Zamal i monte, du mythe à l’engrenage

Le meilleur effet, c’est de pouvoir s’en passer

4 janvier 2008

Entre fumeurs de cannabis, il y aurait ce mythe d’un monde où l’herbe ne s’achète pas, où elle se partage, où les fumeurs seraient tous frères. Et puis, il y a la réalité, le trafic, les prix, la qualité, la quantité et puis l’effet. La quête destructrice des paradis artificiels mène aux autres drogues en période de sécheresse.

Le dicton créole « Son zamal i monte » est équivalent à « la moutarde lui monte au nez ». Zamal i monte, c’est encore une description de sa propriété narcotique. Zamal i monte enfin, c’est aussi l’indicateur d’une flambée du cours de l’herbe, alors que d’autres drogues, dites dures, sont aujourd’hui de moins en moins cher et de plus en plus abordable.

La quantité

Du mythe à la réalité, il n’y a peut-être que quelques années écoulées. Bob est chef d’entreprise. Il crie au scandale quand nous l’interrogeons sur le cours du zamal à La Réunion. Fumeur depuis les années 1980, il évoque avec nostalgie les heures heureuses de ces pérégrinations dans les sommets de l’île, où à cette époque, il y avait, assure-t-il « des champs de zamal. Je marchais au milieu des pieds, écartant les branches pour me frayer un passage, jusqu’au pied que le vendeur voulait me vendre. » En l’an 2000, il achetait un pied de trois mètres aux alentours de 2.500 Francs, (voir photo), aujourd’hui le même coûterait 1.500 euros.

La qualité

Et puis renchérit-il « il y avait la qualité, les plantes étaient mûres, âgées de deux ou trois ans minimum. Des pieds comme ça, dit-il, il y en avait partout là-haut. Aujourd’hui je n’en trouve plus un seul. » Les explications qu’il nous donne se croisent. « L’arrivée de l’euro à fait monter les prix du zamal en flèche », la banalisation de l’usage du cannabis le cercle des fumeurs s’est agrandi, la lutte engagée par les forces de l’ordre pour mettre fin au trafic est exemplaire, et les nouvelles lois veillent. Au final, les pieds de zamal sont coupés avant leur maturité et l’introduction de nouvelles variétés aurait fait disparaître la variété endémique dite « le diab ».

Les prix

Du coup les prix augmentent. A La Réunion, le zamal ne se vend pas en gramme, il s’évalue au rouleau de petites branches entières, au pied, et la quantité dépend de la qualité, nous explique-t-il. Un pied d’un an, d’un rayon d’un mètre se négocie aux alentours de 400 euros entre amis. Les prix atteignent cinquante euros pour quelques ramifications de branches dont la valeur était en 2000 fixée à cent francs, et une seule grosse tête de zamal se liquide pour dix euros auprès des publics les plus demandeurs. Dix euros pour trois cigarettes, cinq euros pour un seul joint, en situation de manque, pour un toxicomane ça reste une bonne affaire pour la journée. « Une piqûre » disent les fumeurs, sans allusion à la drogue dure mais par simple référence à la douleur quand le billet sort du portefeuille.

Poly-toxicomanie

Bob, poursuit : « Ce qui est scandaleux, c’est que je veux acheter du zamal, mais je n’en trouve pas. Par contre, je trouve de l’ecstasy. Aujourd’hui il est devenu plus facile d’acheter du chimique que du naturel. Moi je ne n’achète pas tout ce qu’on me propose. Mais il y a des gars qui sniffent... Moi j’ai peur qu’à La Réunion, ce soit bientôt comme ailleurs, et que les gars soient pris dans la seringue. »
Certes il faut relativiser les discours de ce toxicomane, discerner la légende du vécu, les paroles de la réalité. Cependant, du mythe à l’engrenage, la quête de l’effet se poursuit, avec ou sans zamal. A qui profitent l’argent du crime ? Car la possession de drogue est un délit sanctionné par la loi. Économiquement parlant, l’argent du circuit profitait aux planteurs de zamal, aujourd’hui il profite aux fabricants de produit chimique. Sans doute un autre effet de la mondialisation.

Francky Lauret

NDLR- Le nom de notre interlocuteur a été transformé et nous avons dû gommer son visage sur la photo.


"Observatoire" des prix

Certains planteurs commencent à vendre de l’herbe à huit euros le gramme, sans branches.
Un ecstasy coûte vingt euros à La Réunion, sept euros en métropole. Une barrette de shit coûte cent euros ici, trente euros dans l’hexagone. Un gramme de cocaïne ou d’héroïne tourne entre 100 et 150 euros sur place, soixante euros en France. Ces produits arrivent via des passeurs à qui l’on offre le billet aller-retour depuis la France ou Madagascar.


Prévenir la délinquance

La Loi du 5 mars 2007

Avec près de 4 millions d’usagers occasionnels et 1.2 millions d’usagers réguliers, notre pays est un des pays d’Europe où la consommation de cannabis est la plus importante (un adolescent de 17 ans sur deux en 2006 contre 1 sur 5 en 1993). Au surplus, les consommations de cocaïne ont augmenté ces dernières années, avec diffusion progressive dans les soirées et les événements festifs. L’ecstasy, dont les effets sanitaires sont manifestement sous-estimés, est également en progression. Enfin, l’héroïne semble faire son retour, dans un contexte de relative ignorance de sa dangerosité par les générations les plus jeunes.
Pour faire reculer ces consommations, la loi relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007 dont le décret d’application a été publié le 26 septembre 2007, élargit le panel des sanctions pénales en matière d’usage ou d’incitation à l’usage de produits stupéfiants, notamment par l’introduction d’un dispositif de stages de sensibilisation aux dangers de l’usage de cannabis et autres drogues illicites. L’objectif de ces stages est d’induire une prise de conscience des risques liés à l’usage des drogues sur le plan sanitaire ainsi que les implications pénales et sociales de cette conduite, afin de décourager les consommations et d’éviter notamment l’installation des usages problématiques. Le public visé par ces stages pédagogiques est essentiellement l’usager peu ou pas encore dépendant échappant au dispositif d’obligations de soins et pour qui, une mesure plus symbolique de type rappel à la loi ne semble pas adaptée.
Proposé par le procureur de la république, ce stage, imaginé sur le modèle des stages de citoyenneté ou de ceux proposés dans la cadre de la prévention routière, devra être réalisé dans les 6 mois suivant la condamnation, au frais du condamné (pour un montant plafond n’excédant pas les 450 euros. Pour éviter les dérives de tout type, le contenu de ces stages fera également l’objet d’un cahier des charges rigoureux en cours d’élaboration interministérielle sous le pilotage de la MILDT. L’information délivrée s’appuiera sur des informations scientifiques validés. Ils feront l’objet d’un évaluation au fil de leur mise en œuvre pour en optimiser l’efficience.
Décret no 2007-1388 du 26 septembre 2007 pris pour l’application de la loi no 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et modifiant le code pénal et le code de procédure pénale


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