Risque requin : Trois attaques mortelles en moins de 18 mois

Qui est responsable ?

26 juillet 2012

Après l’attaque mortelle d’un requin sur un surfeur de 21 ans ce lundi 23 juillet, la colère et l’incompréhension se font ressentir. C’est la troisième attaque mortelle en moins de 18 mois, et les questions s’accumulent sur la présence des squales dans les eaux réunionnaises. A l’image du champion de bodyboard Amaury Lavernhe, nombreux sont ceux qui mettent en cause la Réserve marine, et qui pointent du doigt l’inaction des autorités pour contrer le risque. D’autres en appellent plutôt à la responsabilité et la vigilance de chacun.

Le drame qui s’est produit sur le spot de Trois-Bassins le lundi 23 juillet 2012 a réveillé de douloureux souvenirs. Avant Alexandre Rassiga, ce sont Mathieu Schiller et Eddy Aubert qui sont morts suite à des attaques de requins dans l’Ouest de l’île. Si ces décès ont suscité de vives émotions, leurs circonstances ont également soulevé des questions : les squales sont-ils plus nombreux qu’avant dans les eaux réunionnaises ? Pourquoi attaquent-ils ? Que peut-on faire pour réduire le risque requin ? Les autorités sont-elles en mesure de trouver des solutions pour protéger la population ?

Pour Amaury Lavernhe, « la question, c’est déjà de savoir qu’est-ce qu’il aurait fallu faire pour éviter d’en arriver là ». Il estime dans un premier temps que « lors de la mise en place de la Réserve marine en 2008, on aurait dû d’abord évaluer les effets que cela pourrait avoir dans une station balnéaire ». « Cela n’a pas été fait. Maintenant, on a une prolifération de requins dans l’Ouest. Ce sont des requins-bouledogues, territoriaux », ajoute-t-il, avant de déplorer, amer : « On a créé un parc à requins ».

Michaël Rard, président de l’Observatoire marin de La Réunion, n’est pas d’accord avec ce constat. « Dans les observations qui ont été faites, on note qu’il n’y a pas d’augmentation de la biomasse dans la Réserve marine. Ce qui signifie que le nombre d’individus par espèce n’a pas changé. Ensuite, on n’observe pas plus de dauphins dans la zone alors qu’ils sont au même niveau que les requins dans la hiérarchie alimentaire. Si la Réserve attire les requins, pourquoi elle n’attirerait pas les dauphins également ? », s’interroge-t-il, réfutant ainsi l’hypothèse selon laquelle la Réserve favoriserait la venue des requins près des côtes.
En appeler à la responsabilité de ceux qui se mettent à l’eau

Plutôt que d’incriminer la Réserve marine, le président de l’Observatoire marin préfère en appeler à la responsabilité de ceux qui se mettent à l’eau. « Il faut rappeler qu’il y a des facteurs de risque. 70% des attaques de requin ont lieu après 16 heures à La Réunion », souligne-t-il. Pour rappel, Alexandre Rassiga s’est, lui, fait surprendre par un squale vers 16h30. « Avant de se mettre à l’eau, il faut se renseigner sur la houle, la pluie, il faut aussi éviter d’être seul », poursuit Michaël Rard.

Il souligne également que la période est propice à la présence de requins. « La période juillet-août correspond au pic de présence des baleines dans les eaux réunionnaises, et il n’est pas rare que les requins suivent les cétacés », explique Michaël Rard. Il regrette « les conduites à risque de certains surfeurs ». « Il faut arriver à changer les mentalités, sensibiliser tous les usagers de la mer », estime-t-il.

De son côté, Christophe Mattéi, président de l’association Frères de la côte, rappelle que « Trois-Bassins a toujours été une zone potentielle à requins ». « Depuis 1985, je fréquente le site. Il y a toujours eu des requins, mais ils n’attaquaient pas. Ce qu’il faut comprendre, c’est pourquoi ils sont passés en mode attaque », explique-t-il, après avoir adressé « respect et condoléances à la famille d’Alexandre ». Lui qui a créé une application pour Smartphone afin d’informer la population sur le risque requin (www.reduirelerisquerequin.com) souligne par ailleurs que « l’eau était trouble » ce lundi en raison « d’une houle d’hiver persistante », et que d’après le calcul des variables, il n’aurait pas conseillé de se mettre à l’eau après 15 heures.
Prévention insuffisante

Lundi soir, après le décès d’Alexandre Rassiga, Amaury Lavernhe a, lui, été très catégorique. « Il faut arrêter de surfer sur la côte Ouest », a-t-il lancé. Un message amer alors que l’activité surf reprenait depuis quelque temps dans le secteur. Pour le champion de bodyboard, « les autorités locales ont minimisé le risque requin ». « A court terme, on a mis des vigies pour les écoles de surf, et des filets pour les baigneurs à Boucan Canot et aux Roches Noires. C’est bien, mais c’est insuffisant », estime Amaury Lavernhe.

« Sur le long terme, on a prévu des études, c’est certainement nécessaire, mais on a mis 800.000 euros là-dedans. Et à moyen terme, on fait quoi ? », demande celui qui préconise la mise en place de drum lines. « Ce dispositif est déjà expérimenté en Afrique du Sud, en Australie, à Hawaii, et il a fait ses preuves. Ici, on le refuse parce qu’il y a un risque de décès chez le requin, à 1% », indique Amaury Lavernhe.

Christophe Mattéi estime, lui, qu’on est sur la bonne voie en matière de protection et de surveillance. « Le dispositif de vigie est excellent, c’est juste dommage qu’il ne soit pas étendu aux surfeurs libres », dit-il. « Les études doivent se faire, elles sont nécessaires pour comprendre le comportement des requins », précise-t-il. « Au niveau de la prévention, on pourrait mieux faire », reconnaît-il cependant. « L’important aujourd’hui, c’est que tous les acteurs travaillent ensemble. Il faut cesser la guerre qu’il y a entre les différents groupes. Surfeurs, apnéistes, autorités, scientifiques, écologistes doivent rétablir la communication et avancer ensemble parce qu’il y a encore du boulot à faire », conclut Christophe Mattéi.

A noter que les obsèques d’Alexandre Rassiga ont eu lieu hier, mercredi 25 juillet 2012. Par ailleurs, les 12, 13 et 14 octobre prochains, l’événement Good Hope - Pou nout’ défunts sera organisé sur la plage de la Tortue à Saint-Leu, en hommage à tous ceux qui ont disparu en mer.

Source Imaz Press Réunion


Les surfeurs vont manifester devant la préfecture

A l’initiative de la ligue de surf et des associations Prévention Requin Réunion et Océan Prévention Réunion, un rassemblement est prévu aujourd’hui devant la Préfecture de Saint-Denis à 14 heures. L’objectif : interpeller les pouvoirs publics sur le risque requin. « On invite toute la population, les amoureux de la mer, les surfeurs, les bodyboarders, les apnéistes, les commerçants des plages aussi à nous rejoindre », indique le bodyboarder Amaury Lavernhe. Un convoi partira de la plage des Brisants à 12h30 pour rejoindre la préfecture.

« On fait ce rassemblement pour que la préfecture commence à nous écouter, et pour qu’on trouve des solutions face à la surpopulation de requins », ajoute Amaury Lavernhe. « C’est une occasion importante pour faire entendre notre indignation et demander à ce que de vraies mesures soient prises pour que cesse ce massacre », peut-on lire sur la page Facebook de l’association Océan Prévention Réunion. La population est invitée à participer à cette mobilisation, « si possible avec un tee-shirt rouge ou blanc, ou maculé de peinture rouge ».


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