Journée publique des 20 ans de la Fécondation in vitro (FIV)

Quand la technologie fait reculer les tabous

2 novembre 2007

Les acteurs réunionnais de la fécondation in vitro, appelée aussi procréation médicalement assistée, ont fêté mercredi publiquement les 20 ans de cette activité pratiquée au Port depuis 1986-87 dans les laboratoires jouxtant la clinique Jeanne d’Arc. Ils avaient invité de nombreux politiques - dont le Maire du Port, Jean-Yves Langenier, qui a rappelé à tous que l’accueil de ce Centre dans la cité maritime par le Maire de l’époque, Paul Vergès, témoignait d’une « foi en la jeunesse » et d’une « ouverture sur l’Océan Indien », qui restent deux des plus grandes forces de la commune. Saluant « la solidarité et la générosité » des équipes, qui leur ont fait réussir près de 3.000 naissances en 20 ans, le maire du Port a dit « bravo et merci » à tous - de ceux qui travaillent pour la FIV à ceux des enfants qui en sont issus - jusqu’au petit dernier, qui se trouvait être, mercredi encore, un Portois de la Rivière des Galets, né le 19 octobre 2007.

« Les enfants de la médecine naissent comme les autres : de la volonté, de l’amour d’un homme et d’une femme. Je ne fais, moi, qu’aider le désir à se nicher », déclarait le docteur René Frydman, cité par le maire du Port. René Frydman était chef de service à la maternité de l’hôpital Antoine-Béclère, à Clamart (Hauts-de-Seine), et son équipe fut à l’origine de la naissance d’Amandine, premier “bébé-éprouvette” née en France, le 24 février 1982. C’était moins quatre ans après celle de Louise Brown, la “pionnière” des enfants nés de la fécondation médicalement assistée, venue au monde en juillet 1978, grâce à l’équipe du professeur Robert Geoffrey Edwards et du gynécologue Patrick Steptoe.
Reçu avec les honneurs dus à son travail par l’Académie de Médecine de Paris, au début de cette année, “Bob” Edwards, aujourd’hui âgé de 82 ans, révéla qu’il avait été invité, en 2005, au mariage de Louise Brown et qu’elle avait donné naissance, l’année suivante, à Noël, à un enfant naturellement conçu.
Le premier “bébé-éprouvette” de La Réunion, Caroline, aujourd’hui âgée de 20 ans, est venue au monde 9 ans après la pionnière britannique, et ce n’est pas le seul exploit réalisé par l’équipe constituée autour de Jean-Marie Verrougstraete, biologiste, et des gynécologues Guy Baroche et Jean-Claude Vicq.
Selon une publication scientifique, depuis la naissance de Louise Brown - c’est-à-dire depuis bientôt 30 ans, près de 3 millions d’enfants ont vu le jour dans le monde grâce à une forme ou une autre de fécondation médicalement suivie. La Réunion peut se dire que sur les 20 dernières années, elle a apporté une naissance pour mille à cet ensemble.

C’est un succès, indéniablement, qui, pour autant, ne se cache pas sa part d’ombre. Il y en a toujours, ainsi qu’on peut le lire dans le forum de notre journal, depuis mercredi : toutes les familles où un enfant se faisait attendre n’ont pas trouvé la réponse tant désirée... « Quant aux femmes de 37-40 ans qui ont des difficultés à avoir des enfants - nous dit une lectrice -, on leur explique crûment dans les cabinets médicaux qu’elles représentent une charge pour la société : leur projet d’enfant coûte trop cher, et il y a des quotas, bref, elles sont des gêneuses. On refuse même de les adresser à la clinique Jeanne d’Arc : elles ne "valent pas le coup", comme on le leur dit avec élégance ». Cet échec et tous ceux qui lui ressemblent justifient pleinement la campagne engagée par Les chemins de la vie, pour faire prendre conscience de l’importance de tester la “fécondabilité” le plus tôt possible. L’exposition installée sous un stand du parking de la médiathèque a vivement captivé le public présent. L’appel s’adresse d’abord aux médecins généralistes, qui n’ont pas tous le bon réflexe, comme en témoignent certaines des familles rencontrées mercredi au Port. Il s’adresse aussi à tous les couples, en particulier les jeunes, pour leur dire de ne pas attendre le dernier moment.
Enfin, tous les scientifiques le répètent : ils n’interviennent que pour aider les familles, qui restent le pilier, la porteuse du projet d’enfant. Lorsqu’il arrive que ce désir soit défaillant, pour une raison ou pour une autre - ce peut aussi être une cause d’échec -, la FIV ne peut rien contre la fragilité d’un couple.

Ceux qui étaient présents mercredi, réunis autour du gâteau d’anniversaire, respiraient le bonheur d’avoir pu construire une famille. Ils étaient de tous les milieux de la société - agriculteurs, femme sans et avec emploi, ouvriers, cadres commerciaux -, tous unis par la joie de montrer à leurs enfants qu’ils n’étaient pas seuls au monde, qu’ils n’étaient pas non plus des “extra-terrestres” à la façon Petit Prince, mais des enfants comme les autres : la lumière d’un foyer.

Texte, entretiens et photos : P. David


• Boyer Jean-Luc et Céline

La tentative de la dernière chance

Jean-Luc et Céline ont attendu leur petit Joshua (4 mois) pendant 17 ans. 17 ans de mariage cette année ; ont commencé la FIV en 2001 (ICSI), expliquant qu’au début de leur mariage, le travail sur l’exploitation agricole qu’ils ont à Saint-Anne, quartier de Saint-Benoît, les occupait beaucoup. Les années passant, ils ont consulté leur médecin traitant, à Sainte-Rose, qui n’a pas détecté le problème. C’est en changeant de médecin - le nouveau, de Saint-Benoît, les orientant vers le Port -, que le couple a trouvé un début de réponse, au bout de 10 ans.
Depuis 2001, ils ont fait plusieurs tentatives (FIV) infructueuses : d’abord, un traitement médicamenteux pour tenter d’agir sur l’ovulation, puis des injections pour stimuler les ovaires. La dernière a été un transfert d’embryon congelé, en octobre 2006, et cette fois a été la bonne.
Céline a eu de nombreuses difficultés dans le cours du traitement - kystes, rétention d’eau... Pour Jean-Luc non plus, cela n’a pas été facile, et c’est Céline qui raconte : « Out moral i pran in kou osi, sirtou pou lé zom. Kan ou la fin angaj aou, ou fé, mé ou la in pé honte ».
« Les échecs, c’est dur »,
dit Jean-Luc en racontant le suivi des premières tentatives. « Si le couple lé pa solid, si lé pa vréman soudé, i déchire », ajoute-t-il en décrivant avec des mots simples une épreuve que le jeune couple a traversé très seul. Personne autour à qui parler de la dureté des tests, de l’attente. « Si in i plër, lot i plër... ben ou sar pa loin », ajoute Jean-Luc. Il raconte en peu de mots l’anxiété du couple dans le suivi des tests, les sueurs froides à l’énoncé des numérations (après prise de sang), qui leur indique la possibilité d’une réussite : 200-300 unités, rien ; une année, près de Noël, ils atteignent 3.000 et se mettent à y croire, mais non. Nouvel échec. Puis un jour, ils apprennent que le niveau d’unité est passé à 7.000. « La, lété le bonër, la nou la vï la chans i souri anou in kou ».
« Si lé z’unité i monte au fur et à mesure, le bébé i pousse »,
ajoute Céline.
Penser en faire un autre à l’avenir de la même façon ? Dans l’immédiat, le jeune couple avoue qu’il ne peut pas l’envisager. « La cicatrice lé pas fermé ankor », résume Jean-Luc. Quand ils repensent à ce par quoi ils sont passés : le trajet jusqu’au Port tous les deux jours, pour des échographies, des examens..., un cycle durant ; suivi d’autres visites plus espacées. Les embouteillages, la route de la Montagne en prime... Chaque déplacement au Port exigeait qu’ils y passent la journée. Des “mauvais souvenirs” que leur bébé commence à leur faire oublier. Mais ils se disent que ce sera long... d’oublier.
En repensant à cette épreuve, Jean-Luc et Céline pensent qu’il faudrait peut-être « créer un soutien moral pour ceux qui commencent ».

• Un couple, la trentaine, anonyme

En parler aux enfants d’abord

C’est un couple de Portois, encore jeune, avec 3 enfants âgés entre 4 et 7 ans. Il souhaite garder l’anonymat car leur entourage ne sait encore rien de leur recours à la fécondation in vitro. « Dans la famille, c’est toujours tabou ces histoires de FIV », dit la jeune femme. Leur souhait serait de pouvoir en parler, mais ils veulent d’abord le faire avec leurs enfants, qu’ils jugent encore « trop petits ». « Nou atann le zanfan èt bien gran, i konpran bien lé choz... Parske kom le médesin i di, i pé èt génétik. Sa s’pé, in jour, lé garson i vé fèr in zanfan... i fo nou diskit èk zot. Mé mi trouv lé in pé bèt ke lé tabou... Parske pou mon mari osi, lété difisil... ». Le mari acquise.
Aux familles qui traversent la même difficulté qu’ils ont rencontrée, la jeune femme dit aussi qu’« il faut persévérer, il faut avoir le courage... Il faut faire confiance au médecin ». Le parcours est une épreuve. « Moralman, lé fatigan... Eske sa march, eske sa march pa ? », se rappellent-ils.
Après avoir essayé seuls pendant 3 ans, sans succès, la jeune femme a parlé à son médecin, qui les oriente vers la clinique. Les premiers examens révèlent une infertilité masculine ; un traitement commence. Deux tentatives ont été faites en 6 mois, et la deuxième a été la bonne.
« Au départ, ça a été difficile, de ma part à moi ; c’était pas de la honte, mais je ne pensais pas qu’il y aurait un malaise comme ça, de ma part. Après, comme on voulait vraiment des enfants, on a accepté tout. On y est allé tête haute, en laissant tout derrière nous », explique le père. La jeune femme renchérit : « Il ne faut pas avoir honte ; s’il y a un problème, il faut l’accepter, l’homme comme la femme... ».
Leur souhait serait d’avoir un quatrième enfant par le recours à la FIV... mais ils hésitent encore : et si au lieu d’en avoir un, ils en avaient deux ou trois d’un coup ?
Comme beaucoup des parents d’enfants FIV, ces deux jeunes avouent surprotéger leurs enfants. « Chaque fois lï lé malade, nou magine par koi nou lé passé pour avoir se zanfan-la », disent-ils ; le père rappelle qu’un de ses fils, né prématuré (à 7 mois, 1,9 kg), leur a donné beaucoup de craintes à la naissance.
Sur le regard des autres... « Certains de ceux qui sont passés par la FIV ont honte du regard des autres. Il ne faut pas avoir honte ! Au contraire, il faut accepter ce que tu as fait de toi-même et vivre ta vie », dit le jeune père. Sa compagne renchérit : « Nou la për la famiy i aksèp pa se zanfan komm lé zotr... i rogard a zot d’un autre œil ».


Céline Lucilly, Présidente de l’UDAF-Réunion

L’UDAF regroupe 32 fédérations et associations familiales pour la défense des intérêts matériels et moraux de toutes les familles. « Les 20 ans de la FIV sont une manifestation familiale », observe d’entrée de jeu la présidente. « Je ne connaissais pas la fécondation in vitro, j’ai été invitée et j’en remercie les organisateurs ; je suis venue chercher des informations. Quand on se met en couple, on veut fonder une famille, or, tous n’ont pas cette chance, et heureusement, ils peuvent avoir recours à la FIV, ou à l’adoption, en dernier lieu... Nous avons une psychologue qui rencontre les familles, qui entend leurs difficultés. Nous avons aussi la médiation familiale, et souvent, les gens nous rencontrent pour le parrainage ».
Par rapport à la FIV, après s’être informée, la présidente pense être mieux à même d’orienter vers le Centre du Port les familles qui en auraient besoin. « J’ai pris beaucoup de documentation pour informer les familles qui nous rencontrent ».
* UDAF- Réunion : 18 rue Jean Cocteau - Champfleury


Monique Busnel, Ravine des Cabris

« Je m’attendais à une naissance multiple »

Cette mère de “triplés” - qui fêteront samedi leur 12 ans - est venue avec ses trois enfants. C’est mercredi, le père de famille travaille et n’a pu se libérer.
« Un an et demi après le mariage, cela faisait pratiquement 1 an que mon mari et moi nous voulions un enfant. En parlant avec notre entourage... On nous a conseillé d’aller voir un spécialiste et nous avons rencontré le docteur Baroche, au Port ». Et surprise, à la quatrième tentative, ce n’est pas un enfant, mais trois qui s’annoncent.
« Surprise... non, parce qu’on m’avait implanté quatre embryons et il fallait s’attendre à une naissance multiple », explique Mme Busnel, qui se souvient tout de même avoir eu « un petit peur » à l’annonce des trois bébés. A cette époque, le couple avait commencé à faire des démarches pour l’adoption, avec l’association “Pauline et Adrien”.
« A la première échographie, on n’en avait vu qu’un. Ce n’est que quinze jours plus tard, le jour de mon anniversaire, que le médecin m’a annoncé qu’il en voyait trois »... « On se demande si on va pouvoir s’en occuper correctement, comment s’organiser... Il a fallu revoir tout ».
Se font-ils plus de souci que d’autres parents pour leurs enfants ? « Tous les enfants sont précieux, répond Monique Busnel, « mais ceux qui sont nés par la procréation médicalement assistée sont deux fois plus précieux ! On les a tellement attendus, tellement désirés que quand ils sont là, on a tendance à les protéger... Au fur et à mesure, on “lâche” un petit peu... Mais c’est vrai qu’ils sont hyper protégés, pas seulement par leurs parents mais par tout l’entourage familial : les mamies, les pépés, les taties, tout le monde... Même le médecin... il nous voyait arriver pour une petite grippe et quelquefois, il nous proposait d’aller au service pédiatrique de l’hôpital de Saint-Pierre. Parce qu’il savait pour nous... On avait attendu tellement longtemps qu’on ne pouvait pas prendre le moindre risque ».



Interview de Caroline Odon, 20 ans

Caroline Odon avec sa mère.(photo PD)

« Il faut sauter le pas ! »

Vous êtes la première enfant née par la FIV à La Réunion. Vous êtes venue de France pour cet anniversaire : est-ce vous sentez une responsabilité particulière à l’égard des plus jeunes ?
Tout à fait. Depuis quatre jours, on m’a donné beaucoup de responsabilités en effet. Je représente ici les 3.000 bébés-éprouvettes nés après moi. Certains sont là aujourd’hui. Ils viennent me voir et je suis très heureuse de les accueillir, de rencontrer leur famille et de voir qu’elles ont réussi, comme mes parents, à aller jusqu’au bout de leur rêve d’enfant.

Que savez-vous de l’histoire de vos parents ? Etiez-vous leur première tentative ?
Mes parents ont essayé pendant 14 ans d’avoir un enfant, avant d’avoir recours à la FIV... totalement par hasard. Cela commençait à se mettre en place. Le laboratoire venait d’ouvrir. Pendant 14 ans, ils étaient partis en France pour essayer de nouveaux traitements. Rien n’a marché. Puis ma mère a essayé la FIV, ici. Cela a été très dur, parce que c’était très “archaïque” à l’époque, je veux dire très compliqué. Ils y allaient un peu à l’aveuglette. Et ma mère a eu beaucoup de chance, un seul embryon a suffi, une seule tentative.

Ont-ils souhaité avoir d’autres enfants après vous ?
Mes parents étaient épuisés par 15 ans de tentatives. Ils auraient voulu en avoir d’autres, mais les événements de la vie ont fait que je suis fille unique. Ma mère m’a dit qu’après m’avoir eue, elle ne pensait qu’à moi. Elle a été longtemps entièrement occupée par ce bébé qu’elle venait d’avoir enfin, et c’est vrai qu’après, il était trop tard, je pense, pour un deuxième.

Avez-vous suivi l’évolution des technologies et comment elle est vécue par les familles qui viennent vous voir aujourd’hui ?
Depuis quatre jours, je vois cette évolution, et ma mère les a suivies, dans des reportages télévisés. Il y a beaucoup plus de moyens maintenant, plus d’appareils, plus de personnel. L’évolution la plus marquée, par rapport à 1987, est dans le regard que les gens portent sur la FIV. Je pense que c’est la plus grande évolution : les gens se sont un peu ouverts, pas encore totalement, et c’est pourquoi nous faisons cette manifestation aujourd’hui. C’est beaucoup plus ouvert qu’il y a 20 ans. Les “enfants FIV” sont encore considérés comme des enfants “à part”, mais ils sont acceptés.

Mais pourquoi seraient-ils “à part” ? N’est-ce pas là-dessus qu’il faut encore travailler ? Ne procèdent-ils pas de la même loterie que les autres, assistée c’est tout...?
En fait, le problème est que, dans l’esprit des gens, la conception d’un enfant est étroitement liée à l’acte amoureux. Le fait qu’interviennent des éprouvettes, du matériel de laboratoire, cela choque encore beaucoup de gens. J’ai eu beaucoup de remarques à ce sujet. Je pense que c’est le point qui retient encore les parents d’avoir recours à la FIV. C’est dommage, parce que la stérilité n’est qu’une malformation, qui peut être corrigée par la thérapeutie. Contre la stérilité, il y a aujourd’hui beaucoup de recours, par la médecine, les avancées scientifiques et technologiques. Ce serait dommage de s’arrêter à cette méconnaissance. Il faut vraiment voir plus loin... sauter le pas !

Les parents qui sont là ont déjà franchi le pas. Arrivez-vous à le dire aux autres ?
Oui, parce que j’ai grandi en sachant depuis toute petite que j’étais une enfant FIV. Il n’y a jamais eu de tabou, de honte. J’ai eu parfois des réactions un peu “violentes” en face de moi... disons étonnées, sceptiques. Mais de mon côté, il n’y a jamais eu de honte. J’étais fière de ce que j’étais et je me considérais comme une enfant tout à fait “normale”. Et c’est le message que je veux faire passer auprès des familles.


Dr. Mario Ng Kuet Leong, gynécologue (Ile Maurice)

« Nous avons une autre approche... »

Vous dirigez à l’île Maurice le centre biologique de la clinique obstétrique et gynécologique du Saint-Esprit, à Quatre-Bornes. Depuis combien de temps existe-t-elle ?
Depuis 10 ans... Cela tombe dans cette collaboration rendue possible avec l’ouverture du Centre du Port. Avant, à l’île Maurice, les gynécologues comme notre collègue le docteur Roy Chavrimootoo, qui avait initié cette collaboration en faisant de la simulation à Maurice, envoyaient les patientes à l’Ile de La Réunion pour la phase de la ponction et le traitement final.
En fait, nous sommes un exemple très concret de cette coopération régionale, dans le privé - notre Centre à Quatre-Bornes est privé. Par la suite, avec l’ouverture de notre centre en 1996, nous avons eu les structures adéquates pour l’application des techniques de la procréation médicalement assistée. Et là, on a été très chanceux de pouvoir collaborer avec le centre du Port, sans lequel cela n’aurait pas été possible de fonctionner à l’île Maurice.

Les échanges continuent entre médecins ou biologistes de La Réunion et de Maurice ?
Il y a eu un transfert de technologie. Maintenant, les gynécologues mauriciens travaillent seuls, mais au départ, nous étions dépendants de l’aide de nos confrères de La Réunion - nos confrères Vicq et Baroche -, et au laboratoire, nous avons une étroite collaboration.

De combien de personnes se compose votre équipe ?
Chez nous, le Centre fait partie d’un centre de gynécologie-obstétrique où se fait aussi de la chirurgie ambulatoire. De ce fait, il n’y a pas d’emphase sur les techniques de procréation médicalement assistée. Ce que nous faisons est très exceptionnel. Nous n’en faisons pas tous les mois. Nous sommes un centre de gynécologie-obstétrique générale. Avec cette possibilité de collaboration, nous pouvons réaliser la FIV, mais cela se fait d’une manière limitée, dans le temps, c’est-à-dire par groupes. Nous avons une approche différente, qui se répercute dans nos statistiques. Le système est très différent. Cela demeure, pour nous, Mauriciens, quelque chose de très coûteux et, vu la différence de niveaux de vie, l’application de la technique est vraiment réservée aux cas “insolubles”, quand on a essayé toutes les autres possibilités.

Vous évoquiez vos statistiques : pouvez-vous dire combien d’enfants avez-vous aidé à naître depuis 10 ans ?
Depuis 10 ans, nous pensons que 200 à 250 enfants sont nés de cette façon. Mais nous savons aussi que, avec notre expérience à l’île Maurice, vu les conditions économiques différentes, et les difficultés que les couples ont, nous avons pu fonctionner avec des résultats très adéquats, et souvent, sans avoir recours à la technique que nous avions en mains.

Vous n’avez aucune aide des pouvoirs publics ?
Aucune. Le coût des médicaments et du traitement, très élevé, est pratiquement inaccessible à un couple mauricien moyen. Il faut une vie d’épargne pour financer un traitement, sur un cycle. Et cela nous met devant l’obligation de rechercher tous les autres moyens. Cela se voit aussi dans nos statistiques : dans beaucoup de cas, nous avons eu un succès, sans passer par la FIV.

C’est-à-dire...?
Je vous donne un exemple. A la base, il y a une différence dans le fonctionnement du Centre. Un médecin référent, un collègue, nous signale et dirige vers notre centre un couple qui a des difficultés. Comme ce type de centre est rare à l’île Maurice, souvent les couples qui arrivent ont 8 à 10 ans d’infertilité et ils ont été chez plusieurs médecins. Quand ils arrivent chez nous, c’est vraiment à la fin de l’histoire et un peu par hasard. Si, aujourd’hui, en cette célébration des 20 ans du centre du Port, j’entends encore parler de “tabou”, cela me surprend un peu. Parce que chez nous, le thème est très tabou. Chez nous, un couple qui, après 10 ans d’infertilité, a déjà dépensé des sommes très importantes et qui arrive à notre centre à 30 ans passés - quand on reprend l’historique de ce qui a été fait pour eux, souvent on va s’apercevoir qu’il y a des problèmes d’ordre psychologique, qui n’ont pas trouvé leur réponse. On se trouve souvent face à des patients qui ont des difficultés d’ordre psycho-sexuel, et qui sont dans une ignorance totale. Si on arrive à corriger cela par une thérapie simple, cela produit des résultats.

Vous voulez dire par cet exemple que les difficultés des couples ne relèvent pas toujours d’une technologie lourde. Est-ce que cela ne devrait pas être soutenu davantage par les pouvoirs publics ?
On a tellement de cas où, après x années d’infertilité, un couple a un enfant par FIV et, 2 ans après, un autre enfant qui naît par la voie naturelle. C’est reconnu par les experts.
Sur la partie de votre question qui est d’ordre politico-économique, je vous dirai que c’est une question de priorité. Dans un pays où le budget de la santé est déjà limité, ce n’est pas approprié d’en prendre une part, alors qu’elle serait utile à la prévention de maladies bien plus courantes.


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