Koud’kongn de Raymond Mollard

Vous reprendrez bien un peu de mondialisation ?...

3 avril 2007

Si vous n’avez pas encore acheté le “Nouvel Obs” de cette semaine, courez-y vite !
La Mondialisation, ce grand mystère des temps modernes, cette Bonne Nouvelle du troisième millénaire, y est décortiquée, analysée, expliquée aux “mal-comprenants” comme vous et moi (vous aurez noté qu’aujourd’hui, on ne dit plus ni “sauvages”, ni “barbares”, ni même “crétins”) et pas sous la forme caricaturale de “brèves de comptoir” où la confine le débat politique actuel, mais par deux de ses Grands Prêtres les moins contestables puisqu’il s’agit de rien moins que Michel Rocard, ci-devant Premier ministre de la République française, et Pascal Lamy, Directeur Général de l’Organisation Mondiale du Commerce (l’O.M.C.). Un peu comme si, dans une émission culinaire, Berlusconi et Benoît XVI, l’un tournant la cuillère, l’autre touillant le fricot, tentaient de nous démontrer la supériorité gustative de l’hostie apostolique et romaine sur le nougat de Montélimar. A s’en lécher les babines...

Sans robes longues, ni bonnets pointus, dans le seul souci d’être pédagogues et convaincants, nos Eminences nous gratifient, en trois pages et six colonnes, d’une de ces leçons de catéchisme économico-politique comme on n’en reçoit guère dans toute une vie. On sent passer le souffle mystique des prophètes majeurs, et retentir urbi et orbi - message au vulgaire et menace aux infidèles - le lancinant lamento qui ponctue le livre de Job : « Et je me suis échappé, moi seul, pour t’en apporter la nouvelle » (sauf que là, ils s’y mettent à deux). Du grand art. Faites lire ça à vos marmailles, ils se sentiront saisis par l’angoisse existentielle qui étreignit Bilbo le Hobbit lorsqu’il apprit que tout là-bas, aux confins du monde connu, les armées du Mordor venaient de se mettre en marche. Brrr...

Est-il bien utile de résumer la question ? Peut-être, mais vite fait, puisqu’ à part les mal-voyants et les mal-entendants, nous connaissons tous par cœur, depuis le temps, la réponse :
« LA MONDIALISATION, C’EST COMME ÇA ; ON N’Y PEUT RIEN ; IL FAUT Y ALLER ; ET LES AUTRES, COMMENT ILS FONT, HEIN ? ET D’AILLEURS, ON A TOUT À Y GAGNER ; A CONDITION BIEN SÛR D’ACCEPTER D’ABORD D’Y PERDRE BEAUCOUP », etc...
Bien sûr, cuistrerie politicienne oblige, nos intégristes du libre-échangisme y vont en termes plus choisis. Pascal Lamy privilégie l’approche professorale : « La France est le pays de la planète qui perçoit l’avenir avec le plus d’inquiétude. Pourquoi cette singularité ? Elle s’explique par des raisons culturelles, la relation de la France à l’Universel, sa centralisation, son étatisme ». Rocard, lui, choisit d’emblée d’épaissir la sauce : « Cette espèce de schizophrénie confine à la sottise » (et vlan, les franchouillards !).

Bien sûr, on aurait envie de répondre à nos Diafoirus que la politique, c’est justement l’art de triompher des contraintes du présent pour ouvrir à tous de nouvelles voies vers l’avenir, de restaurer l’espoir, de mieux répartir les richesses. De réguler la qualité de la vie, non la quantité d’objets qu’on va faire fabriquer par le peuple X et consommer par le peuple Y, pour le plus grand bonheur du peuple Z et le plus grand profit de ceux dont les seules lois sont celles de la productivité ou du retour sur investissement. Qu’appeler les citoyens à se prosterner devant l’inéluctable relève simplement de la forfaiture ou du mépris. Qu’assumer son impuissance ou ériger en doctrine le renoncement ne saurait être qu’un choix de désespoir à l’usage de nations en voie de faillite. Et puisqu’ils jugent bon de convoquer l’histoire de France, on ne peut que leur rappeler que Kellermann à Valmy, Bonaparte au siège de Toulon ou De Gaulle en s’envolant de Bordeaux pour rejoindre Londres dans la nuit du 17 juin 1940 (pour ne citer qu’eux, et sans remonter jusqu’à la bonne Lorraine !) avaient eux aussi le choix de se coucher devant une adversité que tout esprit raisonnable considérait comme insurmontable. Ils s’y sont refusés, et leurs choix inverses ont grandement contribué à construire cette « relation de la France à l’Universel » qui décoiffe nos deux Grincheux de « l’économie capitaliste de marché ».

Et puis, on se dit que si l’Histoire a ses géants, elle a forcément ses nains. Laissons-les marcher sur leur short (made in China, of course) ou heurter du front le rebord du tapis (importé du Kazakhstan, comme il se doit). Et derrière le latin de cuisine de leurs élucubrations, plutôt que la voix du Destin, entendons seulement le facétieux adage que Frédéric Beigbeder nous livre dans une de ses pochades, en forme de commandement à l’intention de ceux qui, comme Rocard et Lamy, font profession de vendre leur camelote : « Ne laissez jamais croire aux gens que vous les prenez pour des cons, mais n’oubliez jamais qu’ils le sont ».


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