Meurtre de Ti-Catherine à Saint-Denis, soirée de terreur au Tampon...

La Réunion face à la violence

5 janvier 2005

Dans une édition spéciale diffusée à 160.000 exemplaires au mois de novembre, le PCR notait que ’la violence et la délinquance se développent de plus en plus. Les faits le prouvent et accroissent chez les Réunionnaises et les Réunionnais le sentiment d’être de plus en plus en insécurité. Une situation qui fragilise notre vie commune et trouble la cohésion de toute notre société.’

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Dans une lettre adressée aux trois journaux réunionnais (voir “Témoignages” d’hier), Laurent Médéa analyse et commente le meurtre de Philippe Catherine. De manière sobre mais efficace, notre lecteur dresse la “chronique d’une mort annoncée”.
S’adressant directement à Ti-Catherine qu’il a connu et fréquenté, Laurent Média écrit : "on t’aimait sur le plan sportif, mais on te détestait pour ton comportement anti-social, car tu étais en dehors des rings un pwazon pour la société, où tu faisais régner TA loi dans ton quartier et à Saint-Denis. Tu étais haï de tes victimes et de leur entourage."
Allant au-delà du simple fait divers, Laurent Médéa note : "ce meurtre collectif à coups de sabre marque également la fin d’une époque. Une époque où l’homme était comme un Kok dan lo rond et chef de clans et où l’on se battait à mains nues. La génération des Kok des quartiers disparaît. Dans lo rond il n’y a plus un seul Kok, mais plusieurs ti volaye armés et de plus en plus d’actes de violences sont commis avec des armes blanches et bientôt avec des armes à feu."
Mais la réalité a vite dépassé le commentaire. Au moment où Laurent Médéa rédigeait sans doute sa lettre, "dans la nuit de la Saint-Sylvestre, une quinzaine d’individus a semé la terreur dans une soirée privée au Tampon, 27ème kilomètre. Ils ont pris en chasse six invités partis à bord d’une Clio pour leur échapper. Pendant la course-poursuite, la bande a ouvert le feu dans leur direction, faisant deux blessés. Un étudiant de 18 ans a été atteint d’une balle à la nuque. Par miracle, ses jours ne sont pas en danger", écrit “le Quotidien” daté de lundi.

"Une américanisation de la violence" à La Réunion

On ne peut mettre sur le même plan le meurtre de Philippe Catherine et l’agression de la nuit de la Saint-Sylvestre. Ils n’obéissent pas aux mêmes causes. Mais on ne peut qu’être frappé par ces déchaînements de violence en bandes organisées et faire remarquer qu’au Tampon on a assisté à un acte de violence commis avec arme à feu. Ce que Laurent Médéa redoutait dans son courrier. Il a raison en tout cas de souligner qu’"une américanisation de la violence est en train de s’installer dans (notre) société".
"À partir de là, comment neutraliser cette violence des jeunes issus des classes populaires, touchés par l’échec scolaire et le chômage dès l’adolescence ?" demande Laurent Médéa qui note : "le débat est trop souvent limité à un choix unique entre répression et prévention, négligeant les causes et les dynamiques comportementales de la délinquance.
Il va falloir donner aussi une réponse sociale à d’autres formes de violence ainsi qu’aux interactions entre les violences subies et infligées. Ce meurtre est un acte extrême qui ressort sur un fond de violences quotidiennes (délinquance, conjugale, inceste, etc.)"
.

Partir de la réalité de la société, de ses besoins

Dans une édition spéciale diffusée à 160.000 exemplaires au mois de novembre, le PCR notait que "la violence et la délinquance se développent de plus en plus. Les faits le prouvent et accroissent chez les Réunionnaises et les Réunionnais le sentiment d’être de plus en plus en insécurité. Une situation qui fragilise notre vie commune et trouble la cohésion de toute notre société."
Le hasard l’a voulu ainsi : le meurtre de Philippe Catherine est intervenu en pleine visite de Jean-Louis Borloo venu présenter son plan de cohésion sociale. Le meurtre de l’ancien boxeur et ses circonstances soulignent que pour réussir un plan de cohésion sociale, il ne suffit pas d’aligner les réalisations, cumuler les engagements et étaler sur la table des dizaines de chiffres : il faut partir de la réalité même de la société, de ses besoins. "Par manque de moyens humains et de volonté, une vraie politique sociale de proximité pour lutter contre toutes formes de violence n’a pas encore été déterminée ni entreprise", écrit Laurent Médéa.
On pourrait ajouter que l’on retrouve mal les signes d’une telle politique dans le plan Borloo.


Les musiciens réunionnais et la violence : deux voix parmi d’autres

La question de la violence exercée au sein de la société réunionnaise n’échappe pas aux musiciens de l’île. Deux productions récentes l’abordent sous des angles différents.
Ainsi dans “Far west”, GTM-2H, le groupe constitué autour du saint-leusien Patrick Persée, considère que la vie dans la cité est désormais comparable à la vie du temps du Far West. De manière quasi prémonitoire, le guitariste rasta annonce ce qui est arrivé à Philippe Catherine :
"Zot va joué le cow-boy et
Nou va joué cou de base-ball"
.
Mais fidèle à lui-même et au rastafarisme dont il se réclame, Patrick Persée appelle à refuser la violence et à respecter la société :
"Quand nous rentre dans la cité
C’est pas pou fé n’importe koué
Nou lé pas dangereux et
Nou respecte la société
Quand nou vien dans le Far West
Nou vien pour apprécier
Au milieu dan shérif
Nou vien pas pou mailler"
.
Les propos de “Sektion 480 - subkonscient” sont nettement différents. Ce groupe saint-joséphois utilise plusieurs nuances du rap et toute son énergie pour dénoncer les violences produites par la société : la corruption ou la démagogie des élus, les CES, le racisme, la vie "en misèr" dans les L.E.S. (Logements évolutifs sociaux), les méfaits de la politique de la mobilité :
"L’exil forcé est de constater que la mobilité
Fait se tâter bien des familles que la famine
Pousse de Carrefour à Tati"
.
Le récent CD de “Sektion 480” est un long cri de douleur d’une “générasyon kalsyné” à l’égard d’une société qui détruit. Le sentiment de subir la violence de la société est si fort au point que la naissance, la venue au monde est vécue comme un malheur :
"Pou mon momon lo ply mové kou d’van la ramass son souvnans
Sé sak la fann an katrovin, sak la met a mwin o mond, sak la party
samb Tétin
In trwa somèn la gèr fout a ter pour vintan la miser
Ek ravaz ravinaz la ply la party in marmyaz défriché"
.


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