Koudkongn de Raymond Mollard

Rien n’a changé, et pourtant tout est comme avant...

2 juillet 2007

Depuis qu’il a fait passer 54% des Français de l’autre côté du miroir, notre président-magicien multiplie sous leurs yeux les émerveillements, les prouesses, les tours de passe-passe et - comme on dit dans le poste - les miracles. Nous le voyons, plus affairé que le lapin d’Alice, galoper après le temps, rajeunir d’une tornade blanche le sommet des Huit, accourir en bonnet pointu au chevet de la vieille Europe, convoquer à Paris une brochette de bons apôtres pour éteindre le feu au Darfour, puis viser de sa baguette (magique, forcément magique) notre Université et transformer la citrouille en carrosse. Sans oublier le bouclier fiscal affectueusement forgé pour nos milliardaires les plus démunis, et la suppression des droits de succession sur les maigres broutilles que ces nécessiteux espèrent transmettre à leur descendance : ce n’est plus l’euphorie, c’est l’extase !...
Pour autant, faut-il le rappeler, Lewis Caroll précise clairement dans son immortel chef-d’œuvre que son héroïne sait très bien que « pour revenir à la réalité, il lui suffirait d’ouvrir les yeux ».
Et bien, c’est ce que j’ai fait, honteux certes d’une telle entorse à l’air du temps, mais passant outre hardiment pour assumer mon appartenance aux 46 % restants. Croyez-moi si vous voulez, j’ai vu des trucs bizarres, qui n’avaient plus grand-chose à voir avec des miracles.
J’ai vu la rédaction, parsemée de ratures et de pâtés, d’un “mini-traité” européen qualifié de très ambitieux par son géniteur, mais qui vérification faite n’a pour objectif qu’une Europe-croupion, et n’entrera en application qu’en 2014... et même en 2017 pour les Polonais : un “trompe-couillons” aurait dit Raymond Barre...
J’ai vu le gotha de la diplomatie, y compris l’indomptable Condoleezza Rice, s’entretenir gentiment du Darfour à Paris, en l’absence de tout représentant de Khartoum, pendant que les massacreurs continuaient sur place leur sale besogne en toute impunité.
J’ai vu qu’on offrait la chance de “travailler plus pour gagner plus” à des salariés qui ne l’ont jamais demandée, et qui s’indignaient de l’effet d’aubaine que la mesure constituera pour certains patrons, en restreignant de surcroît les possibilités d’embauches nouvelles pour les jeunes.
J’ai vu la valse-hésitation du projet de réforme de l’Enseignement Supérieur (deux pas simples en avant de Mme Pécresse, un pas chassé en arrière de M. Sarkozy, et ça repart sur le côté...), lequel sous couleur de “modernisation” et d’“autonomie” va tout simplement remplacer à moindres frais la galaxie des 85 universités françaises par une constellation d’une dizaine de super-géantes (dont nombre de parisiennes), nappées d’une nébuleuse d’astres de second ordre, dont pas mal de planètes éteintes et de comètes errantes, qui se survivront à eux-mêmes dans le fénoir sidéral, contraints de n’être aux savoirs que ce que les dispensaires sont aux C.H.U..
J’ai vu un ancien Premier ministre, ex-repris de justice, néo-ministre d’État, arraché du champ gouvernemental par ses électeurs comme un vieux cep malade et renvoyé honteusement barboter dans la bouillie bordelaise d’où il s’était imprudemment échappé. J’ai vu un ex-Président de la République, hébergé chez un milliardaire étranger, annoncer qu’il refusait de répondre devant la justice de certains faits le concernant, et soutenant haut et fort qu’il n’y a pas lieu de parler d’argent sale lorsqu’on le reçoit en mains propres. J’ai vu (et entendu) un responsable de l’UMP, dégoulinant de suffisance, de sectarisme, d’intolérance, de frustrations, de machisme, et pour tout dire de la plus épaisse et de la plus crasse des bêtises, traiter haineusement de « salope » une concurrente malheureuse, à tel point que pour étalonner désormais le degré d’abjection atteint par un discours politique on devra utiliser comme unité de mesure le Devedjian (à manipuler avec des gants en raison des éclaboussures).
Bref, rien de très nouveau, et encore moins de miraculeux, sous le soleil hexagonal. Sans aller jusqu’à dire, comme jadis le président Queuille, que « l’immobilisme est en marche, rien ne l’arrêtera », on ne peut que constater que s’il nous envoie derrière le miroir, Sarkozy, lui, reste bien campé devant, et qu’en grand communicant, il nous dit, il nous répète et il nous démontre qu’il n’existe de réalité que celle de l’apparence. Message prophétique, qui provoque en retour le flot de louanges que la “grande presse” écrite et audiovisuelle déverse quotidiennement sur son Idole. Grande presse dont on rappellera que le groupe Hachette appartient à Arnaud Lagardère (ami intime de Nicolas), le Figaro et la Socpresse à Serge et Olivier Dassault (parlementaires UMP), l’agence Havas à Vincent Bolloré (prêteur de yacht bien connu). Cerise sur le gâteau, Bernard Arnault, le patron de LVMH (témoin de mariage) tente actuellement de s’offrir le quotidien “Les Echos”, ce qui, à défaut de le faire travailler plus, lui fera certainement gagner davantage. Heureusement, nous pouvons compter pour une information objective sur Claire Chazal et Patrick Poivre d’Arvor : jusqu’ici, certes, leur application à cirer les pompes du patron les a plutôt portés à nous montrer l’arc de leur échine, mais supposez que le facétieux Sarko décide tout de go de faire les pieds au mur pendant une interview, vous verrez qu’ils ont toutes les qualités requises pour passer au journalisme debout !...


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