La négligence face aux besoins urgents des Mahorais

Les familles d’accueil réunionnaises attendent toujours

28 mai 2004

Dans notre édition du 14 mai, nous avions accordé une large page aux familles réunionnaises qui accueillent des enfants et adultes mahorais en évacuation sanitaire. Depuis quatre ans, elles souffrent des retards de paiements conséquents de leurs indemnisations journalières qui leur permettent de pourvoir aux besoins élémentaires de leurs pensionnaires. La DRASS (Délégation régionale des affaires sanitaires et sociales) nous avait assuré, deux jours avant la parution de l’article, qu’elle avait perçu le financement du ministère de la Santé et que les familles seraient rétribuées dans le courant de la semaine suivante.
Aujourd’hui, 28 mai, Marie-Paule Montpré, comme les nombreuses autres familles victimes dans la même attente, n’a toujours rien perçu et pire encore, est confrontée au mépris de ses interlocuteurs institutionnels, qui la trouve trop insistante. Voilà bientôt six mois, comme l’année passée, qu’elle assume la charge de trois enfants malades. Elle se sent flouée et déplore le peu de considération qu’on lui accorde, la laissant dans une situation de détresse qui met en péril sa propre famille. La députée Huguette Bello a derechef contacté la préfecture qui lui a assuré que le paiement avait été mandaté le 24 mai. Les cloches résonnent différemment d’une autorité à l’autre, familles, députée et presse sont confrontées à un manège désenchanté.

Estéfany


Le docteur Lesure parle de "loupés désolants"

L’hôpital de Mamoudzou (pôle économique de Mayotte) est bien loin de posséder le plateau technique de La Réunion. C’est parce qu’il n’a pas les moyens de faire face aux soins de suite, d’assurer les interventions chirurgicales lourdes, qu’enfants et adultes mahorais sont évacués à La Réunion et placés en familles d’accueil jusqu’à leur guérison. Une alternative technique et financière pour l’Hôpital d’enfants, le CHD de Saint-Denis, et le ministère de la Santé, qui grâce à l’intervention des familles d’accueil réalisent de conséquentes économies. "Il y a 10-15 ans, ces enfants étaient exclus des soins", note le docteur Jean-François Lesure, pédiatre à l’Hôpital d’enfants. Il parle "d’une incontestable amélioration de la prise en charge à Mayotte, qui ne suffit cependant pas à assurer la survie de ces enfants. Il faudra attendre plusieurs années avant qu’elle s’autonomise un peu. Et en attendant, La Réunion, très bien dotée, a le plateau technique pour prendre en charge les soins de cette population mahoraise".
Le docteur Lesure atteste des économies que la prise en charge de ces familles d’accueil permet de réaliser. Un séjour prolongé à l’hôpital serait dix fois plus coûteux et nécessiterait une dotation en personnel supplémentaire. Il qualifie les retards financiers de " loupés désolants. Ces gens sont dévoués et acceptent des enfants qui ne sont pas toujours des cadeaux". Convaincu du bien fondé de cette démarche, il est urgent selon lui que "le ministère et la DRASS se ressaisissent pour ne pas faire peser cette épée de Damoclès sur ces familles". Enfin, s’exprimant au nom de ses collègues : "Nous, pédiatres hospitaliers, demandons le maintien du principe d’accueil pour ces enfants, longtemps déracinés, et qui bénéficient ainsi d’un embryon de vie familiale de qualité".


Réforme de l’assurance maladie à Mayotte

L’île sœur de Mayotte est devenue “Collectivité départementale de Mayotte” le 11 juillet 2001. Bien que de nombreuses améliorations aient été faites en matière de logement, d’accès à l’éducation et à l’électricité, il reste de nombreux défis à relever. L’un d’eux : la réforme de l’assurance maladie prévue pour 2005. Cette réforme aura pour effet immédiat le transfert des financements de l’aide médicale du ministère de la santé sur Mayotte, avant de revenir vers la DRASS de La Réunion, puis vers l’UDAF (Union départementale d’actions familiales) qui les versera alors aux familles d’accueil. Un circuit rallongé qui au vu des difficultés actuelles d’indemnisation des familles laisse à penser que les choses ne vont pas aller en s’accélérant. La démonstration vivante d’un système français dont la lourdeur et la lenteur administrative portent préjudice à la population et mériteraient une petite réforme. Diminuer le salaire des fonctionnaires pour améliorer leur diligence ? Une suggestion que les adeptes de la rationalisation des salaires font depuis longtemps.


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