
C’était un 30 juin
30 juin, par1993- La disparition de Lucet Langenier. Elle a été brutale, prématurée et a frappé douloureusement non seulement sa famille mais aussi ses (…)
22 janvier 2008
La plus élémentaire des préventions consiste à se tourner vers les raisons profondes de la colère émeutière.
L’émeute de Villiers-le-Bel - à la suite de la mort de deux jeunes percutés par une voiture de police - n’a pas enflammé que des voitures, elle a aussi accaparé l’attention des médias et des pouvoirs publics qui craignaient une extension comme en 2005.
Le déploiement de plus de 1.000 policiers dans cette petite ville d’environ 26.000 habitants, appuyés par des hélicoptères et des tireurs d’élite, a certes contribué au “retour au calme”. Le rapport de force étant pour le moins disproportionné... Mais que fera-t-on si l’extension géographique se produit de nouveau la prochaine fois ?
Gouverner, c’est prévoir. La plus élémentaire des préventions consiste à présent à se tourner vers les raisons profondes de la colère émeutière, pour les comprendre et tenter d’y répondre afin d’éviter de nouveaux embrasements. Et la politique de la ville, quel que soit son budget, n’y suffira pas. Cette politique est indispensable, elle a pour effet d’atténuer plus ou moins l’ampleur des dégâts. Mais elle ne permet pas de remettre en cause certains fonctionnements ordinaires de la société française, y compris de ses institutions.
Qu’on le veuille ou non, la question de la doctrine et des formes de l’action policière au quotidien fait partie de ces raisons profondes. Car quelles sont les stratégies policières à l’œuvre ? Depuis 2002, elles se sont cantonnées à une politique de maintien de l’ordre, de réponse à l’urgence. Les principaux enseignements tirés des émeutes de 2005 ont été d’ordre technologique : vidéosurveillance, déploiement d’hélicoptères, drones. Ils sont axés sur le contrôle et visent à la démonstration de force. L’idéologie sécuritaire tend à faire du policier un CRS, comme en témoigne la transformation de personnels de patrouille en Compagnies de sécurisation. Le Président, son Premier ministre et son Ministre de l’Intérieur ont répété qu’il était hors de question de revenir à la police de proximité. Déclarations martiales et politiques menées ont transformé les policiers en purs agents de contrôle et de contrainte, pour la satisfaction de certains dirigeants épris de démonstrations de force viriles. Cette attitude a exaspéré tout le monde, à commencer par les policiers et les gendarmes chez qui la grogne monte, parce qu’ils perçoivent l’impasse dans laquelle on les enferme et la dégradation continue de leur relation avec la population.
Ce refus d’une police de proximité, c’est-à-dire d’une police ayant le contact avec la population, a remis en cause les fondements mêmes de leur travail. La prévention ne s’oppose pas à la répression et ne relève pas de deux catégories différentes de fonctionnaires. Au contraire, leur force et leur intelligence viennent justement de leur capacité à utiliser tour à tour les deux options en fonction des moments et des personnes. Le dialogue avec la population ne s’oppose pas au travail de police judiciaire. Au contraire, comment faire des enquêtes, comment identifier des auteurs de délits sans contacts, sans échanges avec la population ? Même les militaires en territoire ennemi développent des réseaux locaux pour ne pas être “coupés ” des populations !
Comment se fait-il que nous en soyons encore là, sinon du fait de blocages idéologiques archaïques ? Le diagnostic existe en effet depuis 30 ans. C’est en 1977 que la Commission Peyrefitte - qu’on ne saurait accuser de gauchisme ou d’angélisme - les a publiés. Sa recommandation n°81 demandait d’« instituer dans les villes de petits postes de quartiers et recourir à la méthode dite de l’îlotage », en s’inspirant explicitement des « résultats satisfaisants qui sont obtenus dans les zones rurales par l’implantation très décentralisée des brigades territoriales de gendarmerie », ce qu’a fait la police de proximité. La recommandation n°83 demandait ensuite d’« améliorer les relations entre la police et les citoyens », de deux manières : 1 - « développer l’information des citoyens sur l’action de la police et les contraintes auxquelles elle est soumise, et sur les suites données aux abus pouvant se produire à l’occasion d’opérations de police » ; 2 - « approfondir la formation professionnelle et civique des fonctionnaires de la police ; privilégier auprès d’eux les impératifs (liés) à leur mission de sécurité et à leur attitude vis-à-vis du public ». Là aussi, la police de proximité, sans constituer la panacée, amenait des progrès, limités certes, mais indéniables.
Ce refus de mettre ou remettre les citoyens dans le système de sécurité ne montre pas seulement un mépris certain du gouvernement pour ceux-ci. Il révèle aussi un certain mépris pour les policiers comme pour les gendarmes, à ses yeux juste bons à contrôler, à faire du chiffre pour les médias et à aller se battre contre les émeutiers. Aujourd’hui, on nous annonce le retour d’une certaine forme de police de proximité, avec un mélange de vieilles recettes et de réticences quant aux activités que pourraient assurer ces professionnels. Attendons de voir ce qu’il en résultera effectivement, tout en sachant qu’une véritable police de service public demande de laisser l’initiative aux policiers locaux. Car rien n’est fait aujourd’hui pour mettre en valeur l’intelligence de ces professionnels et leur capacité à contribuer au maintien de la paix sociale.
Trente ans après, le problème demeure donc entier, la police nationale n’a pas eu droit à cette grande réforme que la plupart des autres pays occidentaux ont déjà mise en œuvre, et nous sommes même en train de perdre le modèle que représentait la gendarmerie départementale. On ne peut que se féliciter de la déclaration du Ministre de l’Intérieur, tout en espérant qu’elle se concrétise rapidement dans les faits, et que ce nouvel élan ne sera pas brisé par les mêmes forces à l’œuvre depuis 2002.
Par Christian Mouhanna et Laurent Mucchielli, sociologues, chercheurs au CNRS
Derniers ouvrages publiés : J.-H. Matelly, C. Mouhanna, “Police. Des chiffres et des doutes”, Michalon, 2007 ; M. Mohammed, L. Mucchielli, “Les bandes de jeunes”, La Découverte, 2007/
1993- La disparition de Lucet Langenier. Elle a été brutale, prématurée et a frappé douloureusement non seulement sa famille mais aussi ses (…)
10 000 citoyennes et citoyens – paysans, scientifiques, médecins et victimes – se sont mobilisés dans plus de 60 villes en France pour alerter sur (…)
La Réunion fait partie des régions françaises les plus touchées par les conséquences sanitaires, sociales et judiciaires de la consommation (…)
Médam zé Méssyé, la sossyété zot i ansouvien lo tan l’avé lo pou. Sa té in problèm pou zabitan noute péi pars pou-la sa i grate la tète, é i rann (…)
Les députés ont inscrit dans la loi un premier objectif d’atteindre « 87,5% » du Smic dès le 1er janvier 2026, tout en assurant de « prioriser le (…)
« Nous préparons actuellement une grande conférence sociale rassemblant responsables politiques, économistes et partenaires sociaux, pour tracer (…)
Le 16 juin 2025, le Tribunal administratif de Paris a suspendu en référé l’arrêté du 26 février 2025 ordonnant le blocage de 17 sites (…)
Le Président des Etats-Unis, Donald Trump a ordonné le bombardement de trois sites nucléaires en Iran, dans la nuit du 21 juin 2025. Dans une (…)
Des manifestants, réunis le 23 juin devant les institutions européennes, ont demandé la suspension de l’accord d’association liant l’UE à Israël. (…)
L’État poursuit son engagement en faveur de la transition énergétique et de la décarbonation de l’électricité à La Réunion. À l’issue d’un appel à (…)
Dans les départements d’outre-mer, près d’une femme sur deux qui devient mère ne vit pas en couple, configuration familiale bien plus fréquente (…)
Une fois de plus, des femmes sont la cible d’une forme de violence lâche, insidieuse et profondément inquiétante : les attaques à la seringue dans (…)