Journées de réflexion éthique sur la fin de vie

’Mourir les yeux ouverts’

10 novembre 2005

Le Comité réunionnais d’éthique, dirigé par le docteur Bourgeon et par Albert Cachera, organise cette semaine des Journées de réflexion éthique sur la fin de vie. Cela afin d’aider les professionnels de santé et la population en général à gérer et à vivre dans les meilleures conditions possibles le passage de la vie à la mort. Dans le cadre de ces journées, deux conférences publiques ont été organisées. La première a eu lieu mardi soir à la Faculté des Sciences à Saint-Denis, avec la participation de Marie de Hennezel, auteure de plusieurs livres sur le droit de mourir dans la dignité. La seconde est prévue ce soir au Tampon. (voir encadré)

Marie de Hennezel a publié plusieurs ouvrages qui ont contribué au vote par le Parlement de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de la vie. En particulier, son livre "Propositions pour une vie digne jusqu’au bout" (Seuil 2004) a conduit le législateur à adopter un texte dont l’application doit diminuer les souffrances des malades, qui leur permet d’échapper à l’acharnement thérapeutique et qui doit créer les conditions pour ne pas mourir dans la solitude.
On peut également citer son rapport au ministre de la Santé, "Fin de vie : le devoir d’accompagnement" (La Documentation française, 2004). Son ouvrage le plus célèbre s’intitule "La Mort intime" (Robert Laffont 1995 et 1981, Pocket 1997), qui fut préfacé par François Mitterrand.
Afin de faire connaître aux lecteurs de "Témoignages" l’esprit qui anime les travaux de Marie de Hennezel, nous publions ci-après quelques brefs extraits du début et de la fin de son dernier livre, "Mourir les yeux ouverts" (Albin Michel, 2005). Dans cet ouvrage, elle continue à défendre ses idées en s’appuyant notamment sur l’expérience de l’un de ses amis, le philosophe Yvan Amar.
Atteint d’une maladie chronique incurable, soutenu par son épouse Nadège, cet homme a choisi de mourir dans la dignité et la lucidité. Un témoignage qui fait réfléchir sur le sens de la vie et sur les droits humains dans notre société. Voici ce texte, avec des inter-titres de “Témoignages”.

"Ses funérailles ont été une fête"

"Yvan Amar vient de mourir. Il avait quarante-neuf ans. Il était atteint d’une insuffisance respiratoire gravissime. Son cœur a fini par lâcher. La crainte de mourir dans des souffrances extrêmes pousse vers l’hôpital la plupart de ceux qui pressentent leur mort. Yvan a fait un autre choix : mourir chez lui. Il est mort dignement, sereinement, sans souffrir, dans les bras de sa femme, Nadège.
Ses funérailles ont été une fête. Les gens n’étaient pas tristes, mais recueillis et remplis d’une sorte de joie profonde. Elles étaient à l’image de l’homme.
Lorsque Nadège m’a raconté cela, nous avons pensé, elle et moi, que ce témoignage avait son poids, dans un monde où la mort n’est plus acceptée comme un événement naturel de la vie.
L’expérience d’Yvan et de Nadège Amar nous provoque. Est-elle une exception ? Est-elle un exemple dont nous pouvons nous inspirer ? À chacun d’en juger. Nous estimons pour notre part, qu’elle nous donne quelques clés.

"Ne pas vivre à la surface des choses"

Avoir conscience de sa propre mortalité oblige à ne pas vivre à la surface des choses. On prend de la hauteur, on revient vers l’homme intérieur et, ce faisant, on s’apaise face à la mort. C’est ce que nous enseignent les traditions et notamment celle de l’Inde.
Chacun peut préparer sa mort - dont il ne connaît ni le jour ni l’heure - en vivant le plus en accord possible avec ses valeurs, le plus consciemment possible. Chacun peut approcher sa mort les yeux ouverts, si la mort n’est pas niée, si l’entourage l’accepte, s’il y a suffisamment de vérité et d’amour autour de celui qui meurt. Chacun peut faire de sa mort une leçon de vie pour les autres.
Le témoignage de la mort d’Yvan Amar, le rayonnement de cet homme simple, vrai, ancré dans la réalité, touchera le lecteur. Mourir les yeux ouverts n’est pas impossible aujourd’hui, même si la bonne mort souhaitée est une mort rapide, inconsciente et parfois même anticipée. (...)

"Des trésors d’humanité"

S’il y a une liberté à anticiper sa mort, à en choisir l’heure, s’il y a une dignité à refuser sa propre déchéance, il y a une liberté et une dignité encore plus fortes et plus belles dans l’acceptation les yeux ouverts du réel. Un apprentissage non pas de la mort, mais de la vie. Une paix transmise aux vivants, un rayonnement qui les porte.
Les derniers moments d’un être aimé peuvent être l’occasion d’aller le plus loin possible avec cette personne, dans une intimité et une profondeur parfois encore jamais atteintes. On croit tout connaître de l’autre, et voilà que dans ces moments ultimes, on découvre ce que l’on n’aurait jamais imaginé découvrir, des trésors d’humanité. Malgré les ravages de la maladie ou de la vieillesse, l’être humain n’a jamais dit son dernier mot. (...)

"Une force d’amour"

Ce témoignage (d’Yvan Amar - NDLR) mérite d’être transmis dans un monde où l’on finira un jour ou l’autre par culpabiliser ceux qui pèsent sur les autres parce qu’ils sont malades, handicapés, mourants, un monde où l’on décidera peut-être à leur place que leur vie n’a plus de sens, un monde où l’on présentera le suicide ou l’euthanasie comme des gestes pleins d’élégance et de sagesse.
Nous avons voulu, enfin, montrer que cette mort lucide, consciente, acceptée, malgré la souffrance et la peur, a été une leçon de vie et d’amour pour les autres. Aucune violence ne l’a accompagnée. Simplement le déroulement tranquille des choses, le silence, la tendresse, les mots qui apaisent.
Est-ce pour cela que sa femme, ses enfants sentent encore, cinq ans après, la force que leur a communiquée Yvan ? Une force d’amour.
(...) Oui, la mort met fin à la vie, mais pas à la relation. C’est ce que nous avons appris d’Yvan".


Ce soir au Tampon

La conférence organisée ce soir par le Comité réunionnais d’éthique sur la fin de la vie aura lieu à 18 heures à l’antenne Sud de l’Université de La Réunion, au Tampon (amphi 190). Elle verra notamment la participation du docteur Jean-François Reverzy, psychiatre, du professeur Jean-Louis Girones, délégué régional de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, et du philosophe Dominique Folscheid, professeur à l’Université de Paris VII.


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Messages

  • Bonsoir,

    Voilà j’ai lu votre livre "la mort intime" j’ai beaucoup aimé. puis j’ai enchaîné sur " mourir les yeux ouverts" j’ai adoré....

    Je ne travaille pas du tout dans le domaine médical, je ne suis pas non plus atteinte d’une maladie incurable, je ne côtoie pas non plus de près des personnes malades. Je suis secrétaire dans un BET AMO HQE (je ne vous explique pas, ceci n’a pas d’importance), mais avant tout je suis une "chercheuse" depuis... de longue date.

    j’avais besoin, envie de vous faire partager mes sentiments sur votre ouvrage.
    Au delà de ce que ce livre, cet état d’être, cet accompagnement peut apporter au niveau médical qui j’en suis persuadée : mourir accompagné en étant accepté comme on est, en étant compris, non jugé, en étant aimé comme on est : ça devrait être ou ce serait l’aboutissement de tout un chacun,... ce serait l’idéal...
    je sais qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire si toutefois ce soit l’objectif ?!!! "ce soit l’objectif" oui je trouve que la marche est haute...!!!! lorsque chaque personne sur cette terre sera accompagnée dans ces derniers instants de vie, on aura compris le sens réel du mot "Amour", discernement, détachement, joie, paix,....

    Personnellement ce que j’ai le plus apprécié dans votre livre, au delà du côté médical, c’est qu’il répond à mes recherches. Oui, pour moi c’est aussi bien ça : "accepter les choses comme elles le sont" sans chercher à les orienter, sans même demander. sans savoir si demain sera bien un autre jour pour moi. Dieu oui, pour moi aussi, ça peut être rien, un grand vide, ou des fois c’est très puissant aussi bien dans le "haut" que dans le "bas" ("positif" négatif" ? non ni l’un ni l’autre : c’est) et des fois rien, rien rien, accepter ce que l’on ressent sans se laisser emporter par mes émotions et mes sensations. Sans illusions, sans faire des plans sur la comète de ce que Dieu peut être à travers chacun de nous. et tellement différent selon tout un chacun. (je mesure combien le chemin de vie d’Yvan Amar est sûrement une autre implication de soi même dans la vie face à la Mort). Et puis je sais que ce sont des mots demain ils pourraient être différents, et aussi ça me fait plaisir de vous écrire, de partager : mon "égo" ? peu importe.. je pense qu’il en faut bien un peu mais point trop n’en faut !!!

    Merci j’ai beaucoup appris de votre livre. En tout cas ça m’a réconforté. J’ai ressenti beaucoup d’humilité dans votre ouvrage. Merci, ça me nourrit. Vous avez eu l’humilité de parler de quelqu’un d’autre mais n’avez vous pas les mêmes choses à exprimer de vous, de votre expérience personnelle ? J’ai l’impression de toucher du bout des doigts ma, la (?) "vérité" et en même temps je sais bien que demain sera un autre jour et que ce sera différent. Pour moi ça aussi me donne le piment pour vivre que rien ni personne ne détient quoi que ce soit.. c’est léger et libre en même temps. aujourd’hui, ce soir je ressens ça..

    Quel est ce drôle de monde dans lequel on vit !!!! qu’est ce qu’on se donne comme illusions c’est finalement incroyable alors que c’est ou ça devrait être si simple..
    Je peux bien parler moi maintenant avoir mis tout ce temps pour accepter tout simplement ce que je suis finalement !!! craneuse va !! oui j’ai 48 ans, oui je sais ça pourrait être pire..

    Merci d’avoir pris le temps de me lire. Je me tiendrais sûrement pour un temps toujours bien au parfum de vos ouvrages. Lire peut être ceux que je n’ai pas lu "nous ne nous sommes pas dit au revoir"
    J’ai lu "accueillir la mort" d’Elisabeth Kübler-Ross mais je n’ai pas aimé : je n’aime pas son approche. J’ai un ouvrage de Le Dogar : j’ai pas vraiment accroché non plus - trop centré sur lui : c’est un homme, alors ?

  • Bonjour,
    Nadège, je suis Jacques, celui qui était venu de Bayonne à la demande d’Yvan.
    J’ai quitté la France depuis trois ans pour vivre au Paraguay.
    Si quelqu’un pouvait te faire passer le message, je lui en serait infiniment reconnaissant, car j’aimerai beaucoup que nous reprenions contact.
    Amitié, Jacques

    Voir en ligne : M. Jacques


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