conjuguée sur les territoires difficiles par une véritable politique de la ville, du logement mais également en direction des individus avec une politique sociale d’aide aux familles les plus en difficulté. De plus, l’Etat doit mettre plus de moyens pour l’école, notamment dans les zones sensibles, par une véritable relance du dispositif d’éducation prioritaire.

Relancer la démocratisation de l’école, œuvrer à la réussite de tous les élèves en s’attaquant aux causes de l’échec, telle doit être l’ambition de l’école. La solution n’est pas dans les vieilles ficelles, mais dans l’initiative, l’innovation et la pratique professionnelle.


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